De notre correspondante
« NOUS RAPPORTONS deux résultats majeurs. Nous avons observé la première localisation dose-dependante des nanoparticules dans les cellules cancéreuses humaines au sein de leurs tumeurs», explique au « Quotidien » le Dr Mark Davis du California Institute of Technology (Caltech, Pasadena) qui a dirigé l’étude. « De plus, nous apportons la première preuve directe que l’interférence ARN peut survenir chez les humains à partir de l’administration d’un petit ARN interférent (ARNsi pour small interfering RNA). Nous avons donc montré que l’on peut délivrer des ARNsi chez les humains et ils fonctionnent comme prévu pour inhiber les produits des gènes. »
« Grâce au mécanisme d’interférence ARN, n’importe quelle protéine peut maintenant être ciblée par un traitement, souligne le Dr Davis. Cela pourrait ouvrir des voies à des traitements très sélectifs, ayant très peu d’effets secondaires, contre le cancer et d’autres maladies. Nous poursuivons les essais cliniques afin d’amener cette technologie vers un traitement approuvé. »
Prix Nobel.
En 2006 Andrew Fire et Craig Mello, recevaient le prix Nobel pour leur découverte du mécanisme d’interférence par ARN, publiée huit ans plus tôt chez le ver C. elegans (« Nature », 1998). Ils montraient qu’en injectant de longs ARN interférents double brin, dont la séquence était complémentaire de celle de l’ARN messager (ARNm) ciblé, il était possible d’éteindre l’expression du gène ciblé. La découverte ultérieure du fait qu’un petit ARN interférent (double brin de 21 paires de bases) peut provoquer une interférence ARN sans susciter de réponse par un interféron ouvrait la perspective d’utiliser l’interférence ARN (ARNi) a des fins thérapeutiques.
L’ARN interférent constitue un puissant outil car il ne cible pas directement la protéine, dont les sites vulnérables peuvent être cachés dans les replis tridimensionnels et, donc, ne peuvent pas être atteints par les traitements. Il vise, en amont de la protéine, l’ARNm qui encode l’information nécessaire pour fabriquer la protéine. En principe, cela signifie que chaque protéine peut être inhibée par ce type de traitement, grâce à la destruction de son ARNm.
Davis et coll. ont entrepris, en 2008, un premier essai clinique de phase I évaluant l’administration intraveineuse d’ARNsi. Cet essai, mené chez des patients atteints d’un cancer solide réfractaire aux traitements standards, a évalué comme système de délivrance des nanoparticules ciblées expérimentales.
Ces nanoparticules, développées par l’équipe, contiennent : un polymère CDP, un polymère hydrophile PEG, une transferrine humaine (TF) visant à cibler les récepteurs TF surexprimés à la surface des cellules cancéreuses et un ARNsi destiné à réduire l’expression du RRM2 (sous-unité M2 du ribonucléotide réductase) reconnue comme étant une cible anticancéreuse.
« Ces nanoparticules sont capables de porter les ARNsi vers le site ciblé dans l’organisme, explique le Dr Davis. Une fois qu’elles atteignent leur cible - dans ce cas, les cellules cancéreuses au sein des tumeurs - les nanoparticules pénètrent dans les cellules et libèrent les ARNsi. »
Un clivage au site prévu.
Tandis que les résultats de l’essai de phase I sur l’innocuité seront publiés ultérieurement, l’article paru cette semaine dans la revue « Nature » apporte la première preuve directe chez l’homme qu’un ARNsi induit un mécanisme d’action par interférence ARN. Les biopsies tumorales, obtenues après traitement chez 3 patients atteints d’un mélanome métastasé, montrent, tout d’abord, la présence de nanoparticules intracellulaires, en quantité proportionnelle à la dose injectée. C’est la première fois qu’un effet dose-dépendant est mis en évidence pour des nanoparticules délivrées de façon systémique. Ensuite, les chercheurs ont constaté une réduction des taux d’ARNm spécifiques et de protéine RRM2. Ils ont notamment détecté la présence d’un fragment ARNm qui démontre que le clivage de l’ARNm induit par l’ARNsi survient spécifiquement au site prévu pour un mécanisme par interférence ARN. Cela a été constaté chez un patient qui a reçu la dose la plus élevée de nanoparticules.
« Ensemble, ces résultats démontrent que l’ARNsi administré de façon systémique à l’homme peut produire une inhibition génique spécifique, réduction de l’ARNm et de la protéine, par un mécanisme d’interférence ARN », concluent les chercheurs.
Nature 22 mars 2010, Davis et coll., DOI: 10.1038/nature08956.
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