Entretien avec le Pr Michel Polak*
SI LE DIABÈTE de type 1 (DT1) de l’enfant semble marginal en nombre par rapport aux 3,9 millions de diabètes de type 2 (DT2) en France, son épidémiologie n’est guère favorable. Cette maladie a considérablement augmenté : de 70 % en Europe en moins de 15 ans. Il concerne actuellement 95 000 enfants et adolescents de moins de 15 ans mais, pour 2020, on se projette à 160 000 cas. Il existe un gradient Nord-Sud : pour la France, l’incidence est intermédiaire avec 15 000 cas mais qui devraient aussi s’accroître de 65 à 70 % d’ici 2020.
Des patients plus nombreux et plus jeunes.
Les registres du DT1 ont été quelque peu délaissés ; en Aquitaine, où ils ont été poursuivis, ils montrent une élévation du nombre de nouveaux cas. L’incidence, de 8/100 000 en 1998, est passée à 13,5/10 000 10 ans plus tard pour tourner actuellement autour de 15/16 pour 100 000. Plus préoccupant : 25 % des DT1 ont moins de 4 ans et la moyenne d’âge au diagnostic est passée de 10,5 ans pour la période 1988-1996 à 8 ans il y a 10 ans ; elle est encore probablement plus faible aujourd’hui.
Des conséquences sanitaires et sociales.
L’existence d’un diabète chez un nourrisson complique singulièrement la vie de la famille. Il faut savoir gérer les refus alimentaires, l’impact de la sieste ; l’admission en crèche est parfois difficile et le suivi d’une scolarisation ultérieure normale dépend surtout de la bonne volonté de tous les intervenants ; si l’école accepte rarement de pratiquer les injections, elle doit être capable de réaliser les glycémies capillaires et de réagir devant une hypoglycémie. La famille est confrontée dans l’immédiat au choc de l’annonce de la maladie chez un enfant très jeune, et trop souvent exposée ensuite à une certaine paupérisation, un des parents devant arrêter ou réduire son activité professionnelle pour assumer les soins à l’enfant.
Sur le plan de l’avenir médical de l’enfant, ce début précoce va faire peser les années d’hyperglycémie prépubertaires qui, même si la prise en charge en limite les conséquences, vont jouer un rôle important dans la genèse des complications au long cours.
L’allongement de la durée du suivi, ainsi que l’augmentation du nombre d’enfants, risquent de faire obstacle dans notre pays à l’application des recommandations internationales rédigées par les experts de l’ISPAD (International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes) : les effectifs soignants n’augmentent pas parallèlement et auront des difficultés à faire face à la demande.
Pour le Pr Michel Polak (Necker, Paris), « le diabète de l’enfant est « une auberge espagnole au service d’une poupée russe » : il nécessite des compétences très variées que ce soit à l’école, à l’hôpital ou dans la famille, mais il n’est bien équilibré que lorsque tout s’emboîte parfaitement. Nous avons certes bénéficié de progrès technologiques, mais ils peuvent vite devenir très chronophages. Ils ne résument pas la prise en charge et supposent toute une organisation et éducation thérapeutique. Nous plaçons tout notre espoir dans la mobilisation des familles, des soignants, dans la meilleure compréhension des mécanismes et la préparation des thérapies du futur. Nous devons aussi sensibiliser les autorités de santé à cette augmentation importante des cas. »
* Responsable du service d’endocrinologie, gynécologie et diabétologie pédiatriques, hôpital Necker Enfants Malades à Paris.
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