LA FONDATION pour la recherche médicale évalue chaque année quelque 1 500 projets de recherche et en finance 500. Elle attribue aussi des prix qui, comme le souligne Antoine Triller, le président de son conseil scientifique, témoignent de la qualité de la recherche française, « menée par un grand nombre de femmes et d’hommes talentueux et passionnés ».
À commencer par Édith Heard, lauréate du grand prix, dont le jury était présidé par Alain Prochiantz. Cette chercheuse britannique, arrivée en France, à l’Institut Pasteur, en 1990, dirige, à l’institut Curie, l’unité de génétique et biologie du développement et l’équipe Épigenèse et développement des mammifères. Elle a travaillé sur l’inactivation d’un chromosome X chez la femelle au cours du développement embryonnaire. Elle a aujourd’hui pour objectif de comprendre comment le phénomène de répression d’un chromosome entier est mis en place et maintenu de manière très stable et héritable dans toutes les cellules de l’organisme ; et comment il peut, ponctuellement, devenir réversible, comme dans le cancer. Ses travaux, menés, à Curie, en collaboration avec les cliniciens, contribuent ainsi à comprendre les savants dosages protéiques qui président au développement embryonnaire et à leur dérégulation au cours de la cancérisation. Avec l’espoir d’abouti r à de nouvelles thérapies.
Les prix scientifiques
Les prix scientifiques sont sélectionnés par des jurys spécialisés. Le prix Raymond Rosen (cancer) va au Pr Laurence Zitvogel, directrice de l’unité INSERM Immunologie des tumeurs et immunothérapie à l’Institut Gustave-Roussy de villejuif, et du Centre d’investigation clinique en biothérapie des cancers. Elle a étayé le concept révolutionnaire de chimiothérapie immunogène et développe des vaccins thérapeutiques contre le cancer, utilisant le pouvoir immunogène des exosomes, avec un essai de phase II en cours chez des patients souffrant de cancer du poumon non opérable (« le Quotidien » du 24 novembre 2011).
Le prix fondation Guillaumat-Piel (maladies infantiles et/ou du sang et/ou ostéoarticulaires) récompense le Pr Olivier Hermine, chef du service d’hématologie clinique de l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris), responsable d’un groupe de recherche et coordonnateur du Centre de référence des mastocytoses. Il a notamment montré qu’un traitement antiviral sans chimiothérapie peut faire régresser la tumeur chez des patients atteints de lymphomes induits par des virus comme le VHC et l’HTLV-1. Son groupe a aussi découvert de nouvelles approches thérapeutiques dans les leucémies et les lymphomes et a permis de progresser dans les traitements des mastocytoses.
Le prix Jacques Piraud (maladies infectieuses) distingue Arlette Darfeuille-Michaud, spécialiste de microbiologie qui dirige l’unité Évolution des bactéries pathogènes et susceptibilité génétique de l’hôte à l’université d’Auvergne. Elle a étudié particulièrement sur Escherichia coli, mettant en évidence leur implication dans la maladie de Crohn et poursuit actuellement l’identification des mécanismes moléculaires à l’œuvre dans cette interaction hôte-bactérie. Ses travaux ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques dans la lutte contre cette maladie, qui touche une personne sur 1 000.
Le prix Lucien Tartois (recherches en oncologie, immunologie ou virologie qui n’utilisent pas l’expérimentation animale) a pour lauréate est le Dr Anne Durandy, responsable d’équipe dans l’unité INSERM Développement normal et pathologique du système immunitaire, à l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris). Ses recherches portent sur le CSR-D, déficit immunitaire héréditaire rare qui touche 1 enfant pour 200 000 naissances, et ouvrent la voie à un diagnostic moléculaire permettant d’adapter la surveillance et la prise en charge. Ces travaux permettent en outre une meilleure compréhension des mécanismes complexes impliqués dans la maturation des anticorps.
Le prix Jean-Paul Binet (pathologies cardio-vasculaires ou xénogreffes) distingue Bart Staels, pharmacien et docteur ès sciences, directeur de l’unité Récepteurs nucléaires, maladies cardio-vasculaires et diabète INSERM-Institut Pasteur de Lille et cofondateur de l’European Genomic Institute for Diabetes. S’intéressant aux mécanismes moléculaires à l’origine des troubles métaboliques, il a été parmi les premiers à découvrir que l’excercice physique et l’alimentation modifiaient l’expression de certains gènes en agissant sur des récepteurs nucléaires et a identifié le rôle clé de ces récepteurs dans le contrôle du métabolisme du glucose ou des lipides. En perspective : le développement de nouveaux médicaments permettant une médecine personnalisée.
La recherche clinique est le thème du prix Rose Lamarca, qui va au Pr Pierre Ronco, chef du service de néphrologie et dialyses de l’hôpital Tenon (Paris) et directeur de l’unité INSERM Remodelage et réparation du tissu rénale. Il a contribué à faire progresser les connaissances sur la glomérulopathie extramembraneuse et ouvert la voie à un contrôle de l’efficacité du traitement immunosuppresseur et, à terme, à la mise au point de thérapeutiques ciblées.
Le prix Rachel Ajzen et Léon Iagolnitzer (mécanismes du vieillissement) a été attribué à Frédéric Saudou, spécialiste de biologie moléculaire qui dirige l’unité Signalisation, neurobiologie et cancer à l’Institut Curie. Ses travaux sur la huntingtine et ses mécanismes de régulation sont porteurs d’espoirs thérapeutiques dans la maladie de Huntington.
Le prix Camille Woringer (maladies du cerveau) distingue Pier Vincenzo Piazza, directeur du Neurocentre Magendie, à Bordeaux. Précurseur en psychiatrie biologique, il a montré que le développement d’une addiction résulte de deux types de vulnérabilités individuelles, complémentaires mais indépendantes, l’une à l’usage de drogue, l’autre à l’addiction. Son travail sur l’identification des mécanismes moléculaires de la vulnérabilité aux drogues devrait permettre de développer des pistes thérapeutiques pour la prise en charge de l’addiction à la cocaïne.
Dernier prix scientifique, celui créé à la demande de Line Renaud pour soutenir la lutte contre le sida. Il va à Winfried Weissenhorn, qui dirige à Grenoble le groupe Entrée, assemblage et bourgeonnement des virus enveloppés. En identifiant la structure 3D de la protéine d’enveloppe du VIH, il a contribué à élucider la dynamique de la pénétration du virus dans la cellule et espère aboutir au développement d’un anticorps neutralisant cette étape de l’infection. Il travaille aussi sur le bourgeonnement du virus.
Les prix de recherche et de communication
Deux doctorantes vont être aidées pendant les années de leur thèse. Alice Huertas avec le prix Marianne Josso pour « Hypertension artérielle pulmonaire, physiopathologie et innovation thérapeutique » et Julie Jerber avec le prix fondation Line Pomaret-Delalande pour étudier deux gènes susceptibles d’être impliqués dans les ciliopathies.
Le prix fondation Victor et Erminia Mescle va à Jérôme Guicheux, co-directeur du Laboratoire d’ingénierie ostéo-articulaire et dentaire et directeur adjoint de l’Institut fédératif de recherche thérapeutique de l’université de Nantes, qui teste chez l’animal la réparation du disque intervertébral grâce aux techniques de l’ingénierie tissulaire.
Enfin, le prix Jean Bernard, qui honore une personnalité scientifique ayant enrichi les connaissances du public dans le domaine de la santé, va au Pr Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida. Et le prix Claudine Escoffier-Lambiotte distingue Alain Perez, journaliste aux « Échos ».
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