Récemment publiée, l’étude internationale pilote « preuve de concept » incluait 44 patients obèses (IMC moyen 30,8 kg/m2) présentant un diabète de type 2 (DT2) assez mal équilibrés au plan glycémique (HbA1c 9,6 ±1,4 %) et recevant différents traitements (97 % sous metformine et 32 % sous sulfamides). Aucun patient n’était sous injectable et les antiagrégants plaquettaires étaient interdits ou stoppés durant l‘étude. Selon les cas, les traitements antidiabétiques oraux étaient poursuivis à l’identique ou réduits pour éviter des hypoglycémies sous sulfamides hypoglycémiants.
Le principe du Duodenal Mucosal Resurfacing (DMR) était de réaliser sous anesthésie générale par voie endoscopique haute, un « resurfaçage », aussi nommé décapage mécanique ou abrasion de la muqueuse du duodénum, sur une longueur variable (de 9 à 12 cm à partir de la papille). Dans un premier temps, un ballon était introduit afin de réaliser un calibrage puis une « dissection » liquide de la muqueuse. Ensuite, un second cathéter était mis en place pour réaliser l‘abrasion thermique liquide à 90 °C pendant 30 secondes, en évitant toute lésion de l’ampoule de Vater et dégradation des voies biliaires. Sur les 39 patients analysés, des endoscopies et biopsies furent effectuées à 1,3 et 6 mois.
La tolérance du geste était bonne à modérée : 8 patients présentaient des douleurs épigastriques durant deux jours et 3 des sténoses duodénales transitoires après le geste endoscopique de dilatation. Cependant, aucune hémorragie digestive, pancréatite, perforation, malabsorption ou hypoglycémie n’étaient rapportées.
Des premiers résultats encourageants…
Évaluée sur 6 mois, l’évolution du contrôle glycémique était plus favorable entre le 1er et le 3e mois, puis l’amélioration s’estompait un peu à 6 mois. Les effets glycémiques furent plus marqués sur les glycémies à jeun que postprandiales et, sur l’ensemble de la cohorte, l’HbA1c a été réduite de 1,2 % à 6 mois (P < 0,001). Dans la cohorte ayant les abrasions duodénales les plus étendues (9,4 cm) [par rapport au groupe avec des abrasions plus courtes (3,4 cm)], il a été observé des effets plus puissants sur la glycémie ainsi qu’une réduction de l’HbA1c moyenne de 2,5 % à 3 mois (versus 1,2 %) et de 1,4 % à 6 mois (versus 0,7 %). Parmi les patients ayant conservé leur traitement initial inchangé, la baisse de l’HbA1c a été maintenue jusqu’au 6e mois. Bien que « modeste » selon les auteurs, les pertes moyennes de poids à 3 mois (3,9±0,5 kg ; -5 % du poids initial) et à 6 mois (2,5±0,1 kg) étaient significatives, mais non corrélées à la baisse de l’HbA1c.
Les effets plus marqués sur les glycémies à jeun pourraient évoquer une chute de la production hépatique de glucose, comme dans les gestes de chirurgie bariatrique (By-Pass, Roux en Y). Une diminution de l’insulinorésistance, une stimulation du GLP1, des effets transitoires sur l’absorption duodénale ou des changements de flore intestinale pourraient être en cause. En effet, les animaux soumis à un régime riche en fructose et/ou en graisses présentent une croissance importante des cellules de la muqueuse duodénale ainsi qu’une hypertrophie de certaines cellules, notamment celles sécrétant du GIP ou devenues insulinorésistantes. Selon les auteurs, cette « première mondiale » chez l’homme serait très encourageante.
… À prendre avec prudence
Cependant, il convient de rester prudent face aux résultats et à l’avenir de cette technique relativement « invasive ». Une des principales faiblesses de l’étude est l’absence de contrôle des prises alimentaires, ne permettant pas d’exclure un possible effet diététique. D'ailleurs, les sujets ainsi traités ont dû passer par une période d’alimentation semi-liquide pendant 15 jours avant de pouvoir progressivement reprendre une alimentation normale. Ainsi, une restriction calorique ne peut être négligée dans les effets obtenus. En effet, dans plusieurs études, une perte de poids comparable s’accompagnait d’une baisse de l’HbA1c équivalente. De plus, même une seule semaine à très basse calorie peut réduire drastiquement les glycémies. Aujourd’hui, plusieurs autres traitements antidiabétiques, tels que les GLP1-a, peuvent diminuer dans les mêmes proportions l’HbA1c et le poids (lorsque les valeurs de départ sont élevées).
Alors que les bénéfices de cette technique sont transitoires, la réalisation chez un même sujet de plusieurs endoscopies et abrasions pourrait engendrer à long terme des lésions du tractus digestif. En effet, cette procédure dite légère a provoqué quelques effets indésirables non négligeables : environ 10 % de sténoses immédiates après le geste ! Affaire à suivre…
Rajagopalan H, Cherrington AD, Thompson CC, et al. Endoscopic Duodenal Mucosal Resurfacing for the Treatment of Type 2 Diabetes: 6-Month Interim Analysis From the First-in-Human Proof-of-Concept Study Diabetes Care 2016;39:2254–61
Garvey WT. Ablation of the Duodenal Mucosa as a Strategy for Glycemic Control in Type 2 Diabetes: Role of Nutrient Signaling or Simple Weight Loss Diabetes Care 2016;39:2108–10
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