Croissance et système immunitaire, les effets héréditaires du mode de vie et de l’habitat

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Publié le 30/11/2015

Crédit photo : AFP

Un mode de vie, urbain ou rural, a un impact sur l’épigénétique, c’est-à-dire sur la manière dont nous exprimons notre patrimoine génétique, selon une étude publiée dans « Nature Communication », avec pour conséquence une modification héréditaire de la taille et de la minéralisation osseuse.

Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs du CNRS et de l’Institut Pasteur ont dû partir loin, jusqu’en Afrique centrale où vivent les populations de chasseurs-cueilleurs pygmées et d’agriculteurs bantous. Les Pygmées et les Bantous sont deux groupes qui se sont séparés il y a environ 60 000 ans et ont désormais des modes de vie très différents. Les chercheurs ont travaillé sur un groupe particulier d’agriculteurs bantous installés dans la forêt, qui partagent le même environnement que les Pygmées. Ils ont constaté des différences au niveau de l’épigénome, c’est-à-dire au niveau des modifications de l’ADN qui modulent l’expression génétique.

Agriculteurs contre chasseurs-cueilleurs

Les chercheurs ont d’abord comparé les niveaux de méthylation du génome des Bantous forestiers avec celui des Bantous urbains et ruraux. La méthylation de l’ADN consiste en une fixation de groupements méthyles : plus un gène est méthylé, moins il sera exprimé. Les auteurs ont observé que le changement récent d’habitat avait provoqué des modifications de l’épigénome, concernant principalement les fonctions du système immunitaire.

En parallèle, ils ont comparé les méthylations des populations forestières de Pygmées et de Bantous, afin d’évaluer l’impact du mode de vie (agriculteurs contre chasseurs-cueilleurs). Ils décrivent des différences affectant cette fois l’expression des gènes du développement. Ces changements affectaient les caractéristiques physiques qui différencient les Bantous des Pygmées.

En théorie, les changements de l’épigénome ne sont pas transmissibles d’une génération à l’autre, mais les chercheurs ont prouvé que les changements historiques qui différenciaient les deux populations forestières étaient héréditaires.

Ces résultats expliquent en partie certaines prédispositions aux maladies. « Notre étude montre que les changements de mode de vie et d’habitat influencent fortement notre épigénome, et que l’urbanisation a un impact important sur les profils épigénétiques du système immunitaire, explique Lluis Quintana-Murci, directeur de l’unité de génétique évolutive humaine de l’Institut Pasteur, ceci souligne l’importance de s’intéresser, en complément des études de génétiques plus classiques, à la façon dont les changements épigénétiques pourraient créer un terrain immunitaire plus propice au développement de maladies auto-immunes, d’allergies, d’inflammations », poursuit-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr