DE NOTRE CORRESPONDANTE
L’ÉQUIPE de Jean Bennett et son mari Albert Maguire (University of Pennsylvania et Children’s Hospital of Philadelphia, États-Unis) avait démontré en octobre 2009, dans un essai de phase I/II, la sécurité et l’efficacité d’une thérapie génique chez 12 patients atteints d’une amaurose congénitale de Leber. Ces 12 patients, dont 5 enfants (4 âgés de 8 à 11 ans), avaient reçu dans l’œil le plus atteint une injection sous-rétinienne de la thérapie génique - un virus AAV (virus adéno-associé) portant le gène RPE65, muté chez ces patients. Ce gène encode une enzyme (all-trans-rétinyl ester isomérase) essentielle pour les photorécepteurs de la rétine.
L’amaurose congénitale de Leber est une dystrophie rétinienne congénitale, caractérisée par un profond déficit visuel et rétinien dans la petite enfance et une dégénérescence rétinienne progressant dans les premières décennies. Sa transmission est principalement autosomique récessive et la maladie a été liée jusqu’ici à des mutations dans 15 gènes.
Chacun des sujets traités dans le premier essai avait présenté une légère amélioration de la fonction rétinienne et visuelle de l’œil injecté. Six sujets étaient suffisamment améliorés pour ne plus être classés comme légalement aveugles.
Ce succès soulevait la question de savoir s’il était possible d’obtenir une fonction visuelle supplémentaire en réadministrant la thérapie génique dans l’œil controlatéral de ces patients. La réadministration s’est montré sans conséquence immune néfaste dans deux études précliniques, chez les chiens et les primates non humains.
Bennett et coll. décrivent maintenant le succès de la réadministration de la thérapie génique dans l’autre œil chez trois adultes du premier essai.
« Trois adultes ont d’abord été enrôlés, car notre Comité de revue institutionnel exigeait que la sécurité soit d’abord évaluée chez 3 adultes avant que des enfants puissent être enrôlés », explique au « Quotidien » le Dr Jean Bennett.
Faire les courses, reconnaître des visages.
« Notre inquiétude était que le premier traitement puisse causer une réponse immune de type vaccinal qui pourrait amorcer le système immunitaire d’un individu à réagir contre une exposition répétée. Puisque l’œil est relativement isolé du système immunitaire de l’organisme (il est " immunoprivilégié "), on considérait qu’une telle réponse était moins probable que dans d’autres régions du corps, mais l’idée devait être testée en pratique. »
Ces patients, traités l’un après l’autre à 2 mois d’intervalle, ont reçu la seconde injection entre 1,5 ans et 3 ans après la première thérapie génique. Les résultats à six mois ne montrent aucun effet néfaste sérieux.
Chez chaque sujet, le « second » œil est devenu bien plus sensible à la lumière faible, ce qui a été établi par un test de sensibilité du champ visuel entier, la pupillométrie, et l’IRM fonctionnelle. Pourtant, ces yeux avaient été sévèrement affectés depuis plus de vingt-cinq ans (et plus de 45 ans chez un individu). Deux patients ont aussi acquis une plus grande aptitude à parcourir un champ d’obstacles en lumière faible.
« Les trois patients nous ont signalé combien leur vie a changé après avoir reçu la thérapie génique. Ils sont capables de marcher la nuit, d’aller faire leurs courses, et de reconnaître le visage des personnes - toutes ces choses qu’ils ne pouvaient pas faire avant. En même temps, nous avons pu mesurer de façon objective des améliorations dans la sensibilité à la lumière, dans la vision latérale, et dans d’autres fonctions visuelles », précise le Dr Bennett qui a codirigé l’étude avec le Dr Manzar Ashtari, radiologue au Children’s Hospital of Philadelphia.
Tous les patients du premier essai sont concernés.
Les chercheurs préviennent que des suivis plus longs chez ces patients et d’autres patients seront nécessaires pour déterminer avec certitude que la réadministration est sûre chez l’homme.
Toutefois, les chercheurs poursuivent d’ores et déjà la réadministration chez tous les patients du premier essai, y compris les enfants qui pourraient avoir de meilleurs résultats car leur rétine n’a pas autant dégénéré que celle des adultes.
Ce travail est prometteur pour l’utilisation de la thérapie génique pour d’autres maladies de la rétine.
« Il y a beaucoup d’autres formes génétiques de dégénérescence rétinienne qui pourraient bénéficier de cette approche, y compris d’autres formes d’amaurose congénitale de Leber, différents sous-types de rétinites pigmentaires, la choroïdérémie, la maladie de Stargardt et les maladies syndromiques comprenant une cécité (comme le syndrome de Usher) », précise au « Quotidien » le Dr Bennett.
Science Translational Medicine, 8 février 2012, Bennett et coll.
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