« Aujourd’hui en pratique clinique on se limite, si l’on peut dire, à rechercher de mutations connues. Cette recherche est indispensable au traitement à la carte de certaines tumeurs, en particulier des cancers colorectaux métastatiques et des cancers pulmonaires », rappelle le Pr Pierre-Laurent Puig (HEGP, Paris). En effet, seules les tumeurs colorectales métastatiques sauvages non mutées sur KRAS relèvent d’un traitement par anti-EGFR type cetixumab. Ce qui correspond désormais à environ 50 % des tumeurs, des mutations plus rares sur NRAS ayant été détectées, qui elles aussi affectent la réponse au traitement par anti-EGFR. Et dans les Cancers pulmonaires non à petites cellules (CPNPC), seuls ceux présentant des EGFR mutés – soit 10 % des CPNPC – bénéficient d’un traitement par anti-EGFR, avec à la clé un quasi triplement de la survie.
Néanmoins, malgré les énormes avancées apportées par la mise en évidence de ces facteurs prédictifs de réponse, on ne peut trouver que ce que l’on cherche... On passe donc nécessairement à côté de mutations plus rares. Résultat, on peut rater sa cible et les patients perdre des chances. C’est pourquoi, à l’avenir, se pose la question d’un séquençage plus extensif du génome tumoral.
Séquençage non ciblé du génome, pour des traitements encore plus personnalisés
« Le différentiel de coût entre un décryptage ciblé et non ciblé – c’est-à-dire non restreint aux seules mutations bien connues – s’est considérablement réduit ces dernières années avec l’arrivée des séquenceurs ultrarapides. Du coup, le recours en clinique, et plus seulement en recherche, à un séquençage plus extensif du génome tumoral de patients porteurs de tumeurs très agressives ou à haut risque fait débat, explique le Pr Puig. C’est en effet l’étape suivante dans la marche vers une prise en charge de plus en plus personnalisée des cancers et des traitements de plus en plus précis ».
Que peut apporter, en pratique clinique, un séquençage quasi tous azimuts du génome d’une tumeur ?? Ce séquençage plus extensif n’a pas aujourd’hui encore d’applications cliniques validées. Quelques études se sont attachées à comparer l’efficacité de la recherche ciblée versus séquençage plus extensif. Mais, actuellement, l’avantage n’est pas significatif. Il y a toutefois fort à parier que cela pourrait changer d’ici quelques années, quand les coûts et les délais d’obtention des résultats d’un séquençage plus large auront encore diminué, et que l’on connaîtra encore mieux la biologie et la génomique des cellules cancéreuses.
Par ailleurs, un séquençage non limité aux seules mutations connues élargit en effet le champ des possibles.
Si, en recherche, cela peut en effet ouvrir de nouvelles pistes, en identifiant des cibles thérapeutiques, en clinique cela peut aussi permettre d’identifier des ressemblances moléculaires non attendues dans des tumeurs très différentes, par exemple une colorectale et rénale. On peut imaginer que ces deux tumeurs, moléculairement proches en termes de mutation, puissent répondre toutes deux à une même thérapie ciblée visant cette mutation.
Anticiper les effets secondaires
Mais le séquençage élargi peut aussi permettre de mettre en évidence d’autres informations intéressantes. Comme un défaut métabolique, qui affecterait les effets secondaires des traitements. Par exemple, un polymorphisme de l’enzyme qui métabolise le 5 FU, affecte tellement son métabolisme que l’on peut tuer certains patients à la première injection de 5 FU.
Les premières candidates : tumeurs à haut risque dépourvues d’options thérapeutiques
Une étude en cours (SOLO 2) examine actuellement une nouvelle thérapeutique dans les cancers du sein triple négatifs porteurs de mutations sur les gènes BRCA – qui sont des gènes de réparation de l’ADN. Ces cancers pourraient en effet bénéficier d’un traitement ciblé anti-PARP, type olaparib. PARP répare aussi l’ADN. On espère qu’inactiver PARP, alors que BRCA lui-même n’est pas fonctionnel, va faire craquer la cellule. Un peu comme quand on enlève une béquille à quelqu’un qui n’en a déjà plus qu’une seule, on peut espérer le faire tomber !
Une étude française Safir 1 (Lancet 2014), menée sur 400 cancers du sein métastatiques en 2011–2012, a montré que l’analyse de tout le génome met en évidence, une fois sur deux, une mutation pour laquelle on peut proposer un traitement original. Dans cet essai, au total 28 % des femmes ont pu avoir accès à un essai thérapeutique en cours. Parmi elles, un tiers a eu des signes de réponse tumorale... Ce qui est encourageant, vu le type de tumeurs inclues. Reste à peser le bénéfice d’une telle démarche. C’est ce que Safir 2, qui démarre, va s’attacher à évaluer, en comparant l’impact clinique de cette approche personnalisée, versus un groupe contrôle bénéficiant de la meilleure prise en charge standard.
exergue en option :
L’analyse de tout le génome met en évidence, une fois sur deux, une mutation pour laquelle on peut proposer un traitement original
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