Vasculopathie cérébrale avec AVC précoces

Une nouvelle maladie héréditaire identifiée dans la communauté amish

Publié le 22/03/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANT

LA MALADIE, découverte chez 14 individus (de la naissance à l’âge de 25 ans) appartenant à cinq familles de l’Ancien Ordre des Amish, a une expression majoritairement vasculaire, consistant en sténoses et anévrysmes multifocaux des grosses artères cérébrales, accompagnées d’anomalies ischémiques chroniques.

Les sujets tendent à être petits à la naissance avec un poids de naissance, une taille et un diamètre occipito-frontal plutôt bas, ce qui témoigne d’une légère restriction de croissance intra-utérine. La peau est souvent (7/14 sujets) fine et transparente à la naissance, comme chez les prématurés. Le phénotype clinique de la maladie est très hétérogène. On observe, au début de la vie, un retard de la croissance, une hypotonie et une irritabilité (moitié des enfants). Les autres symptômes fréquemment observés, plus tard, sont une acrocyanose (mains, pieds, visage), un phénomène de Raynaud, des engelures, une voix rauque, des arthrites ou une raideur articulaire (n=10). Un glaucome, des migraines, un hypothyroïdisme et des crises d’épilepsie peuvent aussi être observés.

Il peut exister des déficits cognitivo-moteurs très invalidants (n = 4) ou au contraire légers (n = 4), mais 5 sujets ne présentaient aucun déficit intellectuel. Il est à noter que les huit enfants avec des anomalies cognitives avaient aussi présenté des AVC, de survenue très précoce (et souvent récidivants) chez les quatre sujets les plus sévèrement atteints. Des hémorragies intracrâniennes ont été notées chez 9 patients entre 3 mois et 17 ans. Par contre, on ne relève, chez aucun des sujets, d’hypertension artérielle ou d’anomalies des fonctions hépatique, cardiaque ou rénale.

L’imagerie cérébrale objective constamment des anomalies (chez les 11 sujets explorés): en premier lieu un certain degré d’ischémie chronique (élévation du signal de la substance blanche en T2/FLAIR), mais également (9 sujets sur 11 explorés) des sténoses multifocales des grosses artères cérébrales. Chez quatre de ces patients, les sténoses étaient d’une sévérité évoquant un syndrome de Moyamoya. Deux patients avaient des anévrysmes sacculaires.

L’identification d’une mutation.

Par ailleurs, l’observation d’une vitesse de sédimentation érythrocytaire (ESR) élevée (n = 11), d’une augmentation des IgG sériques (n = 6), ainsi que, chez certains sujets, d’une élévation des anticorps anticardiolipine et anti-thyroglobuline et du TNF-α font évoquer la possibilité d’une pathologie immunitaire.

La réalisation, par l’équipe de Heng Wang, d’une cartographie génomique par autozygotie chez six des sujets affectés a permis de repérer des anomalies communes dans la région 20q11.22-q12. Une analyse de proche en proche a conduit à l’identification d’une mutation (c.1411-2A›G) au niveau de l’intron 12 du gène SAMHD1. L’ensemble des sujets atteints étaient porteurs homozygotes de cette mutation, tandis que leurs parents étaient hétérozygotes. Une analyse complémentaire chez 134 sujets sains contrôles issus de communautés Amish de la même région géographique montre qu’aucun n’était porteur homozygote tandis que quatre d’entre eux étaient porteurs hétérozygotes de la mutation c.1411-2A›G (fréquence de portage estimée à 3 %).

Au total, la présentation clinique particulièrement hétérogène de cette nouvelle maladie à mutation unique découverte au sein de la communauté Amish américaine est d’autant plus frappante que le patrimoine génétique de la population Amish est relativement uniforme. Les vasculopathies cérébrales et la survenue précoce d’AVC demeurent toutefois le trait dominant de cette affection qui, faut-il noter, ne touche pas læs fonctions cardiaque, hépatique ou rénale. Le gène SAMHD1, qui compte 16 exons codants, a un rôle encore mal défini. On tend à penser qu’il agit en tant qu’immunomodulateur, et certains traits de la maladie découverte par les Américains confortent cette hypothèse. Les auteurs signalent que des mutations de ce gène ont été identifiées dans le syndrome d’Aicardi-Gouttières, une encéphalopathie familiale qui n’a rien en commun avec la maladie découverte dans la communauté Amish.

B Xin, H Wang et coll. Homozygous mutation in SAMHD1 gene causes cerebral vasculopathy and early onset stroke. Proc Ntl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 8928