Par le Dr Olivier Ingster *
ENVIRON 5 % des cancers colo-rectaux sont liés à des syndromes de prédisposition héréditaire dus à des anomalies génétiques constitutionnelles c’est-à-dire présentes dans toutes les cellules de l’organisme, parmi ceux-ci le plus fréquent est le syndrome de Lynch ou HNPCC (Hereditary Non Polyposis Colorectal Cancer).
Le syndrome de Lynch prédispose non seulement à un risque élevé de cancer du côlon d’environ 40 % chez l’homme et 30 % chez la femme, mais aussi, chez cette dernière, à un risque de 30 % de cancer de l’endomètre et de 7 % de cancer de l’ovaire. Les autres cancers du spectre HNPCC (voies biliaires, intestin grêle, estomac) sont beaucoup plus rares. À 70 ans, un homme ayant un syndrome de Lynch présente un risque de 45 % d’avoir un cancer du spectre HNPCC et une femme un risque de 55 % (1).
Plusieurs éléments doivent faire suspecter un syndrome de Lynch : l’âge jeune du patient, les antécédents personnels et familiaux (il peut s’agir du premier cas de la famille), le type anatomopathologique du cancer, la perte d’expression d’une protéine MLH1, MSH2, MSH6, PMS2 en immunohistochimie et le phénotype RER instable de la tumeur colorectale.
Des recommandations médicales et chirurgicales.
De plus des recommandations professionnelles concernant la surveillance médicale et des recommandations chirurgicales chez les sujets mutés MMR / HNPCC ont été élaborées.
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Les recommandations médicales sont :
- La prise en charge du risque colorectal par une coloscopie tous les deux ans avec coloration vitale à l’indigo-carmin dès l’âge de 20 ans et, lors de la première coloscopie, une fibroscopie gastrique avec recherche de H. pylori.
- La prise en charge du risque gynécologique qui nécessite, dès l’âge de 30 ans, une échographie endovaginale et une biopsie de l’endomètre à réaliser tous les deux ans.
Concernant les recommandations chirurgicales, quatre situations doivent être distinguées en pratique.
• Première situation.
Il s’agit d’un sujet atteint de syndrome Lynch avec une mutation génétique prouvée, mais indemne de cancer ou de polype ou avec des polypes accessibles à une exérèse endoscopique. Dans ce cas, la chirurgie colorectale prophylactique n’est pas recommandée, le suivi gastro-entérologique étant efficace, on met en balance ce suivi avec le risque chirurgical.
• Deuxième situation.
S’il s’agit d’un sujet atteint cancer colique ayant un syndrome de Lynch prouvé génétiquement, la règle reste la colectomie segmentaire avec une surveillance méticuleuse du segment restant. La colectomie subtotale avec anastomose iléorectale peut s’envisager par crainte d’un cancer métachrone plutôt chez les sujets jeunes. S’il s’agit d’une tumeur rectale, deux cas de figure peuvent s’envisager si l’anus est conservé, le choix se faisant entre la proctectomie avec anastomose colo-anale et la coloproctectomie avec anastomose iléo-anale. Ici les sujets jeunes seraient encore ceux à qui on peut proposer une coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale. Les décisions de colectomie totale ou subtotale doivent prises en RCP, en tenant compte de l’âge du patient et en fonction du choix éclairé de ce dernier.
• Troisième situation.
Il s’agit d’un sujet atteint d’un cancer colo-rectal fortement suspect de syndrome de Lynch sans mutation génétique prouvée. Nous n’aurons pas la preuve génétique dans le temps thérapeutique initial. Il faut évoquer cette situation : chez les sujets appartenant à une famille ayant un syndrome de Lynch surtout si le patient est jeune. Il faut demander au laboratoire d’anatomopathologie de réaliser un examen en immunohistochimie de l’expression des protéines HNPCC et un phénotype RER sur les biopsies coliques réalisées lors de la coloscopie. La perte de l’expression d’une protéine MLH1, MSH2, MSH6, si elle correspond à la mutation familiale, peut alors conforter la suspicion de syndrome de Lynch. Les autres situations évocatrices de syndrome de Lynch sont celles où il existe un cancer du côlon distal ou du rectum chez un sujet de moins de 60 ans avec ou sans agrégation familiale ou de cancers appartenant au spectre HNPCC associé à une perte MLH1, ou encore en cas de perte de l’expression des protéines MSH2/MSH6 sur les biopsies coliques quel que soit l’âge au diagnostic. Dans tous ces cas, nous pourrions avoir la même attitude que pour un sujet atteint d’un syndrome de Lynch c’est-à-dire le choix entre une chirurgie colique classique segmentaire et une colectomie subtotale chez des sujets plus jeunes.
• Quatrième situation.
Il s’agit d’un patient où le risque de syndrome de Lynch est faible. L’immunohistochimie montre une perte de l’expression de la protéine MLH1 chez un sujet de plus de 60 ans : il s’agit probablement d’une hyperméthylation du promoteur MLH1. Le choix thérapeutique est celui du référentiel.
En ce qui concerne la prise en charge chirurgicale gynécologique des femmes présentant un syndrome de Lynch, si une intervention est effectuée dans le cadre d’une chirurgie pour cancer colique après la ménopause, l’hystérectomie/annexectomie prophylactique doit être envisagée. Avant la ménopause, l’hystérectomie avec annexectomie prophylactique doit être discutée après réalisation des projets parentaux.
L’oncogénétique est un des éléments de la prise en charge des cancers colo-rectaux. Les règles de la chirurgie sont celles de la chirurgie conventionnelle en dehors des sujets jeunes porteurs d’un syndrome de Lynch à qui l’on peut proposer une colectomie subtotale en cas de cancer du côlon ou une coloproctectomie avec anastomose iléo-anale en cas de cancer du rectum. Quelle que soit la stratégie thérapeutique, il ne faut pas oublier la surveillance minutieuse et régulière des segments colorectaux restants.
L’annonce simultanée d’un diagnostic de cancer colorectal, de la stratégie chirurgicale et oncologique et l’information d’une possibilité d’une pathologie héréditaire donc transmise et transmissible restent un problème extrêmement délicat.
*CHU d’Angers
Références
(1) Dr V. Bonadona - Données ERISCAM.
(2) Chirurgie prophylactique des cancers avec prédisposition génétique : syndrome HNPCC / Lynch (INCa, août 2009) - INCa en ligne Soins/Oncogénétique.
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