PAR LE DR PATRICK LEBLANC
« L’ARTICLE intitulé « Dépistage de la trisomie 21 : de nouvelles modalités pour les femmes enceintes » (« le Quotidien » du 29 novembre) souligne des contraintes auxquelles sont soumis les professionnels de la grossesse. Et il ravive aussi des questions cruciales, touchant l’essence de nos métiers, qu’il faut impérativement soulever avant le très prochain débat sur la bioéthique.
Dépister plus et plus tôt… Une efficacité de l’ordre de 85 % avec une réduction aux environs de 5 % des prélèvements invasifs, tels sont les objectifs de la nouvelle stratégie de dépistage ou méthode combinée du 1er trimestre mise en place depuis un an. Des critères stricts – normaux sur le plan scientifique – sont exigés à la fois du biologiste et de l’échographiste qui se voit décerner un « label-qualité-trisomie 21 » avec numéro d’agrément et code-barres figurant sous son nom au sein d’un réseau de périnatalité. D’abord cette méthode de dépistage réalisée entre 11 et 14 semaines d’aménorrhée (SA) deviendra très rapidement obsolète dans de prochaines années avec l’étude annoncée du séquençage du génome fœtal par simple prise de sang maternel dès la 11e SA. Mais surtout, ces techniques et leur accélération sont-elles synonymes de progrès médical ? Avec 96 % d’élimination des fœtus détectés porteurs de la trisomie 21, la France détient un véritable record mondial ! Il existe bien une relation inéluctable entre dépistage et élimination de fœtus dont l’anomalie chromosomique n’est pourtant pas létale. Imaginait-on en arriver à un tel résultat après 15 ans d’encadrement de ces pratiques par la loi de bioéthique ?
Des contradictions flagrantes.
Le chiffre de 96 % avait alerté François Fillon qui, dans sa lettre de mission remise au Conseil d’État en février 2008, avait interrogé les Sages pour savoir si « les dispositions encadrant ces pratiques (du diagnostic prénatal) garantissent une application objective du principe prohibant toute pratique eugénique ». Il s’agissait d’un rappel explicite de l’article 16-4 du Code civil. Or, dans le projet de loi bioéthique récemment présenté en conseil des ministres, le gouvernement semble surtout préoccupé par la qualité de l’information délivrée aux femmes enceintes. Mais cette information ne peut seule permettre de corriger la dérive eugénique constatée qui ne fera que s’accélérer ensuite. En effet aucune autre disposition n’est prévue dans la loi. Ainsi, nous, les gynécologues-obstétriciens, n’avons à proposer à nos patientes que le choix entre une prise de risque et le principe de précaution. En nous demandant de dépister plus et plus tôt pour éliminer plus, nous sommes devenus les agents d’un nouvel eugénisme organisé par l’État. Plus de 800 000 femmes enceintes chaque année ainsi que les gynécologues-obstétriciens et les sages-femmes sont donc captifs d’un système de dépistage aux lourdes implications médico-légales et éthiques qui engagent sérieusement l’avenir de nos professions et de notre société. Tandis que l’État n’envisage aucune politique de recherche thérapeutique sur le handicap mental, la pérennisation du dispositif actuel avec pour seule issue possible, l’IMG, n’est en réalité qu’une solution de détresse dont on peut s’interroger sur le coût réel au fil des générations. Rappelons enfin que 800 000 tests sériques maternels par an représentent une véritable manne pour des firmes de génie génétique. Serions-nous alors également les futurs captifs d’un juteux marché économique ? Car - n’en doutons pas – d’autres tests de dépistage suivront celui de la trisomie 21...
Nous ne pouvons pas nous taire car nous sommes pris dans un étau. Nous observons d’ailleurs une vraie prise de conscience après les constats alarmants établis par les Prs Mattei, Sicard, Sureau, Testart, Nisand etc. Avec déjà 150 professionnels de santé, nous avons constitué un Comité pour sauver la médecine prénatale. Notre objectif : ouvrir un débat au sein de nos spécialités mais aussi avec le grand public et faire parvenir au législateur un autre point de vue que le discours dominant. C’est la raison de l’appel que nous lançons aujourd’hui sur sauverlamedecineprenatale.org. »
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