Entretien avec le Pr Alfred Penfornis*
LES DIFFICULTÉS liées à l’adolescence peuvent être renforcées par le diabète. Le conflit avec la maladie est pratiquement inévitable ; cette démarche, témoin d’une maturation et d’une recherche d’identité n’est d’ailleurs pas toujours négative. Le diabète peut aussi n’être que la partie visible des difficultés sur laquelle se cristallisent les autres problèmes.
Éviter la rupture du suivi médical.
Certains adolescents donnent l’impression d’être dans une impasse, avec un diabète totalement déséquilibré, des conduites addictives potentiellement dangereuses et un risque de rupture avec l’équipe soignante. « La majorité des adolescents ne se retrouve heureusement pas dans ces situations extrêmes, mais c’est toujours une étape de la vie où le contrôle glycémique parfait est quasi irréalisable. Alors qu’ils deviennent totalement autonomes sur le plan technique pour l’autosurveillance et les injections, c’est la décision de prendre soin de soi et du diabète qui devient problématique, avec bien souvent un rejet de l’encadrement familial et soignant, vécus comme des contraintes », explique le Pr Alfred Penfornis (Besançon).
Ces jeunes n’adaptent pas leur traitement à leur mode de vie, souvent pour « faire comme les autres » et éviter d’être rejetés par leurs pairs. Le diabète les tiraille entre leur besoin d’indépendance et la pression de leur entourage. Leur faire accepter de suivre un traitement maintenant pour éviter les complications à long terme est difficile ; la nécessité d’anticiper en permanence activités physiques et repas ne coïncide pas avec leur envie de vivre au présent et la réalisation immédiate des désirs.
Le diabète peut aussi s’immiscer dans l’orientation professionnelle, avec des situations très difficiles lorsqu’il apparaît tardivement empêchant ainsi le jeune de choisir librement un métier.
Autre préoccupation qui ne s’accorde guère avec l’équilibre glycémique : le risque de surpoids. Il est deux fois plus élevé chez les diabétiques, filles comme garçons, même si le taux est moindre chez ces derniers. « Dans notre file active de 150 patients, 25 % des adolescentes sont en surpoids, dont 9 % sont obèses et 25 % ont un IMC limite », commente le Pr Penfornis. Outre des comportements alimentaires déséquilibrés, les adolescents tendent à zapper des injections d’insuline pour limiter la prise de poids. « Pour les patients et les équipes soignantes, gérer à la fois le diabète et le poids est particulièrement conflictuel et relève du challenge », ajoute-t-il.
De l’écoute, encore et toujours.
La communication est souvent difficile avec les adultes en général et l’autorité que représente à leurs yeux l’équipe soignante en particulier. « Ils ne recherchent pas des informations, dont ils disposent déjà largement. Ils ont besoin d’être écoutés, de pouvoir exprimer leurs émotions, leurs craintes, leurs projets d’avenir. Nous devons être capables de parler de leurs priorités, qui à cet âge ne tournent certainement pas autour du diabète ! Le soignant doit instaurer ou maintenir la relation de confiance, témoigner respect et bienveillance, manifester son soutien et renforcer leur estime de soi. Nous devons pouvoir aborder avec eux tous les sujets, y compris les conduites à risques, qu’il faut encadrer sans pour autant y adhérer », note le Pr Penfornis. Inutile de rappeler l’inutilité voire la dangerosité des leçons de morales, des mesures coercitives ou de l’infantilisation !
On a pris conscience de l’importance de l’environnement psychosocial. Les adolescents chez qui le diabète de type 1 est le plus mal contrôlé connaissent souvent des difficultés familiales, et leur persistance chez le grand adolescent est prédictive de la survenue de difficultés dans la gestion du diabète à l’âge adulte. Le soutien parental reste essentiel dans la prise en charge du diabète à l’adolescence, en ménageant suffisamment d’autonomie et en se faisant silencieux et discret. Des études prévoyant des thérapies familiales ou des actions auprès des parents se montrent favorables pour la prise en charge du diabète.
* Service de diabétologie-endocrinologie, Besançon.
D’après l’entretien avec le Pr Alfred Penfornis et des communications orales du congrès de l’Association française pour le développement de l’éducation thérapeutique (AFDET), février 2013.
Que vivent les adolescentes ayant un diabète de type 1 et étant en surpoids ? Abstract 452.
Les besoins des jeunes adultes ayant un diabète de type 1 : résultats préliminaires d’une recherche qualitative. Abstract 430.
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