Environ 1,5 à 2 % des femmes porteuses d'Essure rapportent des problèmes de tolérance. Ce chiffre a été confirmé au sein d'une vaste cohorte hollandaise rassemblant plus de 300 000 femmes, où le taux global d'effets secondaires s'établissait à 1,5 %. Deux grands types de plaintes sont rapportés par les femmes.
D'un côté, les douleurs pelviennes et/ou les saignements anormaux, largement majoritaires. D'un autre, des symptômes plus rares mais plus généraux, de type fatigue, douleurs généralisées, céphalées, vertiges, douleurs musculaires, articulaires, allergies, troubles intestinaux, troubles neurosensoriels, anxiété, dépression, pathologies auto-immunes, troubles thyroïdiens, faiblesse des membres inférieurs, ou problèmes oto-rhino-laryngologiques… Or ces derniers symptômes sont moins faciles à objectiver. « Il s'agit de femmes majoritairement dans la quarantaine, qui peuvent notamment développer une fibromyalgie, de l'arthrose. Et surtout, on peine à expliquer ces symptômes qui disparaissent chez certaines après explantation », résume le Pr Olivier Graesslin (CHU Reims).
Les douleurs et saignements peuvent être la conséquence d'un mauvais positionnement du dispositif, d'une irritation de l'utérus et des trompes, d'une algie pelvienne chronique, d'une adénomyose sous-jacente, ou d'hémorragies utérines fonctionnelles antérieurement contrôlées par la contraception. En revanche, l'étiologie des symptômes moins spécifiques reste plus mystérieuse. Sont-ils l'expression de problèmes immuno-allergiques, d'une maladie auto-immune ? Au patch test, une femme sur cinq est allergique au nickel. Toutefois les autres dispositifs médicaux utilisant des alliages nickel titane sont classiquement bien tolérés. C'est néanmoins aujourd'hui l'une des seules pistes. « La recherche d'allergie au nickel (patch test) est du coup désormais systématique et contre-indique la pose. Mais en l'absence d'explication physiopathologique claire, il faut continuer à explorer l'étiologie de ce syndrome », selon Olivier Graesslin.
Le collège se mobilise
Le collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) a rencontré et discuté à plusieurs reprises avec l'association RESIST représentant les femmes demandant le retrait du dispositif Essure. Et un groupe de travail dédié a été constitué, ainsi qu'une liste d'experts répartis sur l'ensemble du territoire susceptibles d'être consultés par les collègues ou les patientes.
À la suite de ces discussions, le CNGOF a publié plusieurs communiqués, mis en ligne sur le site. Il a demandé aux praticiens d'être à l'écoute des plaintes des patientes, en particulier des plaintes inexpliquées. Pour les colliger, un formulaire de recueil des effets indésirables a été édité et un registre mis en place.
Par ailleurs, face à l'afflux des demandes des femmes, ce groupe a très vite édité des recommandations sur les techniques chirurgicales de retrait à mettre en œuvre, sous réserve que le retrait soit médicalement motivé. Une demande de cotation spécifique qui permettrait de dénombrer et suivre ces retraits est en cours.
Des recommandations pratiques
L'accent a été aussi mis sur l'importance de la formation des praticiens à la pose. C'est en effet une technique relativement simple, ne nécessitant pas d'anesthésie... Du coup l'attention à la formation n'a peut-être pas été suffisante lors de l'introduction de cette technique. Le CNGOF a émis des recommandations de pratique clinique sur la sélection des patientes et l'habilitation des praticiens à réaliser la pose d'Essure.
Implantation. Pour le CNGOF, les candidates à la pose de l'implant Essure doivent être soigneusement sélectionnées. « Il faut en particulier écarter les femmes souffrant d'algie pelvienne chronique, d'adénomyose, ou ayant des saignements bien contrôlés sous contraception », résume le Pr Graesslin. Les hémorragies utérines fonctionnelles sont en effet très fréquentes à 40-50 ans. Et dans ce cas, il ne faut pas arrêter la contraception hormonale.
