PAR LE Pr CORINNE ANTIGNAC *
BIEN QUE leur prévalence soit imparfaitement connue, les formes héréditaires monogéniques de hyalinose segmentaire et focale (HSF) sont rares. Néanmoins, la détection des mutations revêt une importance clinique incontestable puisque la plupart des patients sont résistants aux différents traitements immunosuppresseurs et ne récidivent pas après une transplantation rénale. On distingue classiquement les formes de transmission autosomique récessive (AR) correspondant le plus souvent à des syndromes néphrotiques corticorésistants (SNCR) survenant pendant l’enfance ou dans la période néonatale et les formes de transmission autosomique dominante, communément dénommées HSF AD, associées à une protéinurie rarement néphrotique et découvertes principalement chez l’adulte.
Les formes autosomiques récessives.
Quatre gènes ont été impliqués dans les formes non syndromiques de syndrome néphrotique (SN) héréditaires de transmission AR. La découverte des mutations du gène NPHS1 codant la néphrine [1], responsable de la majorité des cas de SN congénital (environ 95 % des cas en Finlande et de 29 à 56 % des cas dans les populations non finlandaises) a permis de préciser la structure du diaphragme de fente situé entre les pédicelles des podocytes, dont elle constitue l’élément principal. Plus de 160 mutations ont été décrites à l’origine de formes sévères de SN congénital. De plus, certaines mutations ont été identifiées dans des formes moins sévères de SN, soit des formes congénitales dans lesquelles la protéinurie diminue spontanément, soit des formes débutant plus tardivement dans l’enfance. Les mutations du gène NPHS2 sont les causes les plus fréquentes de SNCR AR, caractérisé le plus souvent par un début précoce, avant l’âge de 5 ans et une évolution vers l’insuffisance rénale terminale (IRT) avant 10 ans. Ce gène code la podocine, protéine exclusivement podocytaire qui interagit entre autres avec la néphrine sur la face cytoplasmique du diaphragme de fente. Plus de 90 mutations ont été décrites et rendent comptent d’environ 40 % des SN familiaux et 15 % des cas sporadiques de SNCR. Des mutations du gène NPHS2 ont aussi été décrites chez des patients ayant débuté leur maladie à l’âge adulte, mais les patients présentent alors non pas deux mutations pathogènes, mais l’association d’une mutation pathogène et du variant p. R229Q, polymorphisme retrouvé, isolé, dans environ 7 % de la population générale. Ce variant doit donc être systématiquement recherché en cas de début à l’âge adulte avant de tester l’ensemble du gène. Plus récemment, des mutations dans le gène NPHS3 (ou PLCE1) ont été identifiées chez des enfants présentant un SN précoce et sévère associé principalement à des lésions de sclérose mésangiale diffuse et, dans un faible pourcentage de cas, à des lésions de HSF. Ce gène code la phospholipase C epsilon 1, fortement exprimée dans le podocyte mature et en développement et qui interagit avec IQGAP1, une protéine partenaire de la néphrine. Les mutations de ce gène sont constatées chez 30 % des cas de sclérose mésangiale diffuse isolée. Le gène CD2AP code une protéine impliquée dans différents processus intracellulaires comme la régulation du cytosquelette d’actine ou l’endocytose. Des mutations à l’état hétérozygote dont la signification reste à prouver ont été identifiées chez deux patients sur trente ayant une HSF idiopathique et, plus récemment, à l’état homozygote, chez un enfant qui avait développé un SNCR à l’âge de 10 mois.
Les formes autosomiques dominantes.
Jusqu’à maintenant, des mutations dans trois gènes ont été rapportées dans les formes autosomiques dominantes : ACTN4, TRPC6 et INF2 qui codent des protéines exprimées dans le podocyte, respectivement l’α-actinine-4 interagissant avec l’actine et impliquée dans le maintien de l’architecture du podocyte, le canal cationique TRPC6, impliqué notamment dans la méchanosensation et la croissance cellulaire, et interagissant avec la podocine et la néphrine dans le diaphragme de fente, et INF2, une protéine de la famille des formines, protéines régulant l’actine. Les mutations du gène INF2 sont retrouvées chez 12 à 17 % des familles avec HSF AD (3), alors que les mutations dans ACTN4 et TRPC6 semblent ne rendre compte que de 4 à 6 % des cas. Les patients porteurs de mutations dans ces différents gènes ont un phénotype très similaire avec une protéinurie généralement non néphrotique, découverte à l’adolescence ou chez l’adulte jeune, et une évolution très progressive vers l’IRT survenant en général au cours des 4e et 5e décennies. À noter toutefois la pénétrance incomplète de la maladie dans certaines familles et la très grande variabilité phénotypique même intrafamiliale.
Les autres formes.
À côté de ces formes isolées, existent également des formes syndromiques encore plus rares, où le SN s’associe à divers symptômes extrarénaux, dues à des mutations dans des gènes codant des facteurs de transcription, des protéines mitochondriales, voire lysosomales, du podocyte ou des constituants de la membrane basale glomérulaire.
L’ensemble de ces études démontre la forte hétérogénéité génétique des HSF héréditaires et, puisque les gènes connus ont été identifiés dans moins de 50 % des cas familiaux, le besoin de découvrir de nouveaux gènes responsables de HSF héréditaires. Elles montrent également qu’une hérédité plus complexe est probablement impliquée dans de nombreux cas, puisque les taux de mutations sont différents dans les cas familiaux et dans les cas sporadiques. Dans ce sens, les résultats obtenus récemment par le groupe de M. Pollak sont tout à fait fascinants (3) : ce groupe a montré que des variants dans le gène APOL1 étaient très fortement associés à la prédisposition des noirs américains au développement d’une HSF primitive ou secondaire au VIH. APOL1 code l’apoprotéine L1 (apoL1) qui est un facteur sérique capable de lyser les trypanosomes. Il a été montré que seuls les variants spécifiques du rein (communs dans les chromosomes africains mais absents des chromosomes européens) sont capables de lyser Trypanosoma brucei rhodesiense, l’agent de la trypanosomiase africaine. Par conséquent, ces résultats suggèrent fortement que ces variants confèrent un avantage sélectif contre la maladie du sommeil au prix d’une susceptibilité accrue à la HSF.
* Inserm U983 et service de génétique, Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris Université Paris Descartes.
(1) Machuca E et al. Genetics of nephrotic syndrome: connecting molecular genetics to podocyte physiology. Hum Mol Genet 2009;18(R2):R185-94.
(2) Boyer O et al. Mutations in INF2 are a major cause of autosomal dominant focal and segmental glomerulosclerosis. J Am Soc Nephrol 2011;22:239-45.
(3) Genovese G et al. Association of trypanolytic ApoL1 variants with kidney disease in African Americans. Science 2010;329:841-5.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024