Après les premières vaccinations pour les résidents d’Ehpad et les professionnels de santé de plus de 50 ans, la campagne vaccinale contre le Covid-19 a été ouverte le 18 janvier aux cinq millions de Français âgés de plus de 75 ans. Déjà plus de 800 centres de vaccination ont été créés sur le territoire. Reportage dans celui de Clamart, où collectivités et professionnels de santé ont répondu au défi technique pour être prêts à temps mais où les difficultés d’approvisionnement en vaccins freinent le rythme de croisière.
Depuis un an, la salle des fêtes Hunebelle de Clamart (Hauts-de-Seine) n’a pas pu accueillir beaucoup d’évènements festifs. Mais depuis le début de la campagne de vaccination anti-Covid-19, elle a trouvé une nouvelle utilité. En une semaine, cette vaste salle a été reconvertie en centre de vaccination. En ce lundi 18 janvier, alors que la campagne ouvre pour les plus de 75 ans, pas d’effervescence. Les arrivées et les parcours se font dans le calme et avec fluidité.
Sur place, les patients sont attendus par des agents municipaux, trois médecins et quatre infirmières. Pour un démarrage, la mécanique semble déjà bien huilée. À l’entrée du bâtiment, un agent vérifie que les arrivants ont bien rendez-vous, puis deux autres émargent sur leur liste. Avant d’entrer dans le hall où se déroule la suite des évènements, une autre employée prend la température des patients et leur remet un questionnaire de santé qu’ils peuvent remplir dans une salle d’attente. Ils doivent ensuite patienter avant d’être reçus par un des trois médecins présents dans une « tente » de consultation, derrière un plexiglas. Là, le professionnel de santé vérifie avec les patients qu’ils n’ont pas de contre-indications au vaccin et remplit grâce à un ordinateur les informations nécessaires sur la plateforme Vaccin Covid (nom du vaccin, numéro du lot, date et heure de la vaccination, lieu, etc.). Une fois le récapitulatif imprimé et remis au patient, celui-ci peut aller attendre devant une des tentes installées de l’autre côté du hall, où les infirmières procèdent à la vaccination. Une fois l’injection réalisée, ils doivent encore rester un quart d’heure avant de repartir, afin de vérifier qu’ils ne font pas de réaction allergique.
Des créneaux très vite remplis
C’est donc ce circuit que vont suivre les 204 personnes qui ont un rendez-vous prévu ce lundi. Et pour Alfred, Alain, Monique, Daniel, Muriel ou les époux Garcia, tout se déroule sans appréhension. Faisant partie de la population éligible à la vaccination depuis le 18 janvier, la plupart d’entre eux ont reçu à domicile une lettre de la mairie la semaine dernière. « J’ai téléphoné, j’ai pu avoir un créneau aujourd’hui et j’ai déjà mon rendez-vous pour la deuxième injection fixé au 8 février », explique Alfred, 77 ans, en sortant son carnet de vaccination bien rempli en tant qu’ancien grand voyageur. Mais pour pouvoir être reçu aujourd’hui, il fallait être réactif. « Nous avons mis en place un numéro dédié avec dix personnes pour répondre et il y avait possibilité de s’inscrire via Doctolib, mais en trois heures tous les créneaux étaient déjà remplis et nous avons 1 200 personnes sur liste d’attente », explique Simon-Pierre Chalvidan, directeur général des services de la ville de Clamart.
Photos : Amandine Le Blanc
Des futurs vaccinés convaincus et pressés
« Alors Docteur, j’ai entendu dire qu’il y avait eu treize personnes mortes en Norvège », entame Daniel sur le ton de la plaisanterie. Mais en réalité, le Clamartois n’a pas vraiment d’inquiétude. « Mon cardiologue m’a conseillé de le faire donc je m’exécute, relate-t-il. Et puis j’ai l’habitude, je me fais déjà vacciner tous les ans contre la grippe. » À 75 ans, Muriel a tout juste le droit de se faire vacciner. Elle n’est pas particulièrement fan des piqûres et fait un peu la grimace au moment de l’injection, mais c’est bien là sa seule réticence. « Mon mari est médecin donc je n’ai pas eu de doute et avec ma cardiopathie, c’est mieux que je me fasse vacciner », souligne-t-elle.
