Sur une série de 250 malades neurologiques graves

Le séquençage d’exome identifie la mutation responsable dans 25 % des cas

Publié le 07/10/2013
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Crédit photo : MediaforMedical

DE NOTRE CORRESPONDANTE

« DANS UN GROUPE NON SÉLECTIONNÉ de patients pour lesquels le médecin avait demandé un séquençage d’exome, nous avons pu trouver une réponse chez 25 % des patients. Bon nombre de ces patients avaient été évalués pendant de nombreuses années et avaient subi quantités de tests génétiques différents sans obtenir de réponse. C’est donc pour ces patients les plus difficiles et leurs familles que ce test a procuré une réponse », explique au Quotidien le Dr Christine Eng (Baylor College of Medicine a Houston) qui a dirigé cette étude publiée dans le NEJM.

« Le séquençage d’exome complet a été utilisé jusqu’ici principalement dans un cadre de recherche ; c’est le premier rapport de l’utilisation à grande échelle de cette technologie dans un laboratoire de diagnostic clinique » .

La majorité a moins de 18 ans.

Conceptuellement, la stratégie de séquençage nouvelle génération est simple: lire la séquence d’ADN d’un individu, identifier les variations dans l’ADN, comparer ces variations avec un catalogue de variants causant des maladies, et décider si l’on peut établir avec confiance un diagnostic. Moins coûteux et plus fiable que le séquençage du génome entier, le séquençage de l’exome ne porte que sur les gènes codant pour les protéines, soit 1,5 % du génome.

Entre octobre 2011 et juin 2012, l’équipe du Baylor College a réalisé un séquençage d’exome complet chez 250 patients graves. 80 % étaient des enfants atteints de troubles neurologiques (handicap intellectuel, retard de développement, ou trouble moteur). La majorité des patients (89 %) avaient moins de 18 ans, et dans 4 cas l’ADN provenait de produits de fausse couche. Tous avaient déjà été soumis à des tests génétiques (analyse chromosomique sur puce, dépistage métabolique, et/ou séquençage de gènes par la méthode classique de Sanger). Le médecin demandant le test avait au préalable bien expliqué à la famille ses risques et bénéfices, par écrit, lors d’un consentement éclairé. Le test d’un coût de 7 000 dollars a été remboursé par la compagnie d’assurance dans la plupart des cas, le plus souvent à hauteur de 80 % du coût.

Les résultats sont prometteurs.

Le séquençage d’exome a identifié 86 allèles mutés de forte probabilité causale chez 62 des 250 patients, procurant ainsi un diagnostic moléculaire chez 1 patient sur 4 ( 25 % des cas). Parmi les 62 patients, 33 avaient une maladie autosomique dominante (dans 83 % des cas de novo), 16 avaient une maladie autosomique récessive, et 9 une maladie liée a l’X (de novo dans 40 % des cas). Trente-neuf patients avaient des troubles génétiques rares vus une seule fois dans l’étude, tandis que 23 avaient des troubles génétiques retrouvés chez plusieurs patients (trouble du spectre de Noonan, syndrome de Coffin-Siris, syndrome de Cornelia de Lange…).

De plus, 4 patients reçurent en fait le diagnostic de deux troubles génétiques distincts (sans chevauchement des manifestations), chacun causé par une mutation dans des gènes différents. Ceci était inattendu puisque les médecins tentent généralement de trouver un diagnostic qui explique la majorité des signes et des symptômes observes chez le patient.

L’identification du trouble génétique chez ces 62 patients, après une longue odyssée diagnostique pour certains, est évidemment précieuse. Des traitements bénéfiques voire salvateurs peuvent être disponibles pour quelques uns d’entre eux. Si dans la majorité des cas il n’y a pas de traitement, la connaissance du trouble peut permettre de mieux prendre en charge les symptômes et de mieux organiser le futur, y compris de savoir quel est le risque d’avoir un nouvel enfant affecté du trouble. Par exemple, lorsque la mutation était de novo, les conseillers génétiques ont pu rassurer les parents, un soulagement sans prix.

L’équipe estime en outre que ce test devrait s’améliorer dans le futur avec les progrès dans la détection des variations du nombre des copies et la découverte de nouveaux gènes de maladies. À titre d’exemple, 7 des 62 patients n’auraient pas reçu de diagnostic si l’étude avait été conduite avant 2012, c’est-à-dire avant la publication de certaines découvertes génétiques.

« Nous continuerons à introduire des améliorations technologiques et interprétatives », laisse entrevoir le Dr Eng. « De plus, des études de recherches seront peut-être possibles pour des patients qui restent sans diagnostic après ce test ».Elle ajoute que le laboratoire observe un nombre croissant de prescriptions des médecins pour le séquençage d’exome complet. A la mi-septembre, plus de 1 700 tests avaient déjà été réalisés.

Les questions en suspens.

Diverses questions restent à résoudre comme le rapport cout-efficacité du test, sa précision diagnostique, et son intégration efficace dans la pratique médicale. Il reste aussi à déterminer quel est le moment le plus approprié pour suggérer ce test. « Il nous faut comprendre quelle est la façon la plus efficace d’utiliser ce test. Faut-il l’utiliser plus au début de l’exploration diagnostique ou après que d’autres avenues aient été épuisées ? ».

Le Dr Eng souligne l’importance de comprendre que le séquençage d’exome complet peut amener a des découvertes collatérales inattendues. « Un individu peut découvrir qu’il est à risque accru de développer un cancer ou une maladie cardiaque. C’est pour cela qu’il est essentiel de discuter du test et des résultats avec un médecin ou un conseiller génétique ».

NEJM 2 octobre 2013, Yang et coll.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9269