TOUT N’EST PAS INSCRIT dans les gènes. Ou plutôt tout ce qui est écrit n’est pas exprimé. Ce serait bien le comble si cette tendance dissidente n’existait pas dans le cerveau ! Et en effet, elle existe. L’épigénétique, c’est-à-dire les mécanismes régulant l’expression des gènes, y atteint même un niveau de complexité étonnant, dont les scientifiques commencent seulement à percer les secrets. Ce sont ainsi des découvertes passionnantes que les chercheurs les plus éminents sur le sujet ont présentées autour du thème « Épigénétique, cerveau et comportement » lors du 19e colloque Médecine et Recherche organisée par la Fondation Ispen et Paolo Sassone-Corsi, qui travaille depuis des années sur la régulation de la transcription par le rythme circadien, d’abord à l’INSERM de Strasbourg puis actuellement à l’université d’Irvine en Californie
Niveaux de régulation.
Chaque cellule avec ses 2 mètres d’ADN est obligée pour se différencier d’éteindre de très nombreux gènes. Si le cerveau n’échappe pas à la règle, il reste l’organe qui exprime le plus de matériel génétique, près de 30 %, mais avec la particularité de le faire de façon très hétérogène d’un neurone à un autre. Ces cellules nerveuses, de série limitée puisqu’elles ont arrêté de se diviser, fabriquent des câblages plus ou moins au hasard pour communiquer via les synapses. On saisit bien le rôle déterminant de l’épigenèse dans ces systèmes destinés à créer de la diversité. Au cours du colloque, certains mécanismes épigénétiques ont retenu l’attention en particulier, comme l’horloge circadienne, les sirtuines, ces enzymes régulatrices « interrupteurs » ayant des liens très étroits dans le métabolisme, ou encore un modèle murin du syndrome de Rett très surprenant, où des traits autistes ont été réversibles en corrigeant une régulation défaillante.
Comment est modulée l’expression génétique ? Rien n’est simple. Alors que la double hélice d’ADN est repliée, enroulée autour des histones et condensée sous forme de chromatine, il existe plusieurs niveaux de régulation. Ces mécanismes épigénétiques ont pour objectif de « découvrir » ou de « recouvrir » l’ADN pour qu’il puisse ou pas être lu et transcrit. Le plus connu est le remodelage de la chromatine par l’acétylation et la méthylation des histones à l’aide d’enzymes. Les groupes méthyls se fixent également à l’ADN lui-même et réduisent alors la transcription des gènes. Découverts depuis peu, certains histones « bizarres », les histones variants, semblent avoir un rôle particulier. Un autre moyen est d’agir sur les nucléosomes à l’aide de facteurs de remodelage, qui apportent de la flexibilité à la chromatine. De même, les micro ARN exercent un contrôle épigénétique.
Le métabolisme et les sirtuines.
L’horloge circadienne est un bon exemple de coordination épigénétique. Les cycles physiologiques jour-nuit, en particulier le métabolisme, sont régulés par des protéines « horloge » selon le mécanisme de méthylation-acétylation de l’histone. Parmi ces protéines soumises à la régulation jour-nuit, les sirtuines présentent une piste intéressante pour traiter le diabète, l’obésité ou encore le vieillissement. Ces protéines, au nombre de 7 chez les mammifères, entretiennent des liens très étroits entre épigénétique et métabolisme. Il est bien établi chez l’animal que la restriction calorique est bénéfique pour la longévité. Alors que Sirt 1 modifie la conformation de la chromatine en enlevant des groupes acétyl, les souris mutées ne présentent aucun bénéfice à un régime calorique restrictif. Des agonistes spécifiques des sirtuines donnent déjà de bons résultats chez les rongeurs.
Santé mentale.
La santé mentale est soumise également à l’épigénétique. Pour certains, l’accumulation de plusieurs erreurs de régulation de l’expression génétique pourrait être à l’origine de certaines psychoses. Des défauts de transmission synaptique sont d’ailleurs identifiés dans des troubles autistiques. Dans un modèle murin de syndrome de Rett, une forme très rare d’autisme, Adrian Bird et son équipe ont constaté avec étonnement que les symptômes autistiques ont disparu en activant l’expression d’un gène normal mais resté silencieux jusque là, le gène MeCP2. Le chercheur avait découvert quelques années auparavant que la maladie psychiatrique était due à une perte d’une protéine, la MeCP2, impliquée dans l’expression génétique normale des neurones, via l’acétylation des histones. S’il est trop tôt pour espérer un traitement de l’autisme chez l’homme, ce dernier exemple illustre bien l’insuffisance du seul code génétique à expliquer la survenue des maladies et le rôle majeur de la machinerie complexe de l’épigénétique. Mais l’un des enjeux est que l’hérédité ne se limite pas à la génétique. Certaines modifications de l’épigénome seraient transmissibles à la descendance, par exemple comme un comportement impulsif et dépressif suite à une séparation maternelle chronique et aléatoire en début de vie ou encore de manière plus large le diabète ou l’obésité.
Colloque Médecine et Recherche, « Épigénétique, cerveau et comportement », Fondation Ipsen, 18 avril 2011.
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