La télésurveillance est l’un des cinq axes retenus par le premier décret fondateur de la télémédecine en 2010 (avec la téléconsultation, la téléassistance, la téléexpertise et la régulation médicale). Elle repose sur un échange entre un patient, qui fait remonter ses données de santé sur une plateforme, et un professionnel de santé, qui a accès à ces données afin de lui faire un retour différé après analyse. Raison pour laquelle la télésurveillance n’est pas un outil de gestion de l’urgence. « Dans le diabète insuliné, elle a tout son sens, étant donné qu’il existe de plus en plus d’outils connectés, que ce soient les lecteurs de glycémie capillaire, les capteurs de glucose, les boucles fermées ou encore les stylos connectés. Différentes plateformes permettent de récupérer les informations remontées (quelle dose a été administrée, à quel moment, etc.) et de les présenter de façon la plus claire possible. Certaines agrègent même les données issues de plusieurs systèmes de différentes marques (capteur, pompe à insuline et montre connectée par exemple) », indique le Pr Michaël Joubert, chef du service d’endocrinologie-diabétologie du CHU de Caen.
Grâce à des alertes ciblées, la télésurveillance peut rendre en compte, a posteriori, de la survenue d’évènements aigus, ce qui permet de revoir l’éducation thérapeutique du patient afin de limiter le risque de récidive.
Fin du projet pilote Étapes
La télésurveillance a d’abord été mise en place dans le cadre d’un programme expérimental Étapes, lancé par les autorités de santé et la direction générale de la santé, dans quatre pathologies chroniques dont le diabète insuliné. Commencée en 2018, l’expérimentation devait prendre fin en 2022 pour aboutir à un processus de remboursement mais, comme ce dernier a pris un peu de retard, Étapes est toujours en vigueur actuellement et devrait s’arrêter au cours de l’été 2023.
Les principaux objectifs de cette expérimentation étaient de voir si les professionnels de santé s’appropriaient les outils de télésurveillance, de préfigurer une tarification et d’évaluer la pertinence médico-économique de la télésurveillance, principalement sur la réduction éventuelle des coûts d’hospitalisation. Pour le diabète, on ne sait pas si cet objectif a été atteint car aucune donnée n’a été communiquée. « De petites études académiques, dans lesquelles un certain nombre de centres ont regardé ce qu’il en était chez leurs patients télésurveillés, retrouvent d’excellents résultats, et qui sont homogènes : tous les patients télésurveillés se sont améliorés, avec un bénéfice métabolique et une satisfaction des patients. Quelques rares personnes ont trouvé la télésurveillance intrusive, mais c’était très minoritaire. Elle était proposée pour une durée de six mois, potentiellement renouvelables. Mais, dans le cadre du soin courant, il est question de partir sur des séquences plus courtes, de trois mois renouvelables, suffisantes pour la plupart de nos patients », précise le Pr Joubert.
Le passage de la télésurveillance dans le droit commun pour le diabète insuliné a été acté, mais des négociations sont encore en cours entre les autorités de santé, les professionnels de santé et ceux des dispositifs, concernant la valorisation financière de la télésurveillance. Sont potentiellement concernés 400 000 patients atteints de diabète de type 1 et environ un million de type 2 sous insuline basale et/ou en multi-injections.
Encore des freins en pratique
Il est recommandé que le médecin chargé de la télésurveillance accède aux données d’un patient de façon hebdomadaire. Pour lui faciliter la tâche –car cela peut vite devenir chronophage– les systèmes sont équipés de préanalyses et d’alertes, qui permettent de prioriser les patients qui présentent un déséquilibre glycémique. Ces alertes sont paramétrables pour chacun d’entre eux, au moment de l’inscription dans le parcours de télésurveillance. Une messagerie sécurisée intégrée permet une interaction entre l’équipe soignante et le patient.
Dans le cadre du programme Étapes, les médecins libéraux se sont très peu impliqués, car la valorisation financière n’était pas à la hauteur du temps passé. « La simplification est indispensable si l’on veut qu’ils se l’approprient. La gestion des multiples plateformes est trop complexe à ce jour. Non seulement elles ne sont pas compatibles avec tous les dispositifs connectés, mais en plus elles doivent régulièrement être mises à jour avec les systèmes Androïd ou IOS des portables des patients. Dans un centre comme le nôtre, nous sommes obligés de jongler au quotidien avec quatre plateformes différentes ! Il y a donc urgence à avoir une plateforme unique, pourquoi pas connectée à ‘Mon Espace Santé’ et sur laquelle arriveraient toutes les données récoltées par les dispositifs connectés, quels qu’ils soient », plaide le Pr Joubert.
Exergue : « Il est recommandé que le médecin accède aux données chaque semaine »
Entretien avec le Pr Michaël Joubert, chef du service d’endocrinologie-diabétologie du CHU de Caen
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