« Le diagnostic prénatal : quelles avancées en 2023 ? » Tel était le thème d'un webinaire de l'Hôpital Américain de Paris qui s'est tenu le 20 janvier. À cette occasion les Drs François Jacquemard et Philippe Bouhanna, tous deux gynécologues-obstétriciens spécialisés en médecine fœtale, ont fait le point sur l'infection au cytomégalovirus (CMV) pendant la grossesse. Ce virus du groupe Herpès peut se transmettre de la mère au fœtus et être à l'origine de trouble du neurodéveloppement. Pour réduire ce risque, il est désormais possible de recourir à un antiviral qui réduit efficacement la transmission materno-fœtale.
Si la toxoplasmose a longtemps représenté un problème de santé publique avec une forte prévalence, l'incidence a beaucoup diminué ces dernières années, indique le Dr Jacquemard. Aujourd'hui, c'est davantage le CMV qui inquiète. « D'autres infections peuvent toucher le fœtus in utero mais sont plus rares. Il s'agit de la varicelle, du parvovirus B19 et de manière beaucoup plus anecdotique le Zika il y a quelques années », liste le gynécologue.
Selon lui, 50 à 60 % de la population des femmes en âge de procréer n'ont jamais rencontré le CMV et sont donc à risque d'être infectées au cours de leur grossesse. Les symptômes de l'infection, de type syndrome grippal et fatigue, sont peu spécifiques et peuvent passer inaperçus, entraînant un risque de contamination fœtale dans 30 à 40 % des cas, en l'absence de tout traitement. Et parmi les 1 500 à 1 600 fœtus infectés chaque année, 150 à 200 vont développer une infection sévère, avec de potentielles séquelles cérébrales et auditives. « La principale conséquence peut être une surdité unilatérale, bilatérale importante ou plus modérée, voire des retards mentaux dans les cas les plus graves », décrit le Dr Jacquemard. Environ 1 % des femmes enceintes qui étaient séronégatives avant leur grossesse vont développer une infection au CMV, précise-t-il. « C'est vraiment un problème qui dépasse en valeur absolue celui de la toxoplasmose et auquel les médecins sont attentifs », témoigne-t-il.
Le valaciclovir en prévention
Et alors qu'il n'existe pas de traitement satisfaisant pour soigner les enfants infectés, une étude israélienne de 2020 change la donne (1). Les auteurs concluent que l'antiviral valaciclovir est efficace « pour réduire le taux d'infection fœtale par le CMV après une primo-infection maternelle acquise en début de grossesse ». Le traitement précoce des femmes enceintes infectées pourrait ainsi prévenir les interruptions de grossesse ou la naissance d'enfants atteints de CMV congénital, estiment-ils.
« Depuis un peu plus d'un an, nous avons donc la possibilité de prévenir l'infection materno-fœtale par l'administration d'un traitement antiviral à forte dose, dès lors que la maman vient d'attraper l'infection, s'enthousiasme le gynécologue. Grâce à ce traitement, nous passons d’un pourcentage de contamination de 30 à 40 % à un pourcentage de 10 %. » Soit une diminution d'environ 70 % du risque de contamination et donc du risque de séquelles. Le traitement est à administrer le plus tôt possible. « L'avantage du valaciclovir est sa toxicité inexistante », ajoute le Dr Jacquemard.
Un appel à faire évoluer les politiques publiques
Avec cette nouvelle approche, un nouveau cap est franchi. Dès lors, se pose la question du dépistage maternel universel du CMV. Jusque-là, la généralisation du dépistage à toute la population était difficilement envisageable du fait d'un manque d'option thérapeutique satisfaisante. En revanche, l'arrivée d'un traitement préventif efficace invite à « une réévaluation des politiques de santé publique », estime le spécialiste.
En Île-de-France, « des sérologies CMV sont réalisées pour environ 70 % des femmes enceintes. On voit que ce dépistage se met en place doucement », constate le Dr Jacquemard, qui appelle à s'appuyer sur les spécialistes de l'infectiologie fœtale et les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDP). Il en existe 49 en France agréés par l'Agence de la biomédecine.
L'IA au service de l'échographie
Le dépistage du CMV repose donc tout d'abord sur une sérologie. « Lorsque le résultat est positif, le gynécologue-obstétricien ou la sage-femme qui suit la patiente l'oriente vers un CPDP ou un médecin spécialisé », souligne le Dr Bouhanna, lui-même coordinateur du CPDP de l'Hôpital Américain de Paris.
Une prise de sang ou des analyses d’urine vont permettre de déterminer si le virus est encore présent ou si l'infection est antérieure à la grossesse. « Nous devons dater l'infection à l'aide d'outils biologiques, car le premier trimestre de la grossesse est la période la plus à risque de produire des anomalies neurodéveloppementales », précise le Dr Jacquemard. Quel que soit le stade de la grossesse, un suivi échographique régulier et éventuellement des prélèvements fœtaux sont nécessaires. « Nous réalisons systématiquement une échographie dite de référence ou de diagnostic pour rechercher d'éventuels signes échographiques », détaille le Dr Bouhanna.
L'intelligence artificielle ouvre par ailleurs la voie à de nouveaux outils échographiques. Ainsi, à l'Hôpital Américain de Paris, « nous avons mis en place de nouveaux procédés à l'aide d'une check-list des différents items à analyser, calquée sur les process de l'aviation. On retrouve cet outil directement sur les appareils d'échographie, souligne le coordinateur du CPDP. Au sein de la Commission d'échographie du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) dont je suis président, nous réalisons des travaux dans le but de diffuser ce type de procédé. »
(1) K. Shahar-Nissan et al, Lancet, 2020. doi: 10.1016/S0140-6736(20)31868-7
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