La démarche d’une Charte de Bon Utilisation de l’insuline basale part du constat que, depuis une dizaine d’années, des progrès importants ont été accomplis par les fabricants d’insuline, aboutissant à la mise sur le marché de formulation d’insulines lentes de bien meilleure qualité que les précédentes : plus longue durée d’action, cinétique plus plate, meilleure reproductibilité des résultats, avec une moindre variabilité des effets glycémiques. Ces insulines basales – la glargine (Lantus) étant la première mise sur le marché, puis la Detemir (Levemir) – ont permis en premier lieu un schéma d’ajustement des doses en fonction des besoins propres à chaque patient, diabète de type 1 comme de type 2. C’est ce qui a été nommé la titration de l’insuline lente, surtout injectée le soir, les doses étant progressivement augmentées de telle façon que la glycémie à jeun soit aux objectifs, en général comprise entre 0,8 et 1,2 g/L. Cette approche concerne principalement les DT2 passés sous insuline.
Plusieurs études en vraie vie ont fait le constat que cette titration est loin d’être réalisée de façon adéquate, avec pour conséquence des résultats glycémiques supérieurs aux objectifs. De nombreux autres points clés sont loin d’être acquis par les patients, ce qui engendre de l’anxiété et affecte sur la qualité de vie, voire aboutit à une dépendance infirmière parfois inutile. Ceci est particulièrement vrai chez les patients les plus âgés. Ainsi, le maître mot pourrait être « éducation du patient » pour qu’il soit aussi autonome et peu contraint que possible.
Une élaboration collégiale
Devant un tel constat, un groupe de diabétologues, libéraux et hospitaliers, a rédigé une liste d’objectifs, les « Dix Commandements » constituant la « Charte de Bon Utilisation de la Basale ». Celle-ci a été ensuite soumise à 500 diabétologues au cours de 29 réunions organisées en diverses régions, qui ont amendé le texte. Puis, celui-ci a été présenté à des « focus group » de patients, réunis sous l’égide de la Fédération Française de Diabétiques qui ont poursuivi le travail et finalisé un document contenant dix grands chapitres et 22 items en tout, jugés indispensables à la bonne prise en charge du DT2 sous insuline basale. Objectif : optimiser les résultats, l’autonomie du sujet, sa qualité de vie, limiter les effets indésirables en particulier les hypoglycémies iatrogènes, parfaire le parcours de soins. En somme, plus que de tabler exclusivement sur la venue de nouvelles thérapeutiques, quoiqu’utiles, faire en sorte de tirer dès à présent le meilleur parti de l’existant.
Les premiers résultats de l’Observatoire L&Vous
L’objectif principal de l’Observatoire L&Vous est de décrire les modalités d’utilisation de l’insuline basale par les patients diabétiques de type 2 en rapport avec les dix items de la charte de bonne utilisation.
Les objectifs secondaires sont les suivants : évaluer l’état de santé holistique – c.-à-d. objectif, subjectif et émotionnel des patients –, l’autonomie ainsi que la satisfaction du patient concernant la prise en charge de son diabète, ainsi que l’impact de la bonne utilisation de l’insuline basale sur son état de santé. In fine, il s’agit de mesurer les écarts avec la « Charte de bonne utilisation de l’insuline basale » et d’identifier les facteurs pouvant les expliquer. Une analyse sera réalisée sur des sous-populations de patients déterminées a posteriori :comorbidités, complications du diabète, âgés de plus de 75 ans, fragilité sociale, isolement, dépendance d’un passage infirmier, etc..
Il est prévu d’inclure au total 2 500 patients ayant un diabète de type 2 traité par une des insulines basales (sans adjonction d’insuline rapide), avec ou sans antidiabétiques oraux. Au moment du symposium en mars 2014, pour les 238 patients qui ont été inclus, des données sont analysables et les premières leçons que l’on peut en tirer sont déjà fort instructives.
De nombreuses informations sont disponibles. Nous n’en rapporterons que quelques-unes qui illustrent bien les aspects positifs de l’insulinothérapie comme les lacunes dans la prise en charge. Les DT2 sont passés sous insuline en moyenne après 11 années (6/10 avant 10 ans et 1/3 dans les 5 premières années), vers l’âge de 62 ans, leur vécu actuel de ce traitement est globalement positif. Ainsi, 60 % se considèrent en bonne ou très bonne santé, près de 7/10 se disent satisfaits de leur vie actuelle, quels que soient l’âge, le niveau de vie et la présence de comorbidités. En revanche, leurs connaissances sur la maladie, les objectifs thérapeutiques et surtout les raisons des choix des soignants, sont mauvaises pour plus de la moitié d’entre eux.
Deux-tiers des patients reçoivent moins de 40 U d’insuline/j et seulement 16 % plus de 50 U/j. Pour 11 %, l’injection est réalisée par un infirmier, et 4 % par un tiers. Pour 7-8/10, l’insuline facilite l’équilibre glycémique et donne le sentiment de se sentir mieux en général. Mais la moitié ont mal vécu l’annonce du passage sous insuline, plus encore l’ont perçu comme le résultat d’une mauvaise observance dans les années ayant précédé, 2/3 affirment qu’injecter l’insuline est une contrainte et que cela peut conduire à une prise de poids.
Toutefois, au travers d’autres questions, la contrainte de l’insuline est dite assez faible, l’injection peu douloureuse, la gêne pour la réaliser en public assez limitée. Ensuite, ces données montrent toute une série de manques : maîtrise technique très imparfaite de l’injection d’insuline et plus encore de l’autosurveillance glycémique, titration de la basale non réalisée dans 50 % des cas, connaissance médiocre des méthodes de conservation de l’insuline et des mesures à prendre lors des voyages, conduites à tenir en cas de maladie intercurrente, etc.
En somme, un maître mot : peu de prise en charge éducative au diagnostic du diabète, et moins encore lors du passage à l’insuline. Ces carences sont d’autant plus dommageables qu’elles ne permettent pas de tirer le meilleur bénéfice de ces « bonnes » insulines basales et confirment que si le vécu global de l’insuline est meilleur que nombre de soignants le croient, il reste encore beaucoup à faire en termes d’éducation thérapeutique et d’organisation des soins, tout à la fois dans l’intérêt des patients, de leur entourage et probablement en réduisant certaines dépenses de santé. Ces données sont très complémentaires de celles de l’étude DAWN 2. Elles ne sont pas aussi exhaustives puisqu’elles ne concernent que le patient lui-même, DT2 sous insuline basale (pas l’entourage ni les soignants), en revanche elle concernera à termes beaucoup plus de patients suivis en France : 2 500 vs. 150. Deux bien belles études riches d’enseignements traçant les voies d’amélioration de la qualité des soins et du bien-être des patients.
Grenoble
Sympo Sanofi. Le point sur la basale 11 mars, 18-20h.
exergue en option :
Tirer dès à présent le meilleur parti de l’existant
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