« L'anorexie est une vedette médiatique. Il faut élargir le spectre des TCA », exhorte le Pr Nathalie Godart, pédopsychiatre à la Fondation des étudiants de France, et professeure à l'Université Versailles Saint-Quentin en Yvelines.
L'anorexie mentale concerne 1 % des jeunes filles (et 0,3 % des garçons, qui représentent moins de 15 % des anorexiques), et ses formes atténuées, deux à trois fois plus de personnes. La boulimie (avec ou sans vomissement) touche 2 % des femmes. L'hyperphagie boulimique (sans comportement compensatoire), moins connue du grand public, concerne 3 % de la population, aussi des hommes, et s'accompagne, dans la moitié des cas, d'obésité. Et sans que cela soit une pathologie, 20 % des adolescents présentent des TCA, qui se manifestent par des vomissements volontaires, au moins une fois.
« Ce sont entre 360 000 et 900 000 personnes qui souffrent de TCA », assure le Pr Godart. Les conséquences sont lourdes : mortalité, comorbidités (dépression, troubles anxieux, troubles de la personnalité, complications somatiques…), impact sur la vie sociale, familiale, affective, etc., et un vécu tissé de honte et de culpabilité.
La connaissance des TCA doit d'autant moins se limiter à l'anorexie, que les troubles peuvent coexister et se succéder dans une vie, assure le Pr Godart. Ainsi pour une population d'anorexiques donnée, les 2/3 le traduiront par la restriction, 1/3 par la boulimie. 22 ans plus tard, 14 % resteront en sous poids, 70 % rentreront dans la norme, et 19 % verseront dans le surpoids et l'obésité.
Intervention précoce et pluridisciplinaire
Comment expliquer ces TCA ? On peut parler « de cacophonie étiopathique », sourit le Pr Godart, les modèles variant selon les praticiens, et surtout les époques : le XIXe siècle s'aidait des images de la dynamique des fluides, le XXe de l'ordinateur, le XXIe des neurosciences. Les prises en charge ont varié : au XIXe siècle, dominaient les théories aliénistes, remplacées au XXe par le contrat de poids et la séparation familiale, dans un climat marqué par la psychanalyse.
Aujourd'hui une évidence s'impose : la prise en charge doit être pluridisciplinaire avec un aspect somatique nécessaire, et la plus précoce possible, « afin que le sujet ne tombe pas dans une spirale infernale », insiste le Pr Godart.
À la Maison de Solenn, le Dr Corinne Blanchet-Collet, endocrinologue-nutritionniste, insiste sur l'importance du rôle du médecin coordonnateur, garant de la continuité des soins, autour d'un projet de soins individualisés. Il assure l'articulation autour du patient des professionnels y compris les intervenants éducatifs, artistiques, sociaux, et les temporalités différentes (hospitalisation, soins ambulatoires, HDJ, etc.). En cas d'échec d'un suivi ambulatoire assuré par un binôme somaticien/psychiatre, c'est encore le médecin coordonnateur qui décide d'une hospitalisation.
Mais pour améliorer les prises en charge, des filières et des réseaux de soins dédiés aux TCA doivent être encore mieux identifiées au niveau régional. Ce qui devrait aussi faciliter le travail d'orientation du généraliste. L'enjeu sera au cœur du colloque du 9 février prochain, organisé par la Fédération française anorexie boulimie (FFAB) au ministère de la santé, intitulé « Soins et accompagnement pour les personnes souffrant de TCA. De 2015 à 2018, quelles avancées, quelles perspectives ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024