LA PHYSIOPATHOLOGIE de la SA reste une énigme, même si des progrès considérables ont été accomplis en trente ans. Le déterminisme génétique de la SA est un fait établi. Le lien entre le gène HLA-B27 et la SA a en effet été décrit dès 1973. Des découvertes récentes éclairent toutefois les mécanismes moléculaires sous-jacents d’un jour nouveau (1). Elles portent sur la génétique de la SA, les cytokines impliquées et la progression structurale.
Les avancées génétiques.
Des études de récurrence familiale ou des études de concordance entre jumeaux mono- et hétérozygotes ont confirmé l’implication du gène HLA-B27, mais aussi le caractère polygénique de la SA, 4 gènes de susceptibilités hors du complexe majeur d’histocompatibilité étant actuellement identifiés. Il s’agit, outre le gène HLA-B27, du complexe de gènes de l’interleukine 1 (IL 1), du gène de l’Aminopeptidase Regulator of TNFR1 Shedding (ARTS-1) et du gène du récepteur de l’interleukine 23 (IL-23 R). ARTS-1 est une aminopeptidase qui permet la mise en forme des peptides pour la présentation par les molécules HLA de classe 1, mais également de cliver les récepteurs du TNF, de l’IL-1 et de l’IL-6 et d’induire ainsi la libération de récepteurs solubles de ces cytokines. TF Brionez et JD Reveille ont précisé les mécanismes moléculaires au sein de la cellule présentatrice de l’antigène (2). Les cellules présentatrices de l’antigène peuvent être des macrophages ou des, lymphocytes Th (« T-Helper ») CD4+. Elles synthétisent la chaîne lourde de l’HLA B27, qui se replie secondairement sous l’influence de protéines chaperonnes afin de former le complexe HLA-bêta 2 microglobuline. ARTS 1 clive des fragments peptidiques viraux ou bactériens digérés par le protéasome pour former avec le complexe HLA-bêta 2 microglobuline un complexe qui, devenu ainsi trimérique, est présenté à la surface cellulaire. La découverte de ARTS 1 permet de défendre les hypothèses physiopathologiques spécifiques de l’antigène pour expliquer le rôle de HLAB27 : possible peptide arthritogène ou mécanisme de mimétisme moléculaire. Dans cette dernière hypothèse, après clivage des fragments peptidiques, ARTS 1 induirait une rupture de tolérance en présentant des protéines du soi. Il existe aussi des hypothèses physiopathologiques non spécifiques de l’antigène, en particulier celle du « misfolding » (anomalies de repliement) de la chaîne lourde de HLA B27. Ces différentes hypothèses ne s’excluent pas les unes les autres.
L’axe IL 17 - IL 23, clé possible de la physiopathologie de la SA.
Le rôle de l’IL 23 a été récemment précisé par l’étude de polymorphismes (SNP, pour Single Nucleotide Polymorphisms) sur génome entier. En effet, une association significative a été mise en évidence entre le gène de l’IL23 R et la maladie de Crohn (3), le psoriasis (4) et, encore plus récemment, dans le rhumatisme psoriasique (5). L’axe IL 17 - IL 23 semble être la clé de la physiopathologie de la SA. En effet, les lymphocytes T CD4+ naïfs peuvent se différencier en 4 types différents, Th1, Th2, TReg et Th17(6). L’IL 23 permet le maintien de la réponse Th17. Ce lymphocyte Th17 est au cur des mécanismes immuns et auto-immuns (7). En effet, il sécrète de l’IL-17, du TNF alpha et de l’IL-6, il possède une action pro-inflammatoire, il favorise la costimulation des lymphocytes T et favorise la maturation des cellules dendritiques. Il génère ainsi une inflammation articulaire, cutanée et digestive, des lésions cartilagineuses et des érosions osseuses. L’IL 23, quant à elle, est une cytokine pro-inflammatoire composée de deux sous-unités dont l’une, p40, est commune avec l’IL 12. Elle permet le maintien de la réponse Th17.
