DE NOTRE CORRESPONDANTE
L’OBÉSITÉ, mesurée par l’indice de masse corporelle (IMC), est un facteur de risque majeur pour de nombreuses maladies, dont les maladies cardio-vasculaires et le diabète de type 2. Bien que son caractère hérréditaire soit élevé (facteurs génétiques expliquant 40 à 70 % de la variation du risque d’obésité dans la population), les gènes impliqués restent largement inconnus.
De plus, l’obésité abdominale ou l’accumulation de graisse dans la région abdominale, mesurée par le rapport tour de taille/tour de hanche (RTH), est associée à la maladie coronarienne et au diabète de type 2, indépendamment de l’IMC. Ainsi, les silhouettes en forme de pomme (obésité abdominale) sont associées au risque coronarien et métabolique, tandis que les silhouettes en forme de poire (accumulation de graisse sur les fesses et les hanches) seraient plus protectrices. Bien que l’héritabilité du RTH se situe entre 22 et 61 %, peu de variants génétiques influençant ce trait ont été identifiés.
- Obésité : régulation de la satiété et de l’appétit
« Grâce aux études génomiques d’association, dans lesquelles nous recherchons au sein du génome humain des variations de gènes associées au risque d’obésité, nous avons pu identifier des variants de susceptibilité à l’obésité », explique au « Quotidien » le Dr Ruth Loos (Institut des sciences métaboliques, Cambridge, Royaume-Uni), qui a dirigé l’une des 2 méta-analyses du consortium GIANT (Genetic Investigation of Anthropometric Traits), un consortium regroupant environ 400 chercheurs de plus de 289 instituts de recherche dans le monde.
« La première identification d’un locus de susceptibilité à l’obésité, en 2007, fut le locus FTO. Au cours des deux dernières années, en augmentant les tailles des échantillons étudiés, nous avons pu identifier 13 autres variants associés au risque d’obésité (dont MC4R, TMNM18, GNPDA2, BDNF, NEGR1, SH2B1, ETV5, MTCH2 et KCTD15), ainsi qu’un variant associé au RTH (LYPLAL1). Dans les deux nouvelles études, nous avons encore élargi la taille de nos échantillons a près de 250 000 individus (d’origine européenne et provenant d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Australie), ce qui a conduit à la découverte de 18 loci supplémentaires pour l’obésité (IMC) et 13 nouveaux loci pour la répartition de graisse (RTH). Cela représente un immense bond en avant. »
Au total, 32 loci de susceptibilité à l’obésité et 14 loci modulant la répartition corporelle des graisses ont donc été identifiés à ce jour.
Parmi les loci liés À l’IMC, figure un variant du nombre de copies près du gène GPRC5B ; certains loci (MC4R, POMC, SH2B1, et BDNF) sont situés près de régulateurs hypothalamiques importants de l’équilibre énergétique et un de ces loci réside près du gène GIPR, codant pour un récepteur incrétine, ce qui suggère que la variation postprandiale de l’insuline pourrait contribuer au développement de l’obésité.
La plupart des nouveaux loci identifiés hébergent toutefois peu ou pas de gènes qui sont connus pour être liés à la régulation du poids, ce qui reflète notre compréhension encore limitée de la biologie de l’IMC. La recherche des variants en cause pourrait donc apporter de nouveaux aperçus sur la biologie de l’obésité.
« Au niveau de la population, ces nouveaux loci nous permettent d’identifier des individus très susceptibles à l’obésité, et d’autres qui le sont peu. De fait, les individus hautement susceptibles du fait qu’ils aient hérité de leurs parents de nombreux variants génétiques élevant l’IMC, pèsent en moyenne 7 à 9 kilos de plus que ceux qui ont hérité peu de ces variants », précise le Dr Loos. « Toutefois, ces 32 variants ne peuvent pas procurer un test génétique pour prédire si un bébé développera ou non une obésité. »
- Rapport taille/hanche : développement et distribution du tissu adipeux
Parmi les 14 loci liés au rapport taille-hanche (RSPO3, VEGFA, TBX15-WARS2, NFE2L3, GRB14, DNM3-PIGC, ITPR2-SSPN, LY86, HOXC13, ADAMTS9, ZNRF3-KREMEN1, NISCH-STAB1 et CPEB4, LYPLAL1), 7 présentent un net dimorphisme sexuel, tous ayant un effet plus fort sur le RTH chez les femmes que chez les hommes.
Pour le Dr Kari Stefanson (deCODE, Islande), « l’aspect peut-être le plus remarquable de ces résultats est que nous avons pu découvrir un aussi grand nombre de loci liés au RTH qui sont indépendants de l’IMC. La plupart des loci de l’IMC apparaissent affecter les processus centraux et neuronaux qui régulent la satiété et l’appétit. En revanche, les loci du RTH semblent être impliqués dans le développement et la distribution du tissu adipeux. Par conséquent, la génétique semble nous indiquer des différences biologiques entre deux composantes de la régulation du poids - combien de calories nous mangeons, et comment et ou les calories sont stockées sous forme de graisse. Autre point intéressant, de nombreux loci du RTH montrent un effet nettement plus grand chez les femmes que chez les hommes, une distinction qui est beaucoup plus forte ici que pour n’importe quel autre trait ou maladie étudiés jusqu’à présent ».
- Ce n’est qu’un premier pas
« Chacun de ces nouveaux variants identifiés pourrait conduire à la découverte de nouvelles voies biologiques qui sous-tendent le développement de l’obésité, ce qui nécessitera de nombreuses années de recherche », estime le Dr Loos.
Cette avancée n’est qu’un premier pas. Les 32 variants d’obésité et les 14 variants de répartition corporelle de graisse n’expliquent qu’une fraction de la variation génétique observée dans la population (6 à 11 % pour l’IMC, et 1,34 % du RTH chez les femmes). Les chercheurs estiment que plus de 250 autres loci de variants communs ayant le même effet modeste sur l’IMC que ceux identifiés dans l’étude restent à découvrir (en poursuivant les signaux d’associations ou en élargissant l’étude génomique d’association).
Nature Genetics, 10 oct 2010, Consortium Giant, DOI: 10.1038/ng.685, DOI: 10.1038/ng.686
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