La télémédecine va-t-elle enfin vraiment pouvoir décoller dans le diabète ? « En tout cas, pour la première fois, nous allons avoir une valorisation nationale de la télésurveillance du diabète. C’est une vraie avancée. Depuis la création de la télémédecine avec la loi HPST de 2010, seulement des expérimentations locales avaient été mises en place avec des financements des agences régionales de santé (ARS). Désormais, nous nous orientons vers des projets à plus large échelle avec un financement de l’Assurance-maladie », indique le Dr Michaël Joubert, diabétologue au CHU de Caen, qui travaille sur le dossier de la télémédecine avec une mission d’expertise pour le compte de la Société Francophone du diabète (SFD).
Cette nouvelle impulsion est rendue possible par un arrêté du 25 avril dernier qui présente le cahier des charges à mettre en œuvre pour toutes les expérimentations relatives à la télésurveillance dans la prise en charge du diabète. Cet arrêté est issu de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 et de l’article 36 de la loi santé adoptée en 2016.
Un important vecteur d'amélioration d'accès aux soins
Cet arrêté précise que la télémédecine constitue un important vecteur d'amélioration de l'accès aux soins. « Elle permet en effet une prise en charge au plus près du lieu de vie des patients et contribue à rompre l'isolement dont sont parfois victimes les professionnels de santé. Elle constitue en outre un facteur d'amélioration de l'efficience de l'organisation et de la prise en charge des soins par l'Assurance-maladie. À ce titre, la télémédecine constitue une nouvelle forme d'organisation de la pratique médicale au service du parcours de soins du patient », indique le texte ministériel.
Les expérimentations se feront avec un système de surveillance de la glycémie capillaire, couplé avec une application pour un smartphone. « La glycémie capillaire est basculée vers l’application. Puis les données du carnet électronique du patient sont envoyées vers un portail internet auquel a accès le diabétologue. De cette manière, il peut suivre l’ensemble de sa cohorte de patients télésurveillés », indique le Dr Joubert, en précisant qu’il ne s’agit pas d’un système de gestion de l’urgence. « C’est davantage un système d’alerte basé sur la fréquence des événements. Par exemple, des alertes pourront être émises si le patient fait trois hypoglycémies dans la semaine. Et si par exemple, il fait une hypoglycémie sévère dans le week-end, le diabétologue sera alerté dès le lundi matin en ouvrant le portail de suivi des patients. Il pourra alors contacter le patient pour faire le point », indique le Dr Joubert. L’arrêté précise ainsi que la télésurveillance a pour objet de permettre à un professionnel de santé incluant ou suivant un patient d'interpréter à distance des données nécessaires au suivi médical du patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à sa prise en charge.
L’arrêté précise aussi le profil des patients (18 ans ou plus) éligibles à un projet de télésurveillance. Il s’agit d’abord des patients présentant un diabète de type 1 (DT1) déséquilibrés, avec une HbA1c supérieure ou égale à 8 % lors de deux mesures réalisées dans un intervalle de temps de 6 mois malgré une mise sous insuline de plus de 6 mois. Il est également possible d’inclure des patients avec un diabète de type 2 (DT2) sous insuline diagnostiqué depuis plus de 12 mois chroniquement déséquilibrés, avec une HbA1c supérieure ou égale à 9 % lors de deux mesures réalisées dans un intervalle de temps de 6 mois malgré une mise sous insuline de plus de 6 mois.
Un patient acteur, une infirmière en première ligne
L’arrêté stipule qu’un programme de télésurveillance doit obligatoirement comporter un programme d’éducation thérapeutique. Son but est de permettre au patient de s'impliquer en tant qu'acteur dans son parcours de soins, de mieux connaître sa pathologie et les composantes de sa prise en charge et d'adopter les réactions appropriées à mettre en œuvre en lien avec son projet de télésurveillance. « On peut penser que cet accompagnement thérapeutique sera assuré par une infirmière. Dans le projet que nous souhaitons mettre en place au CHU de Caen, l’infirmière sera en première ligne. Elle devrait recevoir les alertes, les valider, les confirmer puis, si nécessaire, alerter le médecin diabétologue », indique le Dr Joubert.
Pour ces expérimentations, trois postes de financement ont été retenus par l’Assurance-maladie. Le premier est destiné au professionnel de santé qui va proposer au patient d’entrer dans un programme de télémédecine et qui va assurer la télésurveillance. Il va toucher 110 € par patient et par semestre. Le professionnel qui fait l’accompagnement thérapeutique est rémunéré à hauteur de 60 € par patient et par semestre. Enfin, il y a un financement (300 € par patient et par semestre) pour le fournisseur de la solution technique.
D’après un entretien avec le Dr Michaël Joubert, diabétologue au CHU de Caen
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