QUAND Nicolas Sarkozy nouvellement élu, en mai 2007, l’a appelé pour lui demander d’être son conseiller à la recherche médicale, la réponse fut non, sans hésitation non. Directeur de l’unité de recherche INSERM consacrée à la localisation et à l’identification des gènes responsables de handicaps neurologiques, métaboliques, malformatifs et sensoriels de l’enfant ; chef du service de génétique clinique de l’AP-HP, à l’hôpital Necker ; responsable de l’unité de génétique moléculaire hospitalière pré- et postnatale au service des patients et de leurs familles, le Pr Arnold Munnich n’entendait renoncer à aucune de ces charges qui lui valent sa réputation internationale.
Les deux hommes ont fait connaissance en 2000. Le politique avait sollicité le scientifique à la suite d’un article dans « le Monde ». « J’y critiquais en tant que généticien clinicien tout le battage publicitaire autour du séquençage du génome humain, raconte Arnold Munnich, alors que nous avons encore un long chemin à faire avant que la compréhension de cette liste de nucléotides ne commence à changer la vie de nos patients. Le maire de Neuilly m’a convié à un petit-déjeuner. Je l’ai ensuite invité à passer une journée dans mon laboratoire à Necker. Depuis, il m’a régulièrement consulté. Mais quand il m’a proposé de devenir son conseiller, je lui ai demandé si, connaissant mon emploi du temps et mon absence d’ambitions politiques, il plaisantait... Il m’a répondu que je pouvais travailler plus. »
Transmettre les réalités concrètes.
Arnold Munnich a fini par céder. « Je suis un paresseux qui combat sa paresse », lâche-t-il sans sourire. Depuis 3 ans, il attaque donc ses journées dès 7 heures à l’Élysée, filant à Necker deux heures plus tard. À 19 heures, retour à la présidence, jusqu’à 21 heures, heure à laquelle il réintègre son bureau, soit à Necker, soit chez lui. Extinction des feux à 23 heures. Six jours sur sept. « Je suis un peu moins disponible pour la vie publique de mon CHU et ses réunions internes, concède-t-il, mais j’ai organisé le staff avec de jeunes responsables. Je relis toutes les publications et le travail à Necker n’a pas pâti de mon travail à l’Élysée. »
Qu’on ne lui parle pas cependant de sa double vie ! « Je n’ai aucune duplicité, s’emporte-t-il, et il ne faudrait quand même pas exagérer ma schizophrénie ! En fait, je ne suis ni un techno, ni un politique, ma légitimité à la présidence, c’est de faire remonter les réalités du terrain, à la manière d’un barorécepteur qui transmet les réalités concrètes au président et lui fait des propositions. Rien à voir avec le travail des technos, ces jeunes énarques brillants, qui sont des bosseurs que je respecte ; ce n’est pas non plus de la politique, même si j’ai acquis ce qu’on appelle le sens politique. »
« Étudiant, j’avais le cœur à gauche », admet-il. « Arnold a été mon étudiant, témoigne le Pr Axel Kahn, il a fait sa thèse sur la régulation des gènes par l’alimentation, notamment les sucres, dans mon unité. Il a fait plusieurs découvertes de premier plan, comme la localisation du gène de l’amyotrophie spinale. Au point de vue médical, c’est un tout bon. J’aurais préféré qu’il fût de gauche ! »« Mais en vieillissant, explique l’intéressé, j’ai réalisé peu à peu que l’espoir n’était plus à gauche. Et que l’énergie était du côté de Nicolas Sarkozy. Lui et moi, sans être des intimes, nous avons une très grande affinité réciproque. Je pense qu’il pourra défendre fièrement son bilan en matière de recherche médicale. En deux ans et demi, la France a plus bougé qu’en 50 ans. »
Copies rendues le 5 novembre.
La réforme de la recherche, avec son traitement de choc, s’accélère. Dans lecadre de l’appel d’offres sur les instituts hospitalo-universitaires lancé grâce au Grand Emprunt, les copies vont être rendues le 5 novembre à Valérie Pécresse, la ministre de la Recherche. Sur les 32 CHU, une dizaine se seraient engagés dans cette course à l’excellence. Cinq seront élus et recevront la dotation de 170 millions d’euros par lauréat, dont seuls les intérêts du capital pourront être dépensés, soit 3 à 4 millions d’euros annuels. « Grâce à ces financements, les pôles d’excellence seront capables de retenir nos élites, d’éviter qu’elles s’enfuient aux États-Unis, ou au Canada, et même d’attirer des talents de l’étranger. On va enfin arrêter la machine à perdre, en finir avec le déclin, revenir dans la course mondiale. »
Avant de lancer un tel concours, il a fallu « l’impulsion extraordinairement énergique » de la loi LRU : « Les universités, historiquement très affaiblies, ont pu alors reprendre en main leur destin. Pleinement intégrées dans les universités, à l’exemple de ce qui se passe aux États-Unis ou en Israël, les UFR biomédicales ne jouent plus les exceptions culturelles. Avec, depuis la loi HPST, des directeurs généraux qui sont nommés à la fois par le ministre de la Santé et par celui de la Recherche, les 32 CHU, autrefois focalisés sur l’enseignement et la médecine de proximité, au détriment de la recherche et de la médecine d’innovation, peuvent redéfinir leur triple mission et les rééquilibrer sans en compromettre aucune. »
Afin de faciliter ce grand réveil de la performance, la mutualisation des moyens est devenue le mot d’ordre. Haro sur « la maladie française du saupoudrage. Fusionner quatre CHU distants de moins de 100 km, ce serait gagner en effet de masse critique, rationaliser les orientations et dégager du temps pour la recherche et l’enseignement. »
Dernier étage de la réforme, la création de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, en regroupant INSERM, INRA et CNRS, devrait mettre enfin un terme à ce que le Pr Munnich qualifie d’un conflit d’intérêt : « C’était les agences qui s’autoévaluaient, explique-t-il. Maintenant, on ne pourra plus à la fois décider, financer et évaluer. C’est la séparation des pouvoirs, dans l’esprit insufflé par Montesquieu. »
« Évidemment, constate le conseiller du président, il nous faut actuellement faire face à beaucoup de pertes en ligne, vaincre une extraordinaire force d’inertie et surmonter l’hostilité de beaucoup d’acteurs de la chaîne. Contre la mise en œuvre de la réforme, nous rencontrons des résistances formidables. Pourtant, nous n’excluons personne de la course : elle a des vertus structurantes pour tout le monde. Chacun doit sortir par le haut et s’en trouver grandi. »
Pour sa part, Arnold Munnich n’envisage pas de changer pour un autre rôle que celui de barorécepteur. « Il est hors de question que je devienne un jour ministre, jure-t-il. Ma légitimité, martèle-t-il, c’est de rester un acteur de terrain. D’ailleurs, les vanités du pouvoir me laissent totalement froid. » On sait cependant que le barorécepteur, sensible à la pression et à la chaleur, est sujet à la mécanique de la douleur. Le conseiller triple chef de services paye parfois son rythme de travail, dans sa vie familiale et même dans sa santé – l’an dernier, il a réchappé de justesse à une péritonite. Ses évasions sont comptées : il relit Balzac et Flaubert. « J’apprécie la force de leurs plumes…Et aussi, note-t-il en connaisseur, leur phénoménale force de travail. »
*« Strong Medicine for French Research », titre d’une interview à « Nature » du 28 juin.
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