PAR LES Drs VINCENT PIERRE-KAHN* et DAVID SAYAG**
APRES LE BOULEVERSEMENT thérapeutique apporté par l’arrivée sur le marché du pégaptanib en 2006 et le ranibizumab