« Il devient nécessaire, pour maintenir la place de la France en bonne position dans les avancées de la médecine personnalisée, de développer aussi rapidement que possible à l’échelle nationale des capacités d’analyse suffisantes des génomes », a conclu le rapport du groupe de travail commun à l'Académie nationale de médecine et à l'Académie des technologies.
Celui-ci précise, en préambule, que le pays accuse « un retard certain » dans le domaine du séquençage de l’ADN de nouvelle génération (« Next generation sequencing » ou NGS) sur les États-Unis, la Chine et le Royaume Uni. Ce comité bi académique revient sur les progrès réalisés depuis l'initiation de ces techniques à la fin des années soixante-dix et au cours du projet Génome Humain dans les années 90, soulignant que « le coût du nucléotide séquencé a été divisé par 100 000, et le temps d’acquisition des données génomiques extrêmement réduit ».
Il rappelle que ce type d’analyses est déjà utilisé en France en pratique hospitalière dans le dépistage des maladies rares et dans le traitement des cancers via les 28 plateformes de génétique moléculaire des tumeurs mises en place par l’Institut national du cancer (INCa).
Objectif : 40 000 analyses de génomes complets par an
Le rapport prend également la mesure du chemin à parcourir pour répondre « aux exigences d’une approche clinique des maladies humaines et d’une médecine personnalisée ou de précision ». Ajoutant que « l’utilisation des données de séquençage du génome du patient permet dans un nombre croissant de cas d’affiner le diagnostic médical et le pronostic, et de choisir le traitement le plus adapté à la pathologie décelée ».
À l’issue de l’analyse de la situation présente en France, le groupe d'experts a formulé une série de recommandations pour évaluer les développements potentiels en envisageant les divers aspects à prendre en compte. « Conscients de ce que le développement des capacités d’analyse souhaitable à terme pose, de par le volume des données à analyser, de nombreuses questions organisationnelles, réglementaires, technologiques, économiques, financières, éducatives et éthiques nous suggérons fortement qu’une première étape voit la création d’un démonstrateur qui permettra de tester en vraie grandeur les solutions disponibles », ont-ils précisé.
Cette unité de démonstration devra être d’une taille suffisante pour réaliser de l’ordre 40 000 analyses de génomes complets par an, leur stockage numérisé et leur interprétation en y associant le plus grand nombre de partenaires « utilisateurs » possibles qui participeront ainsi à la création de valeur.
Favoriser la fabrication française et faire évoluer la législation
Les experts insistent par ailleurs sur l'importance de favoriser la création d’une société française ou européenne fabriquant des appareils de séquençage de capacité équivalente ou supérieure à celle proposée par Illumina Inc, « afin de mettre fin à terme au monopole de cette société américaine ». Ils recommandent, en outre, de développer en amont du séquençage, des approches microfluidiques de préparation des échantillons, et en aval, des logiciels d’interprétation des données en établissant les contacts nécessaires entre industriels et généticiens.
Le rapport engage, du reste, à travers deux mesures, à faire évoluer la législation. Il suggère en l'occurrence de modifier la réglementation actuelle imposant à tout projet de recherche impliquant le séquençage des génomes de dépendre d’une hypothèse physiopathologique, dans la mesure où l’objectif recherché par ce séquençage systématique est l’établissement de cette relation.
Il appelle, de plus, à faciliter, en matière de recherches, sous le contrôle de la CNIL, le croisement de fichiers de données génétiques avec des fichiers de données cliniques concernant les mêmes malades en respectant l’anonymat des patients.
En projet : la création de 10 à 15 centres de séquençage
La dernière mesure porte sur le projet de création, dans un second temps, de 10 à 15 centres répartis sur le territoire, reliés entre eux et inter opérationnels et, de plus, connectés à un centre collectant l’ensemble des données génomiques, cliniques et autres informations utiles dans le dossier médical des patients.
En conlusion, le rapport estime que « le changement d’échelle dans l’analyse du génome, tel qu’il est esquissé, offre une grande opportunité pour le développement non seulement de la médecine, mais également de plusieurs filières industrielles dont celle du médicament et des tests diagnostiques ».
Les académies considèrent que si le séquençage nécessite, dans l’immédiat, un passage obligé par le fournisseur de machines américaines Illumina Inc., les compétences industrielles et de recherche françaises devraient permettre de compenser cet inconvénient par une approche informatique de très haut niveau réalisée dans le cadre national.
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