S’il y a bien une maladie en rhumatologie qui souffre d’une mauvaise image, tant auprès du grand public que de nombreux médecins, c’est la goutte ! En effet, beaucoup pensent encore que cette affection a aujourd’hui disparu, qu’elle ne touche que les gros buveurs et les débauchés et enfin, qu’il y a bien assez de médicaments pour la traiter. Pour le Pr Bardin, il est donc grand temps de remettre de l’ordre dans ces images négatives !
Les images fausses sur la goutte ne datent pas d’aujourd’hui !
Si l’on trouve déjà des descriptions de la goutte dans l’Égypte ancienne et à travers tous les âges, c’est toujours en association avec une image de débauche alimentaire et même sexuelle : Ambroise Paré par exemple, parlait de « goutte postcoïtale » ! « Or même si les facteurs alimentaires jouent un rôle important, il faut un terrain génétique sous jacent pour qu’une goutte se déclenche », précise le Pr Bardin. Ainsi, en France, 0,9 % de la population est affectée par cette maladie. Les hommes sont plus souvent touchés que les femmes, ils ont souvent une insuffisance rénale ou reçoivent un diurétique thiazidique pour traiter une hypertension artérielle (l’excrétion d’acide urique est alors perturbée). Les personnes obèses sont également à risque. « Comme cela revient finalement moins cher de mal manger que de manger équilibré, la goutte ne touche plus les riches et les puissants comme c’était le cas du temps des rois ! Sa fréquence est aussi en augmentation, notamment en Asie du sud et en Océanie, pour des raisons génétiques : la goutte y suit probablement les migrations des aborigènes de Taïwan vers les Philippines, le Vietnam, la Malaisie, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que la Nouvelle Calédonie puis la Polynésie. De plus, la malbouffe est récente dans ces contrées, d’où l’apparition de gouttes en masse ces dernières années ».
Au moins 30 gènes de prédisposition répertoriés
Lorsqu’une personne déclare une goutte, on trouve une histoire familiale dans 50 % des cas. « Quand il y a un malade de la goutte dans une famille, les autres membres doivent vraiment surveiller leur poids et limiter leurs apports en bière (du fait de sa richesse en purine), en alcool et en sodas sucrés riches en fructose », insiste le Pr Bardin. C’est d’autant plus important que la goutte n’a rien d’une affection douloureuse bénigne comme beaucoup le croient. « L’accumulation d’urate dans les articulations sous forme de dépôts cristallins chroniques conduit à des lésions destructrices et le gros orteil n’est pas le seul touché : les pieds, les genoux, les mains, le rachis, toutes ces articulations peuvent être sévèrement atteintes. En outre, la goutte constitue un facteur de risque cardiovasculaire important, aggravé par sa fréquente association à une hypertension, un diabète, des dyslipidémies : les goutteux meurent ainsi souvent d’infarctus ou d’accidents vasculaires cérébraux. Faute de le savoir, beaucoup de malades négligent leur traitement. En Angleterre, une étude sur l’observance a montré que seuls 20 à 30 % des goutteux recevaient un traitement hypo-uricémiant : 40 % des goutteux traités le stoppaient au bout d’un an. On se trouve donc face à un paradoxe : alors que la goutte a été l’une des premières maladies à bénéficier d’un traitement efficace ancestral (la colchicine) et que dans les années 1960-1970, sont apparus les hypo-uricémiants capables de guérir la goutte à condition de les prendre sur le long terme, beaucoup de malades sont sous traités (notamment par crainte d’accidents cutanés sous allopurinol) ou arrêtent d’eux-mêmes leurs médicaments, sous-estimant la gravité de cette affection. Et comme l’intérêt académique et l’enseignement de la goutte se sont évanouis dans les années 1980, la goutte chronique tophacée qui avait quasi disparu, commence à réapparaître, ce qui est vraiment un comble », conclut le Pr Bardin.
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