LES SYNDROMES myélodysplasiques (SMD) sont des hémopathies malignes évoluant en deux phases : une première marquée par une apoptose excessive précoce des cellules souches hématopoïétiques (« avortement intramédullaire » aboutissant à des cytopénies). Dans un second temps, un clone blastique se développe progressivement, ce qui aggrave l’insuffisance médullaire et favorise la progression vers la leucémie aiguë myéloblastique (LAM). De nombreuses données portent à penser que chacune de ces deux phases seraient provoquées par des anomalies génétiques.
De nouveaux outils de génomique.
Toute la difficulté consiste à identifier ces gènes. En effet, contrairement aux LAM qui comportent souvent des translocations chromosomiques dont l’étude a permis de connaître les gènes en cause il y a une vingtaine d’années déjà, les SMD ont généralement pour origine de grandes délétions chromosomiques, telles que la délétion 5q, qui aboutissent à la perte de nombreux gènes, de sorte qu’il a longtemps été impossible de savoir quels étaient les gènes précis en cause.
Toutefois, une nouvelle technique, qui consiste à étudier les polymorphismes mononucléotidiques au moyen de micropuces (« SNP array »), rend désormais possible l’identification des mutations responsables. C’est ainsi que deux gènes potentiellement en cause dans certains types de SMD ont récemment été découverts : le premier, TET2, est un gène suppresseur de tumeur situé en 4q, qui a été identifié par une équipe française, et le second est le gène c-cbl impliqué dans la dégradation des récepteurs de tyrosine kinase, en 11q.
SMD à haut risque : l’apport des agents hypométhylants.
Les patients considérés comme à haut risque, c’est-à-dire dont le score IPSS (cf. encadré) est intermédiaire 2 ou élevé, ont une espérance de vie extrêmement faible (de l’ordre d’un an) en raison de la forte probabilité de progression vers une LAM et des complications liées aux cytopénies. L’objectif du traitement est donc de tenter d’infléchir le cours de la maladie en empêchant sa transformation et, parallèlement, d’améliorer les cytopénies.
L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques est, à ce jour, le seul traitement curatif, mais, compte tenu de l’âge généralement avancé des patients, elle est difficilement réalisable selon la méthode classique consistant à opérer une intense myéloablation préalable. L’approche actuelle est donc fondée sur la mise en uvre d’une technique « atténuée », non myéloablative, qui vise en grande partie à ce que les cellules tumorales de l’hôte soient détruites par les lymphocytes T du donneur.
L’inconvénient de cette stratégie est qu’elle donne lieu à davantage de rechutes que l’approche classique. Toutefois, plusieurs études récentes ont démontré qu’elle permet d’obtenir des rémissions à long terme, voire des guérisons. Cela tient en partie aux progrès accomplis en matière de typage HLA, grâce auxquels les résultats sont aujourd’hui aussi bons pour les greffes non apparentées que pour les greffes familiales.
La chimiothérapie intensive constituait jusqu’alors le deuxième mode de traitement des patients à haut risque, mais tous ne peuvent y prétendre et, de plus, si elle permet souvent d’obtenir une rémission complète, les réponses sont courtes et elle n’améliore que peu la survie.
De récents travaux ont toutefois montré que l’inactivation des gènes par méthylation joue un rôle important dans la progression des SMD et leur transformation en LAM. Ces données ont conduit à développer différentes molécules qui diminuent la méthylation des gènes. L’un de ces médicaments, la 5-azacytidine, vient d’obtenir son AMM européenne, un essai international de phase III ayant prouvé sa supériorité par rapport au traitement conventionnel.
Contrairement à la chimiothérapie, la 5-azacytidine permet assez rarement d’obtenir une rémission complète de la maladie (dans seulement 15 à 20 % des cas), mais elle induit une amélioration hématologique se traduisant par une disparition des cytopénies et, donc, par l’arrêt des transfusions. Tout se passe, en fait, comme si la maladie était ramenée à un stade antérieur : le patient n’évolue pas vers la LAM, de sorte que sa survie est prolongée. Dans l’essai international, la durée médiane de survie a augmenté de 15 à 24 mois et la survie à deux ans de 26 à 50 %. La 5-azacytidine apparaît donc comme le premier médicament ayant démontré qu’il améliore la survie.
Les essais menés avec la décitabine, un autre agent hypométhylant, ont été moins concluants, aucune amélioration de la survie n’ayant notamment été observée. Il se pourrait toutefois que ces résultats décevants aient été liés à la durée insuffisante du traitement. L’expérience acquise avec la 5-azacytidine tend, en effet, à indiquer qu’il convient d’administrer un minimum de six cures avant d’évaluer le traitement et que, chez les patients répondeurs, le traitement doit probablement être poursuivi longtemps, jusqu’à réévolution.
La prise en charge des patients à haut risque demande donc à être encore améliorée. C’est pourquoi le GFM (1) a entrepris d’évaluer plusieurs protocoles dans lesquels la 5-azacytidine est associée à d’autres médicaments ayant fait preuve d’activité. Au premier rang desquels figurent les inhibiteurs des histones désacétylases. Il semblerait, en effet que, outre la méthylation des gènes, le processus physiopathologique des SMD fasse également intervenir un phénomène de désacétylation des histones.
SMD à faible risque : priorité au traitement de l’anémie.
Contrairement aux patients à haut risque, les sujets d’IPSS faible ou intermédiaire 1 (regroupés en « faible risque ») ont une survie de l’ordre de 6 ou 7 ans et décèdent souvent de causes sans lien direct avec leur SMD. Le traitement vise donc prioritairement à corriger les cytopénies et, notamment, l’anémie réfractaire.
Les agents stimulant l’érythropoïèse (ASE ; époétine et darbépoétine) permettent de prendre en charge l’anémie en évitant (dans 50 % des cas) les transfusions d’hématies, responsables de fluctuations du taux d’hémoglobine et de surcharge en fer. De plus, le GFM, notamment, a montré que la survie des patients présentant un SMD de faible risque traités par ASE est significativement améliorée comparativement à celle des sujets ayant uniquement reçu des transfusions, cela tenant à la fois à la diminution des complications cardiaques et à l’absence de surcharge en fer.
Chez les patients présentant une délétion du chromosome 5q, les ASE se montrent toutefois beaucoup moins actifs. Le lénalidomide, déjà utilisé dans le traitement du myélome, est d’une grande efficacité chez ces patients 5q–, car il induit une indépendance transfusionnelle spectaculaire. Aux États-Unis, ce médicament bénéficie d’ores et déjà d’une AMM en traitement de première ligne dans cette indication. En revanche, en Europe (et donc en France), le lénalidomide ne peut être utilisé qu’en seconde intention, après échec des ASE, car l’EMEA a estimé que l’on ne pouvait totalement exclure que, dans certains cas, il augmente le risque de progression vers la LAM.
On estime à environ 2 000 le nombre de nouveaux cas de SMD qui surviennent annuellement en France, ce qui justifie pleinement les efforts déployés pour mieux cerner les fondements génétiques de ces affections et pour améliorer leur prise en charge. Par ailleurs, une association de patients s’est récemment créée dans notre pays (2), qui uvre en étroite collaboration avec le GFM.
D’après un entretien avec le Pr Pierre Fenaux, service d’hématologie clinique, hôpital Avicenne, Bobigny.
(1) www.gfmgroup.org
(2) « Connaître et combattre les myélodysplasies », 19, rue de l’Estrapade, 75005 Paris ; Tél. : 06 37 22 79 87 ; courriel : associationccm@yahoo.fr
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