Plusieurs études récentes mettent en évidence un sur traitement non négligeable des sujets fragiles, notamment âgés et/ou insuffisants rénaux. En France, l’équipe du Pr Serge Halimi (Grenoble) a publié l’an passé des premières données très démonstratives sur le bassin de Grenoble. Cette année, OREDIA, une enquête menée en ville chez des diabétologues et des MG, dans toute la France, vient confirmer le phénomène et compléter le panorama.
IR et âge, deux facteurs majeurs d’hypoglycémies sévères
Insuffisance rénale (IR) et âge sont deux facteurs majeurs d’hypoglycémies sévères. L’IR est une cause d’hypoglycémie, même chez le non diabétique, en raison sûrement de la participation du rein à la néoglucogenèse pour mémoire majoritairement hépatique (90 %), mais pas que... Résultat, chez le diabétique, l’IR multiplie par deux le risque hypoglycémique (1).
De son côté, l’âge majore aussi le risque hypoglycémique chez les diabétiques. Dans une étude américaine explorant les causes d’hospitalisation aux urgences des plus de 65 ans pour cause iatrogène, les AVK arrivent en tête, suivis de l’insuline, des antiagrégants et des antidiabétiques oraux insulinosécréteurs. Et, au total, insuline et insulinosécréteurs représentent un quart des hospitalisations pour iatrogénie après 65 ans (2).
Enfin, d’après l’analyse de 100 000 passages aux urgences, les Américains ont estimé à 1,4 % par an le risque d’hypoglycémie sévère chez les jeunes diabétiques, contre 3,5 %/an pour ceux de plus de 80 ans. Ce risque passant même la barre des 5 %/an chez les plus de 80 ans sous insulinothérapie exclusive (3).
« Nous avons donc de sérieux arguments étayant l’idée que l’âge et l’IR sont d’importants pourvoyeurs d’hypoglycémies sévères. Et, bien sûr, c’est encore pire chez le sujet à la fois âgé et insuffisant rénal. Pourtant, comme l’illustre l’étude OREDIA, nombre de sujets sont toujours surtraités », résume le Pr Alfred Penformis (Besançon).
Surtraitement du sujet âgé et IR : alerte !
L’enquête OREDIA a exploré la prise en charge des diabétiques de type 2 de plus de 65 ans. Et l’analyse du sous-groupe de sujets très fragiles, ayant à la fois plus de 75 ans et une IR, est alarmante.
Sur ces près de 1 000 patients (n = 980), nombreux sont largement surtraités en termes glycémiques.
En effet 60 % (n = 579) ont une HbA1c à moins de 7,5 % alors que la cible recommandée est à 8 %. Leur HbA1c moyenne est même à 6,7 % (sic). Parmi eux, 70 % sont sous insuline et/ou insulinosécréteur. Seulement 25 % sont sous ADO en monothérapie, dont un tiers sous sulfamide seul ou glinide seul, c’est-à-dire sous insulinosécréteur seul...
Par ailleurs, quand on examine l’impact de la filtration glomérulaire (FG) sur la prescription, on se rend compte qu’elle n’est pas assez prise en compte. Certes, le taux de sujets sous metformine décroît avec la FG, mais 30 % des IR (Cl ‹ 30 ml/mn) sont encore sous metformine pourtant formellement contre-indiquée. En outre, la posologie moyenne ne varie pas : 1,9 g/j, quelle que soit la FG chez ces plus de 80 ans. Pour les sulfamides, ce n’est guère mieux : 19 % de patients IR sont sous sulfamides, alors que, sans être formellement contre-indiquée, elle est franchement déconseillée d’autant qu’ils ont plus de 80 ans. Quant à l’insulinothérapie, malgré le haut risque d’hypoglycémie de ces sujets, elle est largement prescrite : 64 % d’insulinothérapie chez les IR.
Dernier constat : le taux de recours à des antidiabétiques peu hypoglycémiants comme les anti-DDP4, n’augmente pas avec l’IR, mais au contraire décroît ; alors que, sous réserve d’adapter la posologie à la clairance rénale, ils seraient fort utiles chez ces patients très fragiles.
Inertie et surtraitement : les deux faces d’une même pièce ?
« En pratique clinique, on parle beaucoup d’inertie thérapeutique. Or, à côté de l’inertie, existe aussi manifestement un surtraitement des sujets les plus vulnérables à haut risque d’hypoglycémie, au premier rang desquels les sujets âgés et insuffisants rénaux. Il est primordial de bien personnaliser la cible d’HbA1c et le choix des traitements et de privilégier, sans doute, les ADO les moins à risque d’hypoglycémie chez ces sujets très fragiles. Sans pour autant tomber dans l’excès inverse et laisser dériver les HbA1c au-delà de 8 % », conclut le Pr Penformis.
Entretien avec le Pr Alfred Penformis, Besançon.
(1) Moen MF. Clin J Am S Nephrol 2009.
(2) Budnïtz DS. NEJM 2011
(3) AI Geller. JAMA 2014
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