Les carcinomes hépatocellulaires étant de loin les tumeurs du foie les plus fréquentes, les cholangiocarcinomes – qui sont des adénocarcinomes développés à partir de l’épithélium des voies biliaires - ont été un peu négligés. Or les dernières statistiques montrent que leur incidence est en augmentation, sans que l’on sache exactement pourquoi. « On suspecte les stéatoses hépatiques non alcooliques (Nash), le virus de l’hépatite C, les cirrhoses et la surcharge en fer de jouer un rôle dans leur survenue et dans l’augmentation de la fréquence des cholangiocarcinomes » précise le Pr Karim Boudjema.
Cholangiocarcinomes intrahépatiques et périhilaires
Derrière le terme de cholangiocarcinomes, se cachent en fait deux types de tumeurs assez différentes sur les plans diagnostique et thérapeutique. Les cholangiocarcinomes intra-hépatiques sont situés à distance du hile du foie et peuvent évoluer longtemps en silence. Comme ils sont plus souvent diagnostiqués tardivement, il est fréquent qu’ils s’accompagnent déjà de métastases.
Les cholangiocarcinomes périhilaires, qui représentent la moitié des cas, regroupent les cholangiocarcinomes nés dans la lumière des voies biliaires et les cholangiocarcinomes au départ intrahépatique, mais qui se sont développés dans le parenchyme adjacent à la convergence biliaire, pour finir par l’envahir. Ils sont volontiers révélés par un ictère.
Au moindre doute, un patient suspect de cholangiocarcinome doit être adressé à un service de chirurgie hépatobiliaire spécialisé (CHU), seul moyen d’obtenir rapidement, l’ensemble des examens nécessaires au diagnostic. Il n’y a pas de temps à perdre. En l’absence de prise en charge, le pronostic de ces cholangiocarcinomes est très mauvais et il n’y a d’ailleurs pratiquement pas de survivants à deux ans. Si le diagnostic est porté à temps en revanche et qu’une prise en charge est possible, le nombre de survivants à cinq ans, grimpe : 35 % à cinq ans sur une série de 120 patients opérés à Rennes.
La préparation, indispensable avant la chirurgie
« Les cholangiocarcinomes intra-hépatiques s’opèrent (sauf au stade des métastases) et leur pronostic est meilleur lorsqu’il n’y a pas encore de cirrhose, note le Pr Boudjema. Pour autant, il s’agit d’une intervention difficile qui demande donc une très grande habitude de la part de l’équipe chirurgicale, ainsi qu’une bonne préparation du malade en amont. En effet, pour que ce dernier soit apte à supporter une hépatectomie majeure, il faut que la quantité de foie restant soit suffisamment importante. Lorsque ce n’est pas le cas, le chirurgien a deux options : soit demander à un radiologue bien entraîné de réaliser une embolisation portale par voie percutanée, ce qui conduit à l’atrophie de la portion hépatique à retirer et à l’hypertrophie de la portion restante (à préserver). Soit injecter dans l’artère nourricière de la tumeur, des petites billes en verre véhiculant un produit radioactif (de l’Yttrium 90) qui va provoquer l’atrophie de la tumeur et l’hypertrophie du foie non tumoral Ensuite, il faut surveiller durant plusieurs semaines et intervenir lorsque la tumeur devient opérable » poursuit le Pr Boudjema.
Quant à la chirurgie des cholangiocarcinomes périhilaires, elle est aussi complexe car outre une exérèse parfois importante du parenchyme hépatique, il faut en plus envisager la reconstruction de la veine porte, de l’artère hépatique et la dérivation du canal biliaire du foie restant. Pour toutes ces raisons, la mortalité périopératoire est de l’ordre de 10 % et la morbidité, de l’ordre de 50 %.
Enfin, chez un malade encore jeune ayant un cholangiocarcinome mal placé ou trop étendu dans le foie (mais sans métastase), une transplantation hépatique est envisageable selon le protocole de la Mayo Clinic, avec chimiothérapie et radiothérapie locale, associées.
Cholangiocarcinomes intra-hépatiques ou péri hilaires, les deux demandent une surveillance postopératoire très régulière. Outre la surveillance générale, un scanner tous les 6 mois et une échographie abdominale tous les 3 – 4 mois sont utiles pour détecter précocement une récidive. Si tel est le cas, la réintervention lorsqu’elle est possible, constitue l’option la plus efficace…
Dr Nathalie Szapiro
D’après un entretien avec le Pr Karim Boudjema, CHU Rennes.
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