Dépistage de l’hyperplasie congénitale des surrénales

Utile, mais dans un petit nombre de cas

Publié le 18/11/2010
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L’HYPERPLASIE CONGÉNITALE des surrénales est une maladie génétique de type autosomique récessif. Cette pathologie se caractérise par un déficit de 21-hydroxylase qui entraîne, d’une part, un blocage de la synthèse de cortisol et d’aldostérone par les surrénales et, d’autre part, une hyperproduction des androgènes surrénaliens. La prévalence de cette affection est de 1/16 000 en France, ce qui correspond à environ 50 cas diagnostiqués chez des enfants chaque année. Les filles sont aussi souvent atteintes que les garçons, mais, en l’absence de dépistage, la mortalité néonatale serait plus élevée chez les garçons, pour lesquels le diagnostic est plus difficile à établir.

Un diagnostic clinique plus facile chez les filles.

Le diagnostic peut être posé à la naissance lors de l’examen clinique néonatal. Il est plus facile chez les filles car les symptômes sont souvent plus évocateurs. Cliniquement, elles naissent avec une anomalie de la différentiation sexuelle. Les organes génitaux externes peuvent être virilisés de façon très nette, avec notamment hypertrophie du clitoris et fusion des grandes lèvres dans les formes les plus sévères. Chez les garçons, les signes cliniques sont beaucoup moins spécifiques et le diagnostic est souvent plus difficile ; le nourrisson présente une insuffisance surrénale aiguë et ne prend pas de poids. Si le diagnostic n’est pas posé à temps, le principal risque est la déshydratation, qui survient le plus souvent entre le septième et le quinzième jour de vie. Liée à la perte de sel par déficit en aldostérone, elle peut, lorsqu’elle est sévère, engager le pronostic vital. Une prise en charge néonatale efficace permet de prévenir ou de corriger ces désordres.

Le traitement médical au long cours de l’hyperplasie congénitale des surrénales est relativement difficile. Le traitement par gluco- et minéralocorticoïdes permet de corriger le déficit hormonal et vise à prévenir l’hyperandrogénie. Un traitement insuffisant peut conduire, chez les filles, à une puberté précoce, des troubles des règles, une petite taille définitive et à des problèmes esthétiques, notamment un hirsutisme. Le contraire peut entraîner un hypercorticisme avec une augmentation du risque d’obésité et de syndrome métabolique. Le traitement chirurgical est souvent nécessaire chez les filles pour reconstruire le périnée.

Peu performant chez les prématurés.

L’objectif du dépistage et du diagnostic précoce de l’hyperplasie congénitale des surrénales est d’éviter cette déshydratation par perte de sel qui peut engager le pronostic vital. Le dépistage a été généralisé en France en 1995 après une phase pilote peu évaluée. En pratique, le dépistage se fait en mesurant le taux de 17-hydroxyprogestérone (17-OHP) dans le sang du nourrisson sur papier buvard au troisième jour de vie en général. Le dépistage est surtout utile chez les garçons chez lesquels les signes cliniques ne sont pas spécifiques, moins chez les filles, car l’examen clinique est en général suffisamment évocateur. Au niveau international, le dépistage de l’hyperplasie congénitale des surrénales est relativement controversé, essentiellement en raison de la faible prévalence de l’affection. Enfin, s’il est performant chez les enfants nés à terme, il l’est très peu chez les prématurés. En effet, l’immaturité de la surrénale chez les prématurés augmente le risque de faux positif dans cette population. Dans une étude rétrospective récente, le Pr Jean-Claude Carel et son équipe ont évalué l’efficience du dépistage de l’hyperplasie congénitale des surrénales. L’étude portait sur la période 1995-2003, pendant laquelle il y a eu un peu plus de 6 millions de naissances. Les analyses ont porté sur les données des dossiers cliniques et les résultats des examens biologiques avec la mesure du taux de 17-hydroxyprogestérone. Les résultats ont permis d’estimer la valeur prédictive positive du dépistage. Environ 15 000 tests ont été positifs alors que le nombre d’enfants réellement atteints était de l’ordre de 400. La valeur prédictive positive était de 2,5 % mais elle différait de façon très importante selon le terme de l’enfant : de l’ordre de 30 % pour les enfants nés à terme et de moins de 1 % pour les prématurés. Ces résultats montrent que le dépistage de l’hyperplasie congénitale des surrénales est utile dans un très petit nombre de cas et chez les garçons principalement. De plus, le dépistage semble inutile chez les prématurés. Des discussions sont actuellement en cours pour prendre en compte ces résultats et élaborer des recommandations pour le dépistage et la conduite à tenir devant une hyperplasie congénitale des surrénales.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Claude Carel, endocrinologie-diabétologie pédiatrique & INSERM CIC-EC5, centre de référence maladies endocriniennes rares de la croissance, hôpital Robert-Debré, Paris.

 Dr ISABELLE PITROU

Source : Bilan spécialistes