De notre correspondant
DANS l’ADA-SCID, qui se traduit par une déplétion en lymphocytes T, B et NK et qui est très rapidement mortelle en l’absence de traitement, la greffe allogénique de cellules souches hématopoiétiques (HSCT) est la meilleure option thérapeutique actuelle. Encore faut-il disposer d’un donneur pleinement apparié (dans la famille du jeune patient). Une autre approche, le remplacement enzymatique (ERT) par la PEG-ADA, offre quant à lui une bonne correction métabolique mais la récupération immunologique est beaucoup plus incertaine. Enfin, des essais de thérapie génique ont commencé en 2009 dans cette affection.
Un remplacement enzymatique.
L’étude conduite chez six enfants (âge moyen : 36 mois) par l’équipe d’Adrian Thrasher apporte des arguments convaincants en faveur de cette dernière voie thérapeutique (1). Les jeunes patients avaient préalablement reçu un ERT pendant 15 mois en moyenne (avec une récupération incomplète des fonctions immunitaires). Le protocole de thérapie génique mis en oeuvre par les médecins britanniques, avec des chercheurs belges et grecs, a consisté en l’administration (après un conditionnement myélosuppresseur léger) de cellules médullaires souches et progénitrices CD34+ autologues (0,5 à 5,8x106 cellules/kg) modifiées par un gène ADA exprimé sur vecteur gammarétroviral.
La transduction réussie du gène ADA au niveau de plusieurs lignées hématopoiétiques (taux d’efficacité de moins de 5% à 50%) a permis une correction métabolique chez trois des enfants (qui n’ont pas eu besoin de recevoir d’ERT après la thérapie génique). Elle s’est traduite par une récupération (un peu lente mais continue) de cellules T fonctionnelles chez quatre des patients, suffisante en tout cas pour éliminer les infections, y compris une infection chronique à cytomégalovirus. Une réponse normale aux vaccinations de routine (témoin de la récupération de l’immunité humorale) a aussi été observée chez deux des enfants. Un point intéressant à noter est l’apparition, chez un des enfants chez qui l’ERT a dû être repris six mois après la thérapie génique, de cellules T «corrigées» (exprimant le gène ADA), ce qui suggère que la reprise de l’ERT ne gomme pas nécessairement (comme on tendait à le penser) les effets de la thérapie génique.
Une légère myélosuppression.
Associés aux données des deux autres essais antérieurs de thérapie génique (dont celui d’Aiuti et coll., en 2009), tous utilisant un vecteur gammarétroviral, les résultats encourageants obtenus ici indiquent que la thérapie génique devient une alternative thérapeutique de choix dans l’ADA-SCID (en l’absence de donneur apparié pour une HSCT). A condition, toutefois, de la faire précéder d’une légère myélosuppression et d’aménager les doses de cellules souches génétiquement modifiées pour renforcer le taux de transduction (et éviter la nécessité de reprendre l’ERT).
Les trente enfants traités, au total, dans les trois essais, ont tous survécu, après un à dix ans. L’absence de développement de leucémie dans les trois essais (avec un recul allant jusqu’à 84 mois dans l’étude présente) est naturellement un autre point fort en faveur de cette approche.
Une autre série d’enfants (n=10, âge moyen de 10 mois), atteints de SCID lié à l’X (SCID-X1, soit de 40 à 50% des SCID), a été traitée selon la même technique (mais sans conditionnement myélosuppresseur) en association avec des pédiatres d’Arabie Saoudite (2). Tous les patients ont survécu (recul moyen de 80 mois, soit près de 7 ans), avec une récupération du répertoire de cellules T polyclonales fonctionnelles. L’immunité humorale, bien que partielle, a autorisé, dans certains cas, l’arrêt des immunoglobulines. En revanche, un enfant a développé une leucémie lymphoblastique aiguë-T par surexpression du proto-oncogène LMO-2 (en rémission) dans cette étude où la thérapie génique n’était pas précédée d’une myélosuppression.
(1) H Bobby Gaspar, Adrian J Thrasher et coll. Hematopoietic stem cell gene therapy for adenosine deaminase-deficient severe combined immunodeficiency leads to long-term immunological recovery and metabolic correction. Science Translational Medicine (2011) Publié en ligne
(2) H Bobby Gaspar, Adrian J Thrasher et coll. Long-term persistence of a polyclonal T cell repertoire after gene therapy fot X-linked severe combined immunodeficiency. Science Translational Medicine (2011) Publié en ligne
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