RER B. Station Stade de France. Bienvenue à la plus grande enceinte sportive de France à Saint-Denis (93). Ce jour-là, les flonflons des fans du ballon rond ou de pop stars ont laissé place à une centaine de personnes masquées, cheveux grisonnants, venus se faire vacciner contre le Covid-19. Devant la porte E, sous le soleil, la queue s’allonge rapidement et les visages inquiets attendent d’être fouillés, avant de pénétrer dans le mythique parvis.
Laurent, 48 ans est accompagné de ses deux enfants étudiants. Victime récemment d’un infarctus, l’homme, habitant en Seine-et-Marne, ne cache pas son impatience pour être vacciné. « Depuis l’annonce de l’ouverture de ce centre, on regardait tous les jours pour avoir une place, confie Marie, sa fille. Même si c’est loin, on n’a pas hésité à l’amener. Et puis ça fait plaisir de rentrer dans le Stade que je ne connaissais pas ». Derrière la famille, se tient Farida, 56 ans. « J’habite à Garges-lès-Gonesse, dans le Val-d’Oise. Là-bas, ce n’est même pas la peine d’essayer d’avoir un vaccin. Impossible d’obtenir un rendez-vous dans un centre de vaccination. Mon médecin dit qu’il n’a pas de doses et m’a encouragé à venir ici ». Plus loin Mathurine, 62 ans diabétique, peste contre « son médecin traitant qui ne lui dit rien sur les vaccins ». « Mais je me suis renseignée et j'ai pu avoir un rendez-vous. Je suis contente même s'il faut faire la queue longtemps », avoue cette habitante de Tremblay-en-France. Ce jour-là, chaque personne a dû attendre près d’une demi-heure avant de pouvoir rentrer à l'intérieur du Stade.
Le vaccinodrome s’inscrit dans la stratégie d’accélération de la vaccination du gouvernement. Ouvert depuis le 6 avril, six jours sur sept et de 9 heures à 20 heures, il entend accueillir et vacciner 10 000 personnes par semaine, avec les vaccins Pfizer et Moderna en primo-injections. Dans ce département francilien le plus impacté par le Covid – le taux d’incidence est, à la date du 8 avril, de 667 pour 100 000 habitants -, le choix a été d’attribuer la moitié des rendez-vous à tous les Franciliens via la plate-forme Doctolib, les 50 % restants aux Dionysiens via un numéro unique mis en place par le département.
Ceux qui peuvent y prendre rendez-vous sont, pour l'instant, les personnes de plus de 70 ans, les professionnels de santé, celles de 50 à 54 ans souffrant d'une ou plusieurs comorbidités, les 18 à 74 ans présentant un très haut risque de développer une forme grave du Covid-19, avec une prescription médicale. Lors des deux premiers jours d'ouverture, l’ARS a comptabilisé près de 4 000 personnes vaccinées dont environ 45 % d’entre elles sont des habitants du département.
Parcours fléché
Après un démarrage un peu « difficile », l’organisation pilotée par la Croix-Rouge est désormais bien huilée. Les vaccins, en provenance de la pharmacie de l’hôpital d’Aulnay sous Bois, sont livrés deux fois par semaine. À l’arrivée, ils sont réceptionnés par un pharmacien pour garantir toute la pharmacovigilance et placés dans une pièce sécurisée avec un frigo à l’écart du centre de vaccination. « Les doses sont préparées quotidiennement par une équipe de six étudiants infirmiers de deuxième année sous la responsabilité d’un pharmacien », précise Florent Vallée, directeur adjoint des opérations de la Croix-Rouge.
Avant de recevoir le vaccin, chaque personne doit suivre un parcours fléché. Examen des prescriptions et documents médicaux par les administratifs employés par le département, consultation prévaccinale réalisée par un infirmier puis injection du vaccin par l'un des vingt vaccinateurs (pompiers et infirmiers). Cinq médecins sont présents en permanence sur le site. Leur mission est de rencontrer les patients à risque et donner leur avis sur l’éligibilité, sur la nécessité d’une surveillance particulière en cas de risques après la vaccination, au regard de la pathologie signalée. Le Dr Nour Bazine, généraliste remplaçante à Gennevilliers, est l'une d'entre eux. Elle reçoit dans son box Jeanne, 70 ans, un peu inquiète. « C’est votre première injection ? Vous aviez eu des allergies ? », questionne le médecin. « Oui. J'ai eu un œdème de Quincke », répond la dame, tout intimidée. « Je vais demander qu’on aille vous surveiller plus longtemps après le vaccin », rassure-t-elle.
Activité « gratifiante »
Dans un autre box, un peu plus loin, le Dr Michèle Decq, généraliste parisienne a été sollicitée pour deux jours. Installée depuis 1988 dans le 15earrondissement, le médecin a dû fermer son cabinet pour venir. « Depuis le début de la vaccination, je me bats pour vacciner mes patients. Beaucoup ont été refoulés par des centres de vaccination faute de vaccins. Alors je voulais savoir comment ça fonctionnait ici ». Convaincue par cette vaccination de masse et la délégation du geste vaccinal à d’autres professionnels comme les pharmaciens, le médecin appelle « tout le monde à y contribuer ».
Interne en ORL au CHU de Poitiers, Charles Huren, en vacances en région parisienne, a dû batailler « pour pouvoir participer à l’effort vaccinal ». Il regrette de ne pas pouvoir « piquer » mais se sent toutefois « utile » quand il explique aux patients l'efficacité identique de Pfizer et de Moderna. « Il y a une certaine confusion entre Moderna et AstraZeneca. Du coup beaucoup de patients préfèrent Pfizer », dit-il.
Médecin du sport à Boulogne-Billancourt, le Dr Marion Robey salue un dispositif « efficace » pour les patients et « économique » pour la Sécu. « Ici, on vaccine une personne toutes les 3 minutes 30 alors qu’au cabinet, c'est une toutes les vingt minutes. Au cabinet, je prends 30 euros pour une consultation, alors qu’ici je vois 17 personnes à l’heure et je suis payée 100 euros. Faites votre calcul », assène-t-elle. Pour le médecin, même si cette activité est un peu monotone, elle est « gratifiante » car « les patients sont reconnaissants de ce que fait l’équipe ». Le dispositif, appelé à monter en puissance, vise à aller jusqu'à 45 000 vaccinations par semaine. « On aura besoin de toutes les bonnes volontés pour fonctionner », résume Florent Vallée.
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