DE NOTRE CORRESPONDANTE
LES PREMIÈRES études de thérapie génique ont soulevé de vives inquiétudes sur la sécurité des vecteurs rétroviraux, notamment lorsqu’une fraction importante de patients ont développé une leucémie plusieurs années après avoir reçu un transfert de gène dans leurs cellules souches hématopoïétiques.
Scholler et coll. ont examiné les résultats à long terme de 3 études cliniques dans lesquelles 43 patients infectés par le VIH ont reçu une thérapie génique entre 1998 et 2002. Les patients continuaient néanmoins à recevoir la thérapie antirétrovirale.
Chaque patient reçut une ou plusieurs infusions de ses propres cellules T (CD4+ et CD8+), préalablement modifiées en laboratoire en utilisant un vecteur gammarétroviral. Le vecteur encodait un récepteur antigénique chimérique (CAR CD4zeta) qui, en reconnaissant la protéine d’enveloppe gp120 du VIH, amène les cellules T modifiées à tuer la cellule infectée par le VIH rencontrée.
Une exigence de la FDA.
Aucun effet secondaire sérieux n’est survenu immédiatement après l’infusion des cellules T modifiées. Comme l’exige la FDA, les patients ont été suivis pendant jusqu’à quinze ans pour évaluer l’innocuité du traitement et s’assurer que les cellules T modifiées ne provoquent aucun cancer du sang ou autre effet tardif.
Après un suivi d’au moins onze ans, et plus de 500 patients années de suivi, les chercheurs sont convaincus que le vecteur rétroviral est sans risque pour modifier les cellules T.
En effet, on n’observe aucune immortalisation cellulaire induite par le vecteur ; les distributions des sites d’intégration (le vecteur s’est probablement intégré dans la majorité des cibles du génome) ne montrent aucun signe d’expansion clonale persistante, et il ne semble pas que l’intégration soit plus fréquente près des gènes impliqués dans la croissance ou la transformation.
Par ailleurs, les cellules T modifiées (cellules T CAR) persistent dans le sang des patients pendant au moins onze ans et le transgène CD4zeta conserve son expression et sa fonction. En fait, les modèles suggèrent que plus de la moitié des cellules T ou de leur descendance seraient encore vivantes seize ans après leur infusion, ce qui signifie qu’un traitement pourrait être capable de tuer les cellules infectées par le VIH pendant plusieurs décennies.
De façon importante, ces résultats indiquent que l’immunosuppression de l’hôte avant le transfert des cellules T n’est pas requise pour obtenir une persistance à long terme des cellules T génétiquement modifiées. Jusqu’ici, la lymphoablation avait été nécessaire pour la thérapie des cellules souches et la prise de greffe des cellules T chez les patients cancéreux.
« Par conséquent, les problèmes antérieurs de sécurité posés par les vecteurs viraux qui s’intègrent sont inhérents aux cellules souches hématopoïétiques ou au transgène, et ne sont pas une caractéristique générale des vecteurs rétroviraux », notent les chercheurs.
Les cellules T génétiquement modifiées sont donc prometteuses pour la délivrance à long terme des thérapies basées sur des protéines.
Le cancer voire des maladies bénignes réfractaires.
Ces nouveaux résultats confirment l’espoir généré par une autre étude publiée l’année dernière par l’équipe du Dr June qui montrait l’éradication des tumeurs chez des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique, grâce à une stratégie similaire de thérapie génique basée sur les cellules T.
Il reste à savoir si cette sécurité clinique est spécifique aux cellules T et/ou au CD4zeta, ou si elle pourrait être obtenue avec d’autres cellules.
« Si l’on dispose d’une approche sûre pour modifier les cellules chez les patients infectés par le VIH, on peut potentiellement développer des approches curatives », estime le Dr June, qui ajoute : « jusqu’ici, nous nous sommes concentrés sur le cancer et l’infection par le VIH, mais ces résultats justifient que l’on commence à s’intéresser à d’autres types de maladies », voire des maladies bénignes réfractaires aux médicaments.
« Ce que nous avons montré dans cette étude et dans de récentes travaux, c’est que le transfert de gène aux cellules T peut les doter de fonctions nouvelles et accrues. Nous considérons cela comme une plate-forme de médecine personnalisée pour cibler une maladie en utilisant les propres cellules des patients. »
Scholler et coll. Science Translational Medicine, 2 mai 2012.
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