Des progrès thérapeutiques cliniques …
Un anticorps monoclonal anti-IL 12/23 dirigé contre la sous-unité p40, l’ustekinumab, a d’ailleurs fait la preuve de son efficacité majeure dans le psoriasis (8) et dans le rhumatisme psoriasique, dans lequel la réponse est rapide, importante et durable (9). Sur le plan de la progression structurale, son évolution est lente et ne concerne qu’une partie des patients. Les facteurs pronostiques de cette progression sont cliniques (durée de la maladie et atteinte des hanches), biologiques (taux de MMP3 pour matrix metalloproteinases 3) et radiologiques, en particulier la présence de syndesmophytes. La question actuelle est de savoir si la présence d’inflammation sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet de prédire l’apparition ultérieure de syndesmophytes radiologiques. Pour l’instant, on sait que, même si la majorité des syndesmophytes apparaissent au niveau de sites non inflammatoires, ils surviennent préférentiellement sur des angles vertébraux enflammés (10). Ces résultats, apparemment discordants, plaident pour l’hypothèse du découplage entre l’inflammation de la SA et la formation de l’ankylose osseuse (11). A la suite d’une phase initiale de résorption osseuse sous la dépendance de l’inflammation, TNF- dépendante, comme dans la polyarthrite rhumatoïde, succéderait une phase de formation endochondrale spécifique de la SA, indépendante du TNF mais impliquant d’autres voies comme celle de Wnt ou celle de la BMP (12). Ainsi, au total, des progrès très récents dans le domaine de la génétique ont permis d’éclairer sous un jour nouveau la physiopathologie de la SA et d’en dégager des applications thérapeutiques.
* D’après un entretien avec le Dr Thao Pham, service de rhumatologie, CHU Conception, Marseille.
Références
(1)Pham, T. Pathophysiology of ankylosing spondylitis : what's new ? Joint Bone Spine 2008 ; 75 (6) : 656-60.
(2) Brionez TF, Reveille JD. The contribution of genes outside the major histocompatibility complex to susceptibility to ankylosing spondylitis. Curr Opin Rheumatol 2008 ; 20 (4) : 384-91.
(3) Duerr RH, et coll. A genome-wide association study identifies IL23R as an inflammatory bowel disease gene. Science 2006 ; 314 (5804) : 1461-3.
(4) Cargill M, et coll. A large-scale genetic association study confirms IL12B and leads to the identification of IL23R as psoriasis-risk genes. Am J Hum Genet 2007 ; 80 (2) : 273-90.
(5) Rahman P, et coll. Association of Interleukin 23 Receptor Variants with Psoriatic Arthritis. J Rheumatol 2009 ; 36 : 137-40.
(6) Coffman RL. Origins of the TH1-TH2 model : a personal perspective. Nat Immunol 2006 ; 7 : 539 - 41. (7) Bettelli E, et coll. T(H)-17 cells in the circle of immunity and autoimmunity. Nat Immunol 2007 ; 8 (4) : 345-50.
(8) Leonardi CL, et coll. Efficacy and safety of ustekinumab, a human interleukin-12/23 monoclonal antibody, in patients with psoriasis : 76-week results from a randomised, double-blind, placebo-controlled trial (PHOENIX 1). The Lancet 2008 ; 371 (9625) : 1665-74.
(9) Gottlieb A, et coll. Ustekinumab, a human interleukin 12/23 monoclonal antibody, for psoriatic arthritis : randomised, double-blind, placebo-controlled, crossover trial. The Lancet 2009 ; 373 (9664) : 633-40.
(10) Baraliakos X, et coll. Progression of radiographic damage in patients with ankylosing spondylitis: defining the central role of syndesmophytes. Ann Rheum Dis 2007 ; 66 (7) : 910-5.
(11) Diarra D, et coll. Dickkopf-1 is a master regulator of joint remodeling. Nat Med 2007 ; 13 (2) : 156-63. (12) Sieper J, et coll. Critical appraisal of assessment of structural damage in ankylosing spondylitis : Implications for treatment outcomes. Arthritis Rheum 2008 ; 58 (3) : 649-56.
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