Quant aux praticiens amenés à poser le dispositif, pour réduire les risques de complications, ils doivent avoir été formés et être suffisamment expérimentés. Les
Autorités de santé, dans un arrêté ministériel en 2016, ont recommandé que la pose ne
soit effectuée que par des praticiens en réalisant suffisamment. « Désormais seuls ces praticiens réalisant plus de 12 poses par an, exerçant généralement dans des centres spécialisés, sont autorisés à proposer le dispositif Essure en alternative à une stérilisation chirurgicale par cœlioscopie ».
Explantation. Le Collège préconise d'explorer systématiquement les femmes avant
l'explantation si les symptômes présentés évoquent une pathologie rhumatismale,
neurologique... L’explantation réalisée par voie chirurgicale sous anesthésie générale.
doit privilégier la salpingectomie chaque fois que possible. « Autrement dit, l’hystérectomie avec salpingectomie bilatérale, geste associé à un risque significatif de complications, ne doit pas être systématique. Chez une majorité de femmes, on peut en effet se limiter à l'exérèse des trompes et préserver l'utérus s’il est sain », souligne le Pr Olivier Graesslin.
Analyse du CSST sur le rapport bénéfices/risque
En avril 2017, le comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) a auditionné l’association RESIST, le Mouvement français du planning familial (MPPF), l'Association nationale des centres d’information sur la contraception (ANCIC), le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Il a examiné les données de la matériovigilance, du dossier préclinique actualisé par Bayer et les résultats originaux de l’étude épidémiologique réalisée par l’ANSM (2).
Résultats, le CSST considère que la stérilisation par Essure – posée par hystéroscopie en ambulatoire et généralement sans anesthésie avec une préparation adéquate de la femme et un praticien formé et expérimenté – présente un bénéfice par rapport à la méthode par ligature.
Le CSST juge par ailleurs que les femmes doivent être informées des possibles difficultés de pose et d'échec (4 à 5 % des cas) et des complications tubaires (moins de 1 %, plus fréquentes qu’après ligature), utérines (1,3 % ; moins fréquentes qu’après ligature) et des possibles douleurs pelviennes, règles douloureuses ou abondantes liées à l’arrêt de la contraception hormonale et à l’âge.
L'étude menée dans la base du SNIIRAM comparant 34 000 femmes stérilisées par cœlioscopie à 70 000 femmes stérilisées par Essure n'a pas mis en évidence, malgré sa puissance, de différence en termes de fréquence de pathologies générales entre les deux groupes. Le CSST considère donc qu'à ce jour il n’existe ni bases scientifiques soutenant l’hypothèse d’un lien entre les manifestations extra-gynécologiques, rares, et l’implant Essure. Néanmoins l’augmentation des phénomènes allergiques (+ 10 %) devrait inciter à écarter cette méthode de stérilisation lors de terrain allergique. Et la survenue de symptômes extra-gynécologiques doit être évaluée (signalement systématique à l'ANSM).
Enfin, le CSST souhaite que des recherches soient menées pour élucider les mécanismes possiblement impliqués (analyse des implants et trompes après retraits) et pour identifier les outils (cliniques, immunohistologiques, génétiques, épidémiologiques) qui pourraient caractériser ces tableaux cliniques, évaluer leur fréquence et les résultats de leur prise en charge.
Au total, le CSST à l'unanimité ne remet pas en cause la balance bénéfices/risque favorable de l’implant Essure. « Il recommande néanmoins d'apporter aux femmes une information indépendante à la fois sur l’ensemble des méthodes de contraception et sur les avantages et les risques des deux méthodes de contraception permanente féminine : Essure et stérilisation cœlioscopique », résume Olivier Graesslin.
D'après un entretien avec le Pr Olivier Graesslin (CHU de Reims), pas de conflit d'intérêts.
(1)Rapport bénéfice risque du dispositif de stérilisation définitive Essure. CSST Essure; ANSM; 30 mai 2017
(2) Risques associés au dispositif de stérilisation définitive Essure en comparaison à la stérilisation coelioscopique - Synthèse des résultats de l'étude sur les données du SNIIRAM. K Bouillon, M Bertrand, R Dray-Spira, M Zureik; ANSM, Avril 2017.
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