EN L’AN 2000, 10 millions de dollars n’autorisaient pas à séquencer la totalité d’un génome humain, en 2010, cette somme permettait le séquençage de 200 à 400 génomes humains, a indiqué récemment, le Dr Eric Green, directeur de l’Institut national de recherche sur le génome humain des États-Unis. Le Dr Francis Collins, directeur des Instituts nationaux de la santé américains, prédit, quant à lui, que ce coût tombera en dessous de 1 000 dollars par génome d’ici trois à cinq ans.
Près de 22 000 gènes humains ont été annotés mais aussi le génome entier de nombreux autres organismes, dont une dizaine de mammifères – parmi lesquels trois primates, le chimpanzé, le macaque et l’orang-outan – ont également été déchiffrés. En ce qui concerne le génome humain, il y a eu une avalanche de données qui va en accélérant, mais aussi des surprises, et les effets directs sur la médecine restent pour l’instant limités.
Le Dr Thomas Hudson, président et directeur scientifique de l’Institut pour la recherche sur le cancer de l’Ontario (OICR), à Toronto, au Canada, a participé au projet international de cartographie du génome HapMap. « Les cinq premières années se sont traduites par beaucoup de progrès, dit-il au « Quotidien ». Elles ont permis l’identification de plus de 2 000 gènes associés à des pathologies concernant surtout l’enfance. Ceux-ci ont conduit à de meilleurs diagnostics et pour certains à la conception de nouveaux médicaments. »
Un autre domaine qui a bénéficié des retombées du génome humain est celui du cancer, même si ce n’est « pas à cause de l’analyse de l’ADN du génome des patients mais de celui de leurs tumeurs », commente Thomas Hudson. Le Dr Richard Lifton, directeur du Centre pour la génétique et la génomique de Yale, dans le Connecticut, cite l’exemple du glioblastome multiforme. Une analyse génomique a démontré des mutations du gène IDH1 dans 12 % des cas. Cette mutation est aussi retrouvée dans certains cas de leucémies myéloïdes aiguës. Le gène IDH1 code pour l’isocitrate déshydrogénase 1. « Le produit du gène muté a une activité enzymatique que n’a pas le produit du gène normal, explique Richard Lifton au « Quotidien » ; un inhibiteur du produit du gène muté a donc la possibilité de fournir un traitement non toxique pour le reste des cellules (non cancéreuses). Jusqu’à présent, ajoute-t-il, l’approche de la maladie était plus indirecte. »
Cependant, « dans le domaine des pathologies complexes comme l’asthme et le diabète, cela a été une déception, constate Thomas Hudson. Nous n’avons fait des progrès que depuis deux ou trois ans. »
En effet, s’il a été possible de mesurer des associations entre des mutations ponctuelles ou SNP et certaines conditions complexes, la plupart de ces variations se trouvent en dehors de la séquence des gènes codant pour des protéines. Il a été également constaté que la plupart des SNP associées à des maladies courantes n’expliquent qu’une très faible proportion de la contribution de l’hérédité au risque.
Le génome s’est aussi montré plus complexe que prévu.
Une autre découverte importante faite à partir de 2004 a été celle de phénomènes de délétions et insertions, duplications et réarrangements à grande échelle, pouvant concerner jusqu’à plusieurs milliers de paires de base, appelés variabilité du nombre de copies (CNV). Les CNV apparaissent chez les individus sains mais, dans certains cas, ont aussi été associés à des maladies comme l’autisme et la schizophrénie. Enfin, il est apparu que des événements épigénétiques pouvaient également contribuer aux pathologies.
« Corréler gène et maladie est difficile, précise Thomas Hudson. Il nous faudra comprendre de nombreux génomes. Presque toutes les maladies impliquent plusieurs régions du génome. On commence seulement à appréhender la complexité des changements en jeu. Chaque patient est différent. Nous devons cibler les causes spécifiques. Nous entrons dans l’ère de la médecine personnalisée où une cause particulière ne concerne qu’un très faible pourcentage de patients ».
Une nouvelle alliance.
Et pour ce médecin canadien, la solution viendra d’une nouvelle alliance. « Nous n’avons pas anticipé que la rapidité d’acquisition de l’information génomique augmenterait plus d’un million de fois en dix ans, constate-t-il. La recherche clinique n’a pas évolué aussi rapidement. Il est temps que les cliniciens participent à la recherche. Il est nécessaire de comparer l’ADN de patients pour lesquels il existe beaucoup d’information. »
Mais si l’impact de la connaissance du génome est encore modeste en médecine, les chercheurs s’accordent pour dire qu’un mouvement irréversible a été créé. Pour Richard Gibbs, directeur du centre de séquençage du génome humain, au collège de médecine Baylor, à Houston, dans le Texas, « le séquençage du génome humain a introduit la génomique dans le domaine de la médecine ». Richard Lifton remarque de son côté : « La génétique humaine a changé de façon drastique notre façon de considérer les maladies humaines. L’utilisation de la génomique va affecter la façon dont nous allons établir des diagnostics et des traitements pour le prochain millénaire. »
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