LE CONCEPT de réhabilitation rapide, né au milieu des années 1990, se fonde sur le constat de modifications liées à l’agression chirurgicale. Le stress ainsi induit est en effet à l’origine de modifications physiologiques, hormonales et métaboliques, telles qu’une insulinorésistance ou une baisse de l’immunité, qui ont une fonction réparatrice mais qui favorisent aussi la survenue de complications et ralentissent la convalescence. Les programmes de réhabilitation visent à raccourcir la durée de la convalescence en mettant en place, dès la période préopératoire, des procédures ou chemins cliniques permettant de minimiser les conséquences de l’agression chirurgicale. Ces programmes, élaborés par les chirurgiens et les anesthésistes en collaboration avec les autres soignants, kinésithérapeutes, nutritionnistes, infirmiers, mettent le patient au centre de l’organisation. Ils visent à mettre en œuvre toutes les mesures lui permettant de recouvrer le plus rapidement possible ses capacités, ce qui peut passer par des moyens comme l’immunonutrition ou la réalimentation et le lever précoces, également par des techniques d’anesthésie telle qu’une péridurale thoracique pour une laparotomie par exemple. Les caractéristiques du patient -tabagisme, diabète, imprégnation alcoolique-… sont prises en compte, afin de proposer une prise en charge adaptée. La population cible est ainsi très vaste, et il n’y a que peu de contre-indications hormis le manque d’autonomie en préopératoire. Notamment, le grand âge ne constitue pas une restriction à cette démarche, largement développée dans les pays scandinaves comme le Danemark ou la Suède, et qui a fait la preuve de son efficacité. La chirurgie colorectale est la situation la plus étudiée : réduction du taux de complications et de la durée du séjour hospitalier, sans augmentation du taux de réhospitalisation.
Certains des moyens utilisés, comme l’antibioprophylaxie, sont largement connus en pratique, d’autres moins, comme le recours aux solutions isotoniques riches en carbohydrates en préopératoire immédiat qui permet de limiter la résistance à l’insuline postopératoire. Le lever précoce, qui réduit le risque de complications thromboemboliques et respiratoires et évite la fonte musculaire, joue un rôle majeur dans la récupération des patients. C’est d’ailleurs ce paramètre (délai à une marche de 10 mètres) qui explique en grande partie la moindre durée d’hospitalisation observée aux États-Unis.
La mise en place des chemins cliniques implique toute une réflexion pluridisciplinaire et une remise en cause des habitudes, parfois une réorganisation afin de répartir les ressources humaines autrement. Par exemple, la reprise précoce d’une alimentation orale, qui s’accompagne d’une réduction du taux de complications infectieuses et est en pratique bien tolérée par une majorité de patients, doit être acceptée par l’équipe chirurgicale longtemps soucieuse de protéger l’anastomose digestive par le maintien du jeun. Le choix de la technique et des produits pour l’analgésie postopératoire est important car il conditionne les possibilités de mobilisation, d’alimentation et la qualité du sommeil.
Des recommandations
En France, peu d’équipes proposent cette approche qui a fait l’objet d’un travail de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR) en collaboration avec la Société française de chirurgie digestive (SFCD) ayant abouti à des recommandations.
Ces dernières ont été présentées lors du congrès de la SFAR en septembre dernier et devraient être publiées dans le Journal of visceral surgery avant la fin de l’année. Elles seront également publiées dans les Annales françaises d’anesthésie et de réanimation courant 2 014.
« Suite au succès rencontré dans la préparation des recommandations dans la chirurgie colorectale, la SFAR a décidé de développer des procédures de réhabilitation pour d’autres types de chirurgie », précise le Dr Pascal Alfonsi. Toute une réflexion est menée avec les institutionnels, comme la Haute autorité de santé, la Caisse nationale d’assurance-maladie et les différentes sociétés savantes afin de mettre en place les programmes et lever les freins existant.
« Les implications de la réhabilitation rapide sont aussi d’ordre financier, car si la durée du séjour hospitalier est raccourcie (à moins de 7 jours pour la chirurgie colorectale), l’hôpital ne perçoit que la moitié du GHS (Groupe homogène de séjour), expose le Dr Alfonsi. C’est donc tout le système qui doit évoluer ».
D’après un entretien avec le Dr Pascal Alfonsi, anesthésie réanimation chirurgicale, hôpital Cochin, Paris.
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