La prévalence de la maladie de Biermer est estimée à 2 % chez les plus de soixante ans, avec un pic chez la femme âgée (autour de 4 %). Outre l’âge et le sexe féminin, avoir une maladie auto-immune comme un diabète, un vitiligo, une thyroïdite, etc., est considéré comme un facteur de risque. La maladie est probablement sous-estimée, car la classique carence en vitamine B12 associée à la maladie de Biermer, témoigne en réalité d’une maladie ancienne et évoluée. En effet, « la maladie de Biermer est l’aboutissement d’un processus auto-immun - gastrite de type A - conduisant à une gastrite atrophique limitée au fundus avec achlorhydrie résistante à la stimulation, effondrement des débits de facteur intrinsèque et donc, malabsorption de la vitamine B12 puisque ladite vitamine doit être liée au facteur intrinsèque pour être correctement absorbée. Pour autant, il ne faut pas limiter le diagnostic de la maladie de Biermer à cette phase ultime de destruction de la masse glandulaire fundique, mais prendre en considération l’ensemble de ce processus évolutif » rappelle le Pr Cadiot.
Sous diagnostiquée en début d’évolution
Au début, cette affection se présente souvent comme une anémie ferriprive pure. Sachant que 25 % des femmes en âge de procréer sont à risque de carence en fer, ce n’est pas un signe qui attire suffisamment l’attention. C’est pourquoi toute femme ayant une carence en fer sans cause gynécologique retrouvée doit être adressée à un gastroentérologue, en vue d’un avis spécialisé. S’il le juge nécessaire, il réalise une endoscopie digestive haute, avec biopsies du fundus car elle peut permettre de faire la différence avec une anémie ferriprive simple : « en effet, au stade initial de la maladie de Biermer, il existe un infiltrat inflammatoire à cellules mononucléées, caractéristique par son agressivité pour l’épithélium des glandes dont il entraîne la destruction focale et le remplacement par une métaplasie pylorique ou intestinale » précise le Pr Cadiot.
Il faut y associer des biopsies de l’antre à la recherche d’une gastrite à Helicobacter pylori (qui peut aussi induire une carence martiale) et des biopsies duodénales, afin de ne pas passer à côté d’une maladie cœliaque. « La recherche d’anticorps peut aussi être utile au diagnostic, précise le Pr Cadiot. Ainsi, la présence d’anticorps anti cellules pariétales est souvent retrouvée en cas d’anémie de Biermer, sauf lorsque la maladie est déjà bien évoluée. Cependant, il ne s’agit pas d’un signe spécifique. La destruction des cellules pariétales qui sécrètent les ions H+ et le facteur intrinsèque se traduit par une réduction de la sécrétion acide et une hypersécrétion réactionnelle de gastrine : le dosage sanguin de cette dernière est quasi constamment élevé. Mais les autres causes d’hypergastrinémie sont fréquentes, notamment les traitements par un inhibiteur de la pompe à protons. Quant au dosage des anticorps anti facteur intrinsèque, spécifique de l’anémie de Biermer, il n’a d’intérêt qu’en cas de résultat positif en raison d’une sensibilité moyenne (un résultat négatif ne permet pas d’exclure un faux négatif)».
Un risque néoplasique à ne pas négliger
En cas de diagnostic de maladie de Biermer confirmé, il faut rechercher d’office une autre maladie auto-immune. De même, une surveillance endoscopique s’impose tous les trois ans, car il existe un risque associé de cancer, notamment d’adénocarcinome de l’estomac. L’endoscopie peut également retrouver de multiples petites tumeurs endocrines bien différenciées (EC-Lomes - tumeurs endocrines à cellules entérochromaffine-like). Bien qu’exceptionnellement malignes, elles doivent être retirées lorsqu’elles font plus d’un centimètre. « Dans une grande série multicentrique de 152 cas d’EC-Lomes associés à la maladie de Biermer, les tumeurs étaient multiples dans 57 % des cas, de petite taille (‹1 cm dans 77 % des cas, ‹ 2 cm dans 99 % des cas), le plus souvent limitées à la muqueuse ou la sous muqueuse et dans leur grande majorité, sans métastase ganglionnaire ou hépatique. Le risque métastatique est nul pour les tumeurs inférieures à 1 cm, mais non nul pour les tumeurs de plus de 1 cm, bien que ce risque soit probablement très faible. Le traitement repose sur l’abstention chez les sujets âgés et sur l’ablation endoscopique des lésions chez les autres. En revanche, il n’y a pas d’indication à la gastrectomie totale dans cette situation car la morbidité et la mortalité induites par ce traitement sont supérieures à celles des tumeurs » précise le Pr Cadiot. Le suivi porte enfin sur la surveillance annuelle des taux de fer et de vitamine B12. Cette dernière peut être donnée per os à haute dose (en raison d’une mauvaise absorption) jusqu’à correction des déficits, puis en entretien …
D’après un entretien avec le Pr Guillaume Cadiot, CHU Reims.
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