Les patients qui arrivent ici ne sont donc plus à convaincre. « Depuis deux semaines, ils ont déjà vu leur médecin, pu poser leurs questions, ils ne sont pas inquiets mais pressés au contraire », remarque le Dr Armand Semerciyan, généraliste clamartois présent ce matin aux côtés des Drs Jean-Paul Hamon et Patricia Bianchi-Fior. Il y a tout de même un peu d’appréhension chez certains, comme chez Alain. « J’ai entendu dire qu’il pouvait y avoir des paralysies faciales », lance-t-il au Dr Hamon, qui s’empresse de le rassurer en lui faisant part des statistiques sur ces fameuses paralysies. Pour l’instant, toutes les personnes présentes ont reçu le feu vert des trois médecins du centre pour se faire vacciner. « Là, ce sont mes patients, donc ça va aller vite, je connais bien leurs antécédents », se réjouit le Dr Hamon à l’arrivée des époux Garcia, eux aussi tout heureux de retrouver leur médecin traitant depuis plus de 40 ans. Pas d’accroc dans le parcours pour ce coup d’envoi de la vaccination en ville à Clamart, où même les téléservices Ameli « fonctionnent très bien » ce matin, note le Dr Gaëtan Guiu, médecin à l’hôpital militaire de Percy.
Incertitudes sur l’approvisionnement du lendemain
Réussir à monter ce centre de vaccination en une semaine était un petit défi logistique mais il apparaît donc avoir été relevé haut la main. « C’est super bien organisé », s’extasie le Dr Bianchi-Fior, rhumatologue à Châtillon et au centre de santé de Clamart. Sur le territoire Vallée Sud-Grand Paris, la ville de Clamart fait partie de celles retenues, avec Châtenay-Malabry, pour l’implantation de centres de vaccination en ville. Le territoire a potentiellement une population de 20 000 personnes éligibles pour cette nouvelle phase de vaccination. « Nous avons déclaré être en capacité de vacciner de 5 000 à 6 000 personnes par semaine », explique Simon-Pierre Chalvidan. Pour pouvoir s’organiser aussi vite, la municipalité a pu compter sur la mobilisation et l’appui des professionnels de santé libéraux, des centres de santé de la ville et de l’hôpital de Percy. « On ne fonctionne pas en CPTS mais on se connaît tous, on travaille bien ensemble. Nous avons eu un sacré coup de main de la mairie, détaille le Dr Hamon. Ils nous fournissent les ordinateurs, les lecteurs de carte, etc. ». En l’absence de questionnaire de santé unique, « les équipes du centre de santé ont fait un super travail pour en élaborer un rapidement », souligne aussi le Dr Guiu.
La seule ombre au tableau, c’est que malgré l’empressement des futurs vaccinés et la réactivité de tous les acteurs du territoire, il manque un élément de taille : les vaccins. Le centre dit pouvoir vacciner jusqu’à 6 000 personnes de manière hebdomadaire, mais avec 34 flacons pour cette première journée et un gros point d’interrogation pour le reste de la semaine, on est loin du compte. Et finalement, ici, ce n’est pas le centre référent qui est venu livrer les autres mais l’inverse. « Samedi, notre médecin référent, Nathalie Lebon, a dû aller chercher sous la neige, en camionnette, les doses à Nanterre », relate M. Chalvidan. Et pas question d’en perdre une goutte : avec 34 ampoules, 170 personnes peuvent être vaccinées, 204 si on fait 6 doses avec chaque flacon, ce qui est théoriquement possible. Mais avec 204 rendez-vous planifiés ce jour, les infirmières ne devaient pas avoir la main qui tremble au moment de la préparation. « C’est un coup à prendre, comme pour chaque nouvelle procédure, et c’est une première aujourd’hui pour le vaccin Covid, mais tout s’est bien passé », explique Sarah Pellereau, infirmière libérale présente ce lundi. Cependant, pour le jour d’après, c’est déjà l’inconnu. « Nous sommes en train d’appeler les gens pour déprogrammer les rendez-vous des jours suivants. Pour l’instant, nous ne proposons pas de nouvelles dates car nous n’avons pas de visibilité. Nous ne voulons pas les déplacer à plusieurs reprises », explique M. Chalvidan.