À QUAND des traitements efficaces dans le syndrome de Gilles de la Tourette ? Bientôt peut-être, si l’on s’en réfère à des neurogénéticiens de l’université de Yale. En identifiant une mutation familiale du système histaminergique, les chercheurs dirigés par le Dr Matthew State apportent en effet du grain à moudre pour une nouvelle hypothèse de recherche pharmacologique dans cette maladie stigmatisante : la piste de la neurotransmission histaminergique. Le père et les huit enfants atteints de troubles locomoteurs et de tics verbaux présentaient tous une mutation fonctionnelle rare du gène codant pour une enzyme de synthèse de l’histamine, le gène HDC. Des travaux précédents, en particulier chez la souris, avaient déjà mis en avant le rôle du neuromédiateur et de ce gène dans la symptomatologie. Ainsi des souris mutées HDC-/-, dont les symptômes étaient apparentés au syndrome de la Tourette, ont été améliorées par des agents pharmacologiques ciblant la neurotransmission histaminergique. D’où le ferme espoir de saisir enfin une approche prometteuse pour l’équipe de Yale au vu de la convergence de leur découverte génétique, des données chez l’animal et de l’existence d’agents pharmacologiques adéquats.
Un père et huit de ses enfants
Comme démontrée dans d’autres troubles complexes, la découverte d’un gène de prédisposition familiale peut aider à éclaircir des mécanismes moléculaires de la maladie. Compte-tenu de l’hétérogénéité génétique rattachée au syndrome de la Tourette, les généticiens américains ont voulu travailler sur des cas familiaux à transmission mendélienne. L’équipe de Yale a ainsi étudié une famille sur deux générations, dont neuf membres atteints à ce syndrome. L’arbre généalogique était indemne de toute consanguinité. Ainsi le père et huit des enfants présentaient les critères du syndrome tel que décrit dans le DSMIV-R. Le fait que la branche maternelle ne soit pas touchée fait penser que le syndrome est de transmission autosomale dominante. Trois membres, dont le père, avaient également un trouble obsessionnel compulsif.
L’analyse du génome s’est déroulée en plusieurs étapes : génotypage, reséquençage, variabilité du nombre de copies d’un gène. Au vu de l’ensemble de ces données, il est ressorti que la mutation W317X du gène HDC est extrêmement rare dans la population générale et que la perte de fonction de ces allèles est très inhabituelle. L’arbre familial était surprenant par le nombre de sujets malades et le nombre élevé de fausses couches (7 événements dans le couple). C’est pourquoi afin de rechercher une mutation hétérozygote expliquant la coségrégation préférentielle d’un haplotype paternel, les chercheurs ont réalisé l’analyse haute-résolution de la variabilité du nombre de copies d’un gène chez les deux parents. Mise à part la mutation W317X chez le père, aucune autre variation de séquence ni de structure n’a été retrouvée. Pour confirmer le mécanisme négatif dominant de cette mutation, les chercheurs ont combiné in vitro des variants mutés HDC et variants sauvages, puis utilisé la chromatographie liquide et la spectrométrie de masse pour mesurer la dose d’histamine produite. Les scientifiques ont constaté qu’en effet la protéine mutée avait bien un effet dominant négatif.
Des composés en développement
Si l’on pense que la part génétique est forte dans le syndrome de Gilles de la Tourette, l’hérédité et ses mystères sont pourtant loin d’être encore élucidés, les allèles de risque étant difficiles à identifier. Les traitements actuels visent à diminuer les tics et améliorer des troubles psychiatriques associés, comme le trouble obsessionnel compulsif et le déficit de l’attention avec hyperactivité. Malheureusement, les différentes options thérapeutiques sont limitées et peuvent avoir des effets secondaires gênants. Ainsi les neuroleptiques éliminent rarement les tics, mais au prix d’une forte sédation, d’un ralentissement cognitif et de troubles moteurs. Plus récemment (voir « Le Quotidien », n° 8773 du 20 mai 2010), la thérapie comportementale a donné des résultats d’efficacité équivalente mais sans les effets secondaires. Des antagonistes hautement sélectifs des récepteurs histaminergiques présynaptiques H3R se sont révélés efficaces sur la neurotransmission et les troubles locomoteurs dans un modèle de souris. Plusieurs composés de ce type sont en cours de développement chez l’homme et il y a fort à parier que ces molécules vont être testées à l’avenir dans certaines formes de syndrome de Gilles de la Tourette.
N Engl J Med, 362; 20, 1901-1908, 20 mai 2010.
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