Les centres réalisant les saignées thérapeutiques des patients atteints d’hémochromatose se font de plus en plus rares en France, d’après le Pr Pierre Brissot, hépatologue au CHU de Rennes. Ce spécialiste décrit une situation particulièrement alarmante en Ile-de-France, « à la limite du scandale sanitaire ». Et pour cause, dans la région francilienne, les centres ne se comptent plus que sur les doigts de la main, alors qu’ils étaient plus d’une dizaine au début des années 2000 ; près d’une vingtaine avant cela.
« On assiste à la fermeture progressive des sites de saignées, il y a des gens qui attendent plusieurs mois pour pouvoir aller dans un centre, quand on ne les refuse pas ! Or c’est "le" traitement clé de cette maladie, donc c’est très préoccupant », explique-t-il.
On estime qu’environ un Français sur 300 présente la prédisposition génétique à cette maladie, soit 200 000 personnes. Le traitement consiste à subir régulièrement des saignées, pour abaisser la surcharge en fer de leur organisme. Chez ces malades, le fer s’accumule progressivement dans les organes, détruisant petit à petit les cellules du foie, du pancréas et du cœur.
Une détérioration de l’offre depuis les années 2000
Si la saignée est un traitement efficace, simple et peu onéreux, elle requiert du personnel, un équipement et des locaux.
« C’est une situation paradoxale car cet acte, peu onéreux, est actuellement effectué à perte, puisqu’il est sous-valorisé. Tant qu’on n’aura pas fait sauter ce verrou, les structures continueront à abandonner la pratique. Comment voulez-vous aujourd’hui qu’un chef de service maintienne une activité que le directeur financier de son établissement va lui reprocher en terme de non-rentabilité ? » demande le Pr Brissot.
La baisse du nombre de sites offrant des saignées sur Paris a débuté dans les années 2000, avec la création de l’Établissement Français du sang (EFS). Certains hôpitaux ont fermé leur site, et l’EFS a conservé peu d’activités de soins, décrit le Dr Françoise Courtois, responsable d’associations de malades au niveau Européen.
Depuis la situation n’a fait que se dégrader : « L’HEGP a abandonné en Juin, l’hôpital Cochin avant cela, petit à petit l’AP-HP a arrêté, alors qu’elle a quand même la main mise sur l’organisation des soins en Ile-de-France », explique-t-elle. « À partir de la mi-septembre, le service de l’EFS du 12e arrondissement sera le seul centre digne de ce nom à offrir des saignées aux patients sur Paris, et risque de crouler sous les demandes. Des petites structures, comme l’hôpital de la Croix Saint-Simon ou l’hôpital Tenon, continuent un tout petit peu, mais elles ne prennent pas de nouveaux patients. De rares infirmières de ville en liaison avec un centre spécialisé ont également développé en parallèle une petite activité. »
Pour une réévaluation de la tarification
Au mois de mai, les associations de patients ont sonné l’alarme, saisissant l’Agence régionale de la santé Ile-de-France et l’EFS. Une réunion, organisée au mois de juin sous l’égide de l’ARS a donné lieu à une mesure immédiate et concrète pour tenter de remédier à la pénurie de l’offre : l’EFS s’est dite prête à augmenter ses capacités d’accueil dans son centre du 12e arrondissement.
« Un accord a été obtenu de la part du Pr Philippe Bierling, directeur de l’EFS Ile-de-France, pour consacrer au maximum 5 jours par semaine (en fonction de la demande) pour les saignées, alors qu’il en consacrait 1 ou 2 par semaine jusqu’à présent », explique le Pr Brissot.
Mais cela ne suffira pas. D’ici la prochaine réunion, prévue au mois de décembre, l’ARS s’est engagée à réaliser une étude analytique des coûts associés aux saignées pour une revalorisation de l’acte. Les experts espèrent qu’un réseau « hémochromatose » pourrait voir le jour, structuré autour de 2 centres de compétence et de 3 ou 4 centres dans Paris intra-muros, en plus de l’EFS.
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