LE DÉPISTAGE prénatal et la prédiction de la réponse d’une tumeur à un traitement sont deux des nombreuses applications envisagées pour l’introduction du séquençage du génome entier du patient dans la pratique médicale. En septembre dernier, le National Human Genome Research Institute, une des agences des NIH américains, a annoncé un financement de 17 millions de dollars pour plusieurs programmes de recherche autour de l’utilisation de la technologie des nanopores dans le séquençage. Les NIH espèrent atteindre le « Graal » : un séquençage en moins de six heures pour moins de 1 000 dollars.
« Il faut se méfier des effets d’annonce, la durée et le coût du séquençage ne sont pas les seuls obstacles », a commenté Jean-Louis Mandel, professeur de génétique humaine au Collège de France, et invité à la table ronde.
Le temps de l’interprétation.
Pour Jean-Louis Mandel, « obtenir un séquençage de qualité diagnostique, avec le moins de faux positifs possible, coûte plus cher qu’un séquençage réalisé pour la recherche médicale. Dans une politique de santé, est ce que l’on peut se permettre de payer cela ? Et pour quelle utilisation ? » a-t-il questionné, précisant que « le temps d’interprétation et le temps médical restent très importants. »
Pour passer en revue, même superficiellement, les centaines de mutations susceptibles d’être retrouvées chez un individu, plus de cinq heures de travail par un biologiste ou un médecin seraient nécessaires, ce qui présenterait un coût important. Les participants de la table ronde ont insisté sur le fait que l’utilisation du génome personnel devra être justifiée par les économies générées en permettant le recours à une médecine personnalisée plus efficace.
Selon Jean Claude Ameisen, président du conseil consultatif national d’éthique (CCNE), « il y a un problème d’interprétation et de dialogue. Ce n’est pas le temps que l’on met à faire le test qui est important mais celui du conseil génomique, ors, on manque de temps en médecine avec la tarification à l’activité. » Pour le président du CCNE, la masse d’informations apportée par le séquençage serait telle qu’elle obligerait à « repenser l’exercice médical. Le génome personnel ne peut pas être un nouvel outil dans une médecine qui n’évolue pas ».
Que dire ? Et comment ?
Reprenant les déclarations faites lors de la remise de l’avis n° 120 du CCNE sur les « Questions éthiques associées au développement des tests génétiques fœtaux sur sang », Jean-Claude Ameisen a estimé qu’avec l’introduction du génome personnel, les médecins pourraient se retrouver dans une situation inédite où ils ne pourraient pas communiquer au patient l’ensemble des résultats en leur possession faute de savoir les interpréter.
Citant l’exemple des gènes de susceptibilité BRCA1 et BRCA2, Dominique Stoppa-Lyonnet, chef du service génétique oncologique de l’Institut Curie, a rappelé que « le fait de considérer sept variants génétiques faisait osciller le risque de cancer du sein de 20 à 80 % avec une moyenne de 50 % ». L’interprétation des informations issues du génome personnel ferait donc appel à une importante somme de connaissances et serait le fait d’équipes pluridisciplinaires impliquant des médecins, des généticiens et des bio-informaticiens.
« On a besoin de cohortes de patients, et on a besoin de cohortes de d’individus normaux », a expliqué Dominique Stoppa-Lyonnet qui a rappelé que l’Inca a lancé un appel d’offre en ce sens « pour la mise en place du séquençage et du stockage des données génomiques dans ses plates-formes ».
Des données mais pas de moyens.
Le frein médico-économique a également été évoqué. Le coût d’obtention des données brutes, le séquençage proprement dit, a diminué d’un facteur 10 000 en dix ans grâce à la sensibilité croissante de la détection des molécules d’ADN mais les coûts de traitement informatique n’ont pas décru dans la même proportion. Se pose désormais la question du stockage et de l’accès aux données.
« Ce n’est pas qu’une question de capacité de stockage », a jugé Jean-Sébastien Vialatte, député du Var et vice président de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). « Certaines portions du génome ne seront interprétables ou utiles que si la recherche réalise des progrès supplémentaires ». Il faudra donc conserver les données de tous les génomes séquencés, et définir qui pourra y avoir accès, comment et sous quelles conditions. « Il y a une tentation hégémonique des grandes firmes comme Google de monopoliser le stockage, l’accès et la vente de ces génomes », a-t-il craint. Une préoccupation partagée par Jean Claude Ameisen pour qui « quand la motivation, c’est de trouver des acheteurs, la santé publique n’est plus une priorité ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024