Dans la perspective de la réouverture des crèches et des écoles à partir du 11 mai, Santé publique France (SPF) propose, dans un document de 28 pages, un état des lieux des connaissances du Covid-19 chez l’enfant, une évaluation de l’impact de la fermeture des écoles sur la dynamique de l’épidémie et une mise en perspective des initiatives d’autres pays.
Une grande majorité de cas (95 %) peu ou pas symptomatiques
SPF examine d’abord les caractéristiques cliniques et de transmission du virus, à partir d’un état de la littérature en date du 24 avril, soit avant l’annonce de cas évoquant la maladie de Kawasaki. L’agence rappelle ainsi que les cas de Covid-19 chez les enfants sont le plus souvent paucisymptomatiques ou asymptomatiques (95 % des cas). À l’échelle internationale, les taux de cas pédiatriques restent faibles : entre 1 et 5 % de l’ensemble des cas diagnostiqués. En France (au 22 avril 2020), on compte moins de 1,5 % des cas rapportés dans la tranche d’âge 0 à 19 ans.
Fièvre, toux, rhinorrhée, diarrhée, nausées ou vomissements sont les symptômes les plus fréquemment rapportés. « Près de 2/3 des enfants présentent des signes d’atteinte pulmonaire à l’imagerie, sans signe de gravité clinique », souligne SPF. Les formes graves et la létalité restent exceptionnelles, mais apparaissent plus fréquentes chez les très jeunes enfants.
En France, entre le 1er mars et le 24 avril, les cas de moins de 18 ans représentent 0,16 % des cas hospitalisés et 0,04 % des décès survenus à l’hôpital, deux décès étant survenus chez des enfants âgés de 3 à 5 ans et 3 chez des enfants âgés de 12 à 17 ans.
Un rôle incertain dans la transmission
Le rôle des enfants dans la transmission « reste mal connu », lit-on. Dans près de 90 % des cas, la contamination des enfants était intrafamiliale. La transmission du virus par un enfant « est possible, mais n’a pas été observée », précise SPF. Selon les données disponibles, le délai médian de détection du virus dans les prélèvements nasopharyngés s’établit à 12 jours après le diagnostic. Une excrétion prolongée dans les selles a été constatée jusqu’à 30 jours après le diagnostic.
La participation des établissements scolaires dans la transmission est également difficile à évaluer, les seules données disponibles venant de l’investigation menée dans le lycée de Crépy-en-Valois dans l’Oise. En revanche, plusieurs études ont été menées pour évaluer l’impact de la fermeture des écoles. Les travaux de modélisation menés en Chine par exemple font état d’un effet limité, retardant la propagation de l’épidémie sans la stopper.
En France, deux études se sont penchées sur la question. Il en ressort que « la fermeture des écoles isolément peut retarder le pic épidémique mais l’effet d’atténuation est le plus important si elle est mise en place alors que l’épidémie est plus avancée », note SPF, ajoutant que « la suppression de l’épidémie passe par le maintien prolongé de cette fermeture ». Les résultats suggèrent également que les mesures de distanciation sociale chez les adultes (télétravail) « contribuent le plus à la dynamique de l’épidémie ».
Les leçons des expériences étrangères
En la matière, les expériences étrangères peuvent être éclairantes. En Suède par exemple, les écoles sont restées ouvertes avec la mise en place de dispositions spécifiques : maintien à domicile des enfants symptomatiques, hygiène, nettoyage des locaux, distance physique entre enfants. Dans ce pays, le taux d’incidence cumulée du Covid-19 (158 pour 100 000 habitants) apparaît supérieur à celui des pays voisins, mais inférieur à ceux de pays plus touchés, comme l’Espagne (447 pour 100 000 habitants) ou la France (178 pour 100 000).
Progressivement, certains pays adoptent des mesures de réouverture des établissements scolaires. C’est le cas notamment au Danemark, qui a, comme la Suède, pris des dispositions pour limiter les risques : hygiène et nettoyage des locaux renforcé, maintien à domicile des cas diagnostiqués, division des enfants en petits groupes, etc.
En Asie également, quelques pays ont de nouveau ouvert les écoles, sous conditions. À Taïwan par exemple, un cas confirmé dans une classe (enfants ou enseignant) entraîne la fermeture de la classe pendant 14 jours. Si 2 cas sont confirmés dans une école, c’est tout l’établissement qui est fermé pendant 14 jours. « La dynamique de l’épidémie à Taïwan montre que l’épidémie a été bien maîtrisée depuis la réouverture des écoles grâce à l’ensemble des mesures mises en place (mesures barrières, contact-tracing, masques...) et à l’adhésion forte de la population », observe SPF.
En France, une réouverture qui inquiète
En France également, la réouverture prochaine est assortie de mesures sanitaires. La mesure « majeure », selon SPF, concerne l’éviction des enfants et adultes symptomatiques ou contacts. Si les symptômes apparaissent dans un établissement, l’enfant ou l’adulte concerné doit être isolé en attendant le retour à domicile. Pour les enfants, le risque de stigmatisation doit être prévenu. Les zones de contact devront être nettoyées, si possible après un délai de 24 heures. Si les symptômes apparaissent à domicile, l’auto-isolement doit être facilité, notamment par des jours enfant malade pour les parents, et une surveillance par la prise régulière de la température est recommandée.
SPF recommande par ailleurs un dépistage à l’arrivée dans l’établissement par un interrogatoire des parents et par une « inspection générale de l’enfant », sans plus de précision. La distanciation sociale doit être mise en place dès l’entrée dans l’établissement.
L’ensemble des mesures « barrières », de distanciation physique et d’hygiène doivent faire l’objet d’adaptation. SPF y voit « une opportunité pour faire de l’école un lieu d’apprentissage de la prévention ». Le port d’un masque est en revanche proscrit pour les enfants de moins de 2 ans en raison des risques asphyxiques. Certaines recommandations internationales portent cette interdiction jusqu’à 5 ou 6 ans.
Une réouverture pour limiter l'impact sur la santé des enfants
Malgré l’inquiétude des parents et des enseignants, la réouverture des établissements peut se justifier au regard des conséquences du confinement sur la santé physique et mentale des enfants (augmentation du surpoids, sommeil irrégulier, augmentation des temps d’écrans, augmentation des accidents domestique et manque d’interactions sociales). Une fermeture prolongée a en effet des « effets néfastes à court et à long termes », effets accentués par la précarité des familles. Ces effets portent aussi sur un « creusement » des inégalités sociales, de l’insécurité alimentaire aux écarts de compétence qui s’accentuent.
Enfin, la réouverture permettra de sortir, même temporairement, certains enfants d’un lieu où s’exercent des violences intrafamiliales. Depuis le début du confinement en effet, les numéros d’urgence connaissent une forte hausse des appels. « Les appels donnant lieu à une transmission aux Cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) ont augmenté de 60 % et les appels transmis aux services de police et de gendarmerie de 230 % », s'alarme SPF.
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