Une étude en population toute récente a montré que l’arthralgie constituait la manifestation extra-digestive la plus fréquente au cours des MICI (29 % des malades), devant l’aphtose (7 %). Parmi les différentes manifestations rhumatismales, les spondyloarthropathies (SA) séronégatives sont au premier plan : observées chez un patient sur trois ayant une maladie de Crohn (MC) et 20 % de ceux atteints de rectocolite hémorragique (RCH).
Les SA périphériques sont de 2 types. Les arthropathies de type 1 d’Oxford, les plus fréquentes, touchent quelques grosses articulations, et évoluent parallèlement à la MICI. Celles de type 2 se caractérisent par l’atteinte de plusieurs petites articulations, elles sont plus rares (4 % des patients), d’évolution chronique sans parallélisme avec la MICI et de mauvais pronostic.
Les formes axiales de SA comportent la spondyloarthrite ankylosante (SpA) et la sacro-iliite isolée. Les SpA concernent environ 2 % des patients avec une RCH et 5 % de ceux présentant une MC. Lorsqu’elle est secondaire à une MICI, la SpA touche presque autant les femmes que les hommes, est moins souvent HLAB27 positive qu’au cours de la SpA primitive, s’accompagne plus volontiers d’autres manifestations extradigestives (uvéite, psoriasis) et évolue plus volontiers vers l’ankylose. La sacro-iliite isolée est plus fréquente, souvent uniquement radiologique (jusqu’à 50 % des patients sur les données scintigraphiques et IRM). Très peu symptomatique, elle concerne plus souvent des femmes, est HLAB27 négative dans 90 % des cas et l’évolution est bénigne.
« Ceci souligne le lien intime existant entre spondylarthropathies et MICI, mis en évidence dans différentes études », rappelle le Dr Florent Gonzalez. Une atteinte des tendons était observée dans une étude en simple aveugle chez 9 patients sur 10 ayant une MICI en rémission versus 1/20 chez les contrôles. À l’inverse, dans une autre étude portant sur des patients ayant une SpA sans signes digestifs, des ulcérations étaient retrouvées une fois sur deux au niveau colique et chez un sujet sur cinq au niveau iléal. Un autre travail, prospectif, montre que 13 % des patients avec SA sans aucune plainte digestive développent une MICI au cours des 2 à 9 années de suivi en cas d’inflammation digestive chronique initiale infraclinique. Enfin, une étude récente rapporte une corrélation entre le degré d’inflammation intestinale et le degré d’activité de la maladie rhumatismale (Basdai), ce qui fait poser la question d’une physiopathologie commune, étayée par des données expérimentales (rôle de la flore intestinale, du tabac, implication de la voie Th17, gène de susceptibilité commun tel que l’interleukine 23).
Au niveau thérapeutique, trois points majeurs doivent être soulignés. Le premier concerne les anti-inflammatoires non stéroïdiens, jusqu’alors proscrits dans les MICI car susceptibles de les aggraver. Deux études récentes battent ce dogme en brèche et ouvrent une porte sur le recours possible aux coxibs (anti-COX2) en cure courte. Le deuxième porte sur les anti-TNF alpha qui pour la plupart sont efficaces sur les deux maladies, intestinales et rhumatismale. Mais selon des modalités particulières, notamment un traitement d’induction aux posologies utilisées en gastro-entérologie, plus élevées qu’en rhumatologie. « Une concertation étroite entre les spécialistes est indispensable », insiste le Dr Gonzalez, avant de rappeler que l’étanercept n’est pas efficace en cas d’associations SA et MICI.
Enfin, le dernier élément concerne l’impact du tabagisme, délétère dans la MC et dans la SA, mais avec un effet dose dans cette dernière (augmentation de l’activité inflammatoire et du risque d’évolution vers l’ankylose) et un effet on/off dans la MC (risque de poussée et de recours à la chirurgie).
Quels médicaments utiliser en cas d’association spondyloarthropathie-MICI ?
Les salicylés sont efficaces dans la RCH, ont un effet modéré dans la MC et aucun sur les atteintes rhumatologiques. La salazopyrine est efficace dans la RCH et l’arthropathie périphérique, mais sans effet dans la MC et le rhumatisme axial.
Les AINS, remarquablement efficaces dans la SA, délétères dans les MICI, sont à éviter. Les coxibs peuvent être utilisés en cures courtes.
Les corticoïdes sont efficaces dans la RCH, la MC et le rhumatisme périphérique et ont un effet modéré dans les atteintes axiales.
Le méthotrexate (MTX) est actif ans la MC, très peu évalué dans la RCH et a un impact modéré dans les atteintes rhumatologiques périphériques.
L’azathioprine est efficace dans la MC et la RCH ; son impact est mal connu (probablement nul) sur les atteintes rhumatologiques.
Les biothérapies n’ont pas toutes le même profil d’efficacité. L’infliximab et l’adalimumab sont actifs sur les atteintes intestinales et rhumatologiques, mais avec la nécessité de fortes doses d’induction dans les MICI. Le golimumab est efficace dans la RCH et les spondylarthropathies, mais n’a pas encore été évalué dans la MC. L’étanercept ne doit pas être utilisé, car il expose à un risque d’aggravation de la MC et n’est pas efficace dans la RCH.
Quelle stratégie en pratique ?
En cas de spondyloarthropathie périphérique de type 1 : le seul traitement de la MICI permet de faire disparaître les arthralgies.
En cas d’atteinte périphérique de type 2 associée à une RCH : anticox 2 en cure courte, puis salazopyrine, éventuellement MTX avant de discuter un anti-TNF (infliximab, adalimumab ou golimumab).
En cas d’atteinte périphérique de type 2 associée à une MC : anticox 2 en cure courte, puis éventuellement MTX avant de discuter un anti-NF (infliximab ou adalimumab).
Enfin, en cas d’atteinte axiale associée à une MICI : anticox 2 en cure courte puis anti-TNF (sauf l’ethanercept).
D’après un entretien avec le Dr Florent Gonzalez, Hôpital St-Eloi, CHRU Montpellier et Polyclinique Grand Sud, Nîmes.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024