LE QUOTIDIEN : De quoi parle-t-on quand on évoque l’activité physique ?
Pr MARTINE DUCLOS : Avant d’en évoquer les bienfaits, il est important de rappeler ce que c’est. Certains ont parfois tendance à confondre l’activité physique (AP) avec le sport. Or, en France, quand on dit sport, on pense athlètes de haut niveau, transpiration et courbatures le lendemain. Eh bien non ! L’AP n’est pas cela. L’AP, c’est toute dépense énergétique supérieure à la dépense au repos induite par la contraction musculaire. On fait donc de l’activité physique dès que l’on bouge. À la différence du sport, on peut faire de l’AP dans quatre grandes dimensions de la vie quotidienne : le travail, pour les personnes qui ont un travail physique (mais elles ne sont pas majoritaires) ; les déplacements, en utilisant les transports actifs (vélo, marche à pied…) ; les activités domestiques (comme le ménage) ; et, enfin, les loisirs, comme le bricolage, le jardinage, les jeux, etc. Le sport entre dans cette dernière catégorie, mais il n’est qu’une des composantes de l’activité physique.
En quoi l’activité physique est-elle essentielle dans la prise en charge des patients atteints de diabète de type 2 ?
L’AP fait pleinement partie du traitement du diabète de type 2 pour plusieurs raisons. Elle améliore nettement l’équilibre glycémique : en associant endurance et renforcement musculaire, elle permet de faire baisser l’hémoglobine glyquée (HbA1c) des patients de 0,8 %. L’AP a également un impact positif sur les facteurs de risques cardiovasculaires (profil lipidique, réactivité vasculaire, pression artérielle, protection rénale, etc.). Quand on regarde les chiffres, cela ne fait aucun doute : lorsque l’on a un diabète de type 2, faire de l’activité physique permet de diminuer de 30 à 40 % le risque de mortalité globale et de 25 à 45 % le risque de mortalité cardiovasculaire, elle réduit aussi le risque de développer les complications dégénératives liées au diabète. En outre, l’AP permet aussi de limiter la diminution de la masse musculaire. Ce sont des éléments très importants, qui confirment que l’AP est une composante essentielle du traitement du diabète de type 2. Enfin, l’AP améliore la qualité de vie, diminue le risque de dépression, d’anxiété… Elle est bénéfique à tous points de vue !
Les bienfaits de l’AP sont avérés mais la question de son inscription dans le temps demeure souvent épineuse. Comment accompagner les patients sur le long terme ?
Comme évoqué plus haut, il faut rappeler ce qu’est l’AP, pour ne pas effrayer le patient avec un objectif irréalisable. Non, l’AP n’est pas le sport intensif. Ensuite, les points à soulever avec lui sont les suivants : type d’activité physique (endurance, renforcement musculaire ou musculation, assouplissements et étirements) ; durée ; fréquence ; accompagnement par un professionnel de l’activité physique adaptée (APA) ; activité en groupe. Dans tous les cas, il faut expliquer les bénéfices de l’AP au patient et lui proposer un accompagnement sur-mesure si besoin. En effet, il y a les recommandations générales (« au moins 150 à 300 minutes par semaine d’activité d’endurance d’intensité modérée, ou au moins 75 à 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue, ou une combinaison équivalente d’activités d’intensité modérée et soutenue tout au long de la semaine et une séance de renforcement musculaire deux fois par semaine », selon l’OMS)… et la réalité du patient.
Concrètement, quelle méthode appliquer pour répondre au mieux aux besoins du patient ?
Il faut tout d’abord bien connaître son patient, son niveau d’activité physique, son passé, ses envies. Nous devons chercher avec lui les barrières (« je suis fatigué », « j’ai peur de faire un infarctus », etc.) et les leviers (lui expliquer que l’AP défatigue, que cela diminue les risques de faire un infarctus, etc.). Si l’on remarque qu’il n’est pas du tout autonome, il convient de lui proposer une prise en charge par un professionnel de l’AP adaptée, qui va l’accompagner sur le chemin de l’autonomie durant huit semaines, avec un programme progressif, individualisé et varié. Progressivement, le patient va prendre conscience des bienfaits de l’AP. Il va constater qu’il est capable de pratiquer, qu’il est désormais moins essoufflé en montant la petite côte qu’il redoutait auparavant, qu’il est moins fatigué dans sa vie quotidienne. Notre rôle est de nous adapter à notre patient. Ainsi, en percevant les bénéfices et en prenant plaisir à faire de l’exercice, le patient va pouvoir inscrire l’AP dans son quotidien. Un constat valable pour les patients atteints de diabète de type 2 comme pour ceux atteints d’obésité, de maladies cardiovasculaires ou de syndrome métabolique.
Au sein de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité, que vous dirigez, comme dans votre consultation au CHU de Clermont-Ferrand, vous plaidez pour que l’AP soit reconnue à sa juste place. Des progrès ont-ils été réalisés ces dernières années ?
Oui, enfin, les choses bougent. Depuis deux ou trois ans, les pouvoirs publics ont compris l’intérêt de l’AP pour la santé, ce qui n’était pas le cas avant. Après la deuxième expertise de l’Inserm sur les effets bénéfiques de l’AP (2019), les preuves scientifiques sont là. L’explosion des maladies comme le diabète de type 2, l’obésité et les pathologies cardiovasculaires est forcément liée à nos modes de vie. La nutrition en fait partie, certes, mais aussi la question – fondamentale – de la sédentarité. L’inactivité et la sédentarité sont devenues des enjeux de santé publique, dont les politiques se sont saisis, ce dont on peut se réjouir. Stratégie nationale sport santé 2019 – 2024, sport sur ordonnance, maisons sport santé (il y en aura 400 à la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron)… On voit que la situation évolue nettement. Une autre initiative à saluer est la mise en place en ce début d’année 2022 d’un forfait de 200 euros pour les patients atteints de diabète 2. À l’image de ce qui est proposé aux femmes atteintes d’un cancer du sein, ce forfait permet de réaliser un bilan APA (activité physique adaptée), une consultation diététique et/ou psychologique. Enfin, la question du remboursement de l’APA évolue elle aussi : certaines municipalités (comme Strasbourg ou Versailles) mettent en place des actions innovantes, les villes travaillent avec des urbanistes pour améliorer le paysage urbain, les mutuelles font évoluer leurs contrats, de nouveaux outils connectés adaptés aux patients font leur apparition, etc.
En conclusion, quels sont les messages essentiels à rappeler sur l’AP ?
Il ne faut pas s’arc-bouter sur les recommandations officielles, il n’y a pas de modèle uniforme. En effet, un petit peu d’AP (15 minutes/j), c’est déjà mieux que rien. Quand on est très sédentaire (temps passé assis), il est important de se lever régulièrement toutes les heures et de bouger pendant une à trois minutes, tout en diminuant le temps total passé assis (substituer une heure de temps passé assis par jour par une heure d’AP de faible intensité - en une fois ou plusieurs fois - a un effet démontré sur la baisse de la glycémie postprandiale et la sensibilité à l’insuline). Le sujet des bénéfices de l’AP en extérieur est également incontournable : sortir de chez soi, aller dehors, permet tout simplement d’aller mieux (le « syndrome de déficit de nature » est compensé par les effets positifs des parcs sur l’humeur, par la motivation à l’AP). Sur le plan physique, comme sur le plan moral.
* Martine Duclos est également la directrice de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps) et co-présidente de la chaire santé en mouvement
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