FAUDRA-T-IL proposer systématiquement une prophylaxie thrombo-embolique lors des flambées de maladie de Crohn et de recto-colite hémorragique ? Si l’on en juge les résultats d’épidémiologistes de l’université de Nottingham ayant analysé les données du vaste registre britannique General Practice Research Database (GPRD), la réponse est clairement positive. « Le risque thrombo-embolique associé à une poussée d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) est déjà connu en hospitalisation, environ multiplié par un facteur 3, indiquent les auteurs de l’étude. Comme le suggèrent les bons résultats de la prophylaxie réalisée en milieu hospitalier, si nous étions également capables d’identifier les patients à haut risque en ambulatoire, nous serions en mesure de faire diminuer substantiellement la morbidité et la mortalité associées ». Au cours de la période d’étude, si les patients atteints de MICI ont présenté plus de 3 fois plus d’épisodes thrombo-emboliques veineux que des sujets contrôles, il est apparu en effet que le risque était multiplié par plus de 8 lors des poussées et par près de 16 pour celles traitées en ambulatoire.
Pour arriver à ces résultats, l’équipe dirigée par le Dr Matthew Crainge s’est appuyée sur les données du GPRD recueillies entre novembre 1987 et juillet 2001. Les patients atteints d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) étaient appariés à cinq sujets contrôles selon l’âge, le sexe et l’état de santé général.
Prescription de corticoïdes.
La source GPRD est un vaste registre longitudinal, qui a enregistré les données de plus de 8 millions de sujets britanniques de façon anonymisée depuis 1987. Selon les conclusions d’un audit, au moins 95 % des événements médicaux et des prescriptions y sont consignés, et la validité diagnostique a été évaluée adéquate à plus de 80 % pour la maladie de Crohn (94 %), la recto-colite hémorragique (93 %), les poussées (85 %) et les épisodes thrombo-emboliques (83 %). Ainsi, près de 14 000 patients atteints d’une MICI ont été inclus dans l’analyse et appariés à près de 72 000 contrôles, parmi lesquels 139 patients et 165 contrôles ont présenté un épisode thrombo-embolique veineux. Pour identifier les poussées, les épidémiologistes britanniques se sont servis de la prescription de corticoïdes, considérant qu’une nouvelle ordonnance par rapport aux quatre derniers mois définissait la survenue d’une flambée de la maladie.
Choix de la prophylaxie.
Trois niveaux d’activité inflammatoire ont ainsi pu être décrits : une poussée de la maladie, définissant une période à risque de 120 jours après la prescription initiale de corticoïdes ; activité chronique, en cas de prescription de corticoïdes allant au-delà de 120 jours après la prescription initiale ; rémission, période débutant 120 jours après la dernière prescription de corticoïdes. Quant aux événements thrombo-emboliques, c’est-à-dire thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire, ils étaient identifiés par l’un des éléments suivants : prescription d’anti-vitamine K (warfarine) ou d’héparine de bas poids moléculaire dans les 3 mois du diagnostic ; traitement anticoagulant en hospitalisation dans les 3 mois du diagnostic ; décès le mois suivant le diagnostic.
La grande force de l’étude est de s’appuyer sur un registre national de population générale, ce qui permet de généraliser les résultats à l’ensemble des patients atteints de MICI, au moins pour ceux résidant au Royaume-Uni. Si de manière prévisible l’une des limites est l’anonymat des données et l’absence d’accès direct aux patients, il semble que la validité des données n’en soit néanmoins pas altérée. En revanche, le choix arbitraire de 120 jours pour une poussée peut être sujet à caution, puisque la période dite à risque peut varier considérablement d’un individu à l’autre. Quoi qu’il en soit, les auteurs concluent que le risque thrombo-embolique chez les sujets en poussée de MICI doit être considéré en ambulatoire tout aussi sérieusement qu’en hospitalisation. Reste à définir quel type de prophylaxie proposer et pendant combien de temps. Héparines de bas poids moléculaire ? Nouveaux anticoagulants oraux ? Dans un éditorial, des gastro-entérologues de Toronto penchent plutôt pour des traitements non pharmacologiques tels que l’éducation des patients à savoir reconnaître les symptômes et le port de chaussettes de contention.
The lancet, publication en ligne du 9 février 2010.
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