L'œsophage de Barrett, ou endobrachyœsophage, se définit par le remplacement de l'épithélium malpighien par un épithélium de type intestinal. Sa définition est endoscopique (aspect modifié du bas œsophage) et histologique (métaplasie intestinale). Son incidence est en augmentation et sa prévalence est estimée entre 1 et 6 % de la population générale. Le risque d'évolution vers un adénocarcinome est de 0,6 %/patient /an en cas de métaplasie, de 2 %/patient/an en cas de dysplasie de bas grade et de 6 à 20 % en cas de dysplasie de haut grade. Ce risque évolutif élevé impose de traiter les dysplasies de haut grade, le traitement de référence ayant été la chirurgie jusqu'à une période récente.
Résection et/ou destruction endoscopique
Cependant, l'œsophagectomie est un geste compliqué, réservé à des centres experts, et qui est associé à une morbidité élevée (30 à 50 %) et à une mortalité de 1 à 5 %.
Des alternatives mini-invasives ont donc été développées comme la résection et/ou destruction endoscopique. La résection endoscopique fait essentiellement appel à deux techniques : la mucosectomie, qui bénéficie d'un recul d'une quinzaine d'années, et la dissection sous-muqueuse plus récente, mise au point par des Japonais il y a une dizaine d'années.
« La mucosectomie, qui peut se faire par ligature élastique ou par capuchon, est une technique fiable, évaluée dans plusieurs études », indique le Dr Gabriel Rahmi. Elle permet une rémission à long terme de la dysplasie et/ou du cancer superficiel dans plus de 95 % des cas, au prix d’éventuelles complications immédiates à type d'hémorragies et de perforations, toutefois bien contrôlées dans la grande majorité des cas. La dissection sous-muqueuse est un geste plus complexe, réservé à des centres experts et pour des lésions de grande taille, qui expose également à un risque de complications hémorragiques et de perforations (de 0 à 10 % dans les études), mais dont l'avantage est de permettre une analyse carcinologique optimale avec un taux de récidive à long terme plus faible que la mucosectomie.
« La limite de la résection endoscopique, lorsqu’elle est circonférentielle, est le risque de sténose cicatricielle, qui concerne plus de 80 % des patients, rappelle le Dr Rahmi. De ce fait, elle est généralement proposée qu'en cas de lésion occupant moins de 3/4 de la circonférence ».
La radiofréquence œsophagienne est la principale technique de destruction endoscopique. Elle consiste en une thermo-ablation superficielle de la muqueuse (sur une profondeur d’environ 800 microns), qui peut être réalisée de façon circonférentielle ou focale. Il s’agit d’une technique relativement simple. Les complications de la radiofréquence à court terme -hémorragies et perforations- sont exceptionnelles et la survenue d’une sténose à distance du geste ne concerne qu’environ 5 % des patients après destruction circonférentielle. Une réponse complète est rapportée dans 90 % des cas de dysplasie. Mais la radiofréquence ne permet pas d'avoir de pièce de résection et donc d’analyse histologique, et n'est pas efficace sur les lésions en relief.
En pratique aujourd'hui, les dysplasies de haut grade, qui doivent toujours être traitées, le sont par radiofréquence en cas de lésion plane et par résection endoscopique en cas de lésion macroscopique. « Il est possible de combiner résection des lésions macroscopiques et destruction des autres lésions planes restantes par radiofréquence, afin de réduire le risque de sténose, précise le Dr Rahmi. Les études montrent que cette approche donne d'excellents résultats à long terme ».
La surveillance après traitement se base sur l'endoscopie et la réalisation de biopsies étagées selon le protocole de Seattle.
Traitement ou surveillance pour les lésions de bas grade ?
Le débat désormais porte sur la place du traitement dans les dysplasies de bas grade. Les recommandations de la Société française d'endoscopie digestive (SFED) préconisent, comme en cas de métaplasie, une simple surveillance endoscopique. Mais des données récentes soulignent les bénéfices du traitement par radiofréquence de ces lésions, dont le risque évolutif vers un adénocarcinome est de 3 à 6 fois plus élevé qu'en cas de métaplasie. Une étude néerlandaise de 2014 a en effet mis en évidence un moindre risque de progression vers une dysplasie de haut grade ou un cancer en cas de traitement par radiofréquence comparativement à la simple surveillance.
Une étude prospective est menée en France sous l'égide de la SFED, et ses résultats sont attendus en 2018 après 3 ans de suivi.
Reste le problème du coût de ces nouvelles techniques (radiofréquence et dissection sous-muqueuse), gourmandes en temps et matériel et actuellement non reconnues par la nomenclature française des actes médicaux.
« À terme, l'évolution devrait se faire vers une meilleure sélection des patients à risque évolutif, notamment grâce au recours à des biomarqueurs, et donc vers une personnalisation de la stratégie thérapeutique », conclut le Dr Rahmi.
D'après un entretien avec le Dr Gabriel Rahmi, hôpital Européen Georges Pompidou, Paris
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