PIERRE BERGÉ avait-il vraiment conscience de l’effet que produiraient ses déclarations l’an passé ? C’est pourtant bel et bien une bombe que le président de Sidaction a jeté dans la mare des associations de patients. Accusant le Téléthon de « parasiter la générosité des Français », il avait plus tard enfoncé le clou en ajoutant qu’« un euro pour le Téléthon, c’est un euro pour les banques ». Scandalisée, l’AFM (Association française contre les myopathies), organisatrice du grand événement de collecte de dons, l’a attaqué en justice pour diffamation.
Aujourd’hui, les propos de Pierre Bergé et le débat qui les ont suivi prennent tout leur sens, à la veille du marathon télévisuel qui démarre vendredi soir. La polémique soulevée par les échanges coup de poing entre les deux grandes organisations caritatives avait poussé le Premier ministre François Fillon à commander au CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) un rapport sur l’accès des associations aux médias. Ce rapport, initialement prévu pour la mi-novembre, sera finalement rendu public début décembre, soit juste après le Téléthon.
Diplomatique, le conseil a souhaité en effet « ne pas polluer la diffusion de ce grand événement », dit-on au CSA, qui tient à rappeler également que « la polémique n’avait pas lieu d’être » et qu’« il n’appartient pas au CSA d’entrer dans l’éditorial des chaînes. Le Téléthon n’est pas ciblé ». Le quotidien « le Figaro » avait en effet avancé début novembre que France Télévisions envisagerait ne pas reconduire l’émission en 2011. Le groupe que préside Rémy Pflimlin avait immédiatement réagi, infirmant cette annonce, reconnaissant tout de même qu’elle réfléchissait à une nouvelle formule. « Nous allons travailler en tenant compte des conclusions du rapport du CSA », avait indiqué la présidence de France Télévisions. De là à dire qu’il n’y aura plus du tout de Téléthon, c’est beaucoup trop tôt ».
Coup de colère des chercheurs.
Cette ouverture des médias à d’autres causes pourrait susciter les convoitises d’autres grandes associations caritatives. La Ligue contre le cancer, par exemple, auditionnée récemment par le CSA, ne cache pas qu’elle « aussi, idéalement, aimerait avoir cette place à l’antenne » et que « Pierre Bergé a soulevé une question qui mérite d’être débattue ». On peut se demander cependant si parler du cancer tout au long d’un week-end serait porteur pour la cause (voir l’avis de l’AFD, l’Association française des diabétiques, en encadré).
Pour couper court aux tergiversations sur la pertinence de la mise en cause du Téléthon, un collectif de chercheurs français a jugé bon de publier un manifeste en faveur du grand événement populaire (chacun peut le lire et y ajouter sa signature sur le site du Genopole : www.genopole.fr).
Plus qu’une pétition, c’est un témoignage, un coup de colère, explique au « Quotidien » le Pr Marc Peschanski, directeur de l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem). « On pensait que cette histoire ahurissante avait cessé mais elle a resurgi début novembre. Des gens disent n’importe quoi, et ce sont des propos qui peuvent avoir des conséquences désastreuses. Nous voulions montrer que les scientifiques ne sont pas divisés. C’est un témoignage, car il exprime la réalité. Nous voulions que le CSA, entre autres, sache que les scientifiques ont une position commune. Et qu’un événement du type Téléthon qui rassemblerait plusieurs causes n’aurait pas la même portée que ce Téléthon réuni autour de l’AFM. »
Pas seulement une histoire de gros sous.
« L’AFM est pour nous un partenaire très particulier au sein de la société française, poursuit le chercheur. Nous tenons à elle et pas seulement pour son soutien financier. À travers le Téléthon, l’AFM a mis les chercheurs à l’avant-garde de la société. Je raconte souvent cette anecdote, qui m’est arrivée personnellement, aux lendemains du tout premier Téléthon. J’étais chez mon coiffeur et il me pose la question d’usage, à savoir ce que je fais dans la vie. Lorsque je lui réponds que je suis chercheur en biologie, il se lance dans une longue tirade pleine de poésie sur la grandeur de notre métier. C’était très émouvant et là j’ai pris conscience de quelque chose. Le Téléthon, c’est notre meilleure défense. L’image de la recherche aujourd’hui en France est différente de celle de nos collègues en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Et je peux vous dire que, là-bas, ils nous envient clairement notre position. »
Quant à la publication du rapport du conseil, le chercheur ne s’en préoccupe pas outre mesure, du moins en tant que tel. « Nous attendons surtout ce que vont en faire les politiques. Il y a des faits, que nous rappelons dans notre témoignage. On ne peut pas comprendre ce qui s’est fait dans la recherche française ces vingt dernières années sans regarder l’AFM et le Téléthon ».
L’an passé, le Téléthon n’a rapporté « que » 95,2 millions d’euros, soit 10 millions de moins que l’année d’avant. Les dirigeants de l’AFM avaient attribué ce recul à la polémique déclenchée par Pierre Bergé. Pierre Bergé et non le Sidaction qui, de son côté fait profil bas et ne fait aucun commentaire sur le rapport du CSA. « Les propos de Pierre Bergé sont les propos de Pierre Bergé », répète-t-on à l’association.
Trente heures de direct les 3 et 4 décembre sur France 2 et France 3. Pour faire un don : tél. 36.37, www.telethon.fr.
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