DE NOTRE CORRESPONDANTE
LES DIFFÉRENTS sous-types de la leucémie aiguë myéloïde (LAM) sont des maladies clonales causées par des altérations somatiques de l’information génomique. Le sous-type M5 (de 8 à 15 % des LAM), associé à une hyperleucocytose et une localisation extramédullaire, est de mauvais pronostic avec une survie sans maladie à trois ans de seulement 25 %. À ce jour, des translocations chromosomiques impliquant le gène MLL (pour Mixed-Lineage Leukemia, sur le chromosome 11q23) et des mutations des gènes NPM1, FLT3 et NRAS ont été impliquées dans une fraction des LAM-M5.
Afin d’identifier d’autres mutations somatiques impliquées dans la LAM-M5, Yan et coll. ont séquencé les régions codantes du génome dans les prélèvements appariés de 9 patients affectés de LAM-M5 : un prélèvement de moelle osseuse au moment du diagnostic et un prélèvement sanguin obtenu après rémission complète. Cette première série de séquençage a permis d’identifier 66 mutations de 63 gènes spécifiquement liées à la leucémie.
Ces modifications de séquence ont ensuite été génotypés dans 98 autres cas de LAM-M5 (série de validation), et 509 échantillons de sujets sains (série témoin). Des mutations somatiques de 14 gènes ont ainsi été détectées dans au moins 2 cas, parmi les 112 cas de LAM-M5. Six gènes ont ensuite été sélectionnés pour un séquençage complet des régions codantes.
Une enzyme utilisée pour la méthylation de l’ADN.
Le principal résultat est la découverte de mutations du gène DNMT3A dans 23 des 112 cas de LAM-M5 (20 %). Ce gène encode l’ADN méthyltransférase 3A, une enzyme utilisée pour la méthylation de l’ADN, un des mécanismes de régulation épigénétique de l’expression des gènes.
Ces mutations de DNMT3A jouent probablement un rôle important dans la pathogenèse de la leucémie, pour plusieurs raisons : elles sont fréquentes et limitées à la LAM-M5 ; elles sont étroitement associées à l’hyperleucocytose et au mauvais pronostic des patients leucémiques ; les acides aminés mutés résident dans des domaines importants et conservés de la protéine et les protéines mutantes DNMT3A ont une activité enzymatique réduite ou une affinité anormalement accrue pour l’histone H3 in vitro ; de plus, des anomalies de la méthylation de l’ADN et de l’expression des gènes dues aux mutations de DNMT3A ont été trouvées ; enfin, des expériences cellulaires montrent que les mutations de DNMT3A confèrent un avantage prolifératif et/ou un bénéfice de survie pour les progéniteurs hématopoïétiques.
L’étude suggère aussi que ces mutations de DNMT3A sont probablement impliquées dans la LAM-M5 monocytaire chez les sujets âgés (LAM-M5b), tandis que les anomalies du gène MLL pourraient être associées à la LAM-M5a monoblastique chez des patients relativement jeunes.
Les gènes de la famille HOX pourraient être les cibles communes.
Toutes les voies mènent à Rome.
« Ces résultats relient non seulement deux mécanismes oncogéniques distincts dans le cancer tels que les mutations génétiques et la régulation épigénétique, mais ils combinent également deux régulateurs épigénétiques importants comme l’ADN méthyltransférase (DNMT3A) et l’histone méthyltransférase (MLL). Ils pourraient contribuer à la pathogenèse de la leucémie à travers des voies communes, ce qui indique que " toutes les voies mènent à Rome " dans le cancer », explique au « Quotidien » le Dr Zhu Chen (Université de Shanghai Jiao Tong, Chine).
Des implications cliniques.
« Cela procure un nouveau marqueur moléculaire pour prédire le pronostic et individualiser le traitement avec une potentielle thérapie ciblée, précise le Dr Chen. La détection des mutations de DNMT3A au moment du diagnostic est recommandée pour les patients qui ont une LAM, en particulier une leucémie aiguë monocytaire (sous-type M5) et une leucémie aiguë myélomonocytaire (M4), car elle peut aider à évaluer la réponse thérapeutique et l’évolution clinique des patients. Les futures études devraient porter sur la sélection des stratégies thérapeutiques les plus appropriées en fonction des différents génotypes de LAM ; par exemple, un traitement intensifié chez les patients âgés porteurs de mutations de DNMT3A pourrait améliorer la réponse clinique. »
« L’élucidation des mécanismes moléculaires des mutations de DNMT3A, et de ses gènes importants en aval dans la genèse de la leucémie, pourrait procurer des cibles thérapeutiques dans un proche futur », estime le Dr Chen.
Nature Genetics, 13 mars 2011, Yan et coll., DOI: 10.1038/ng.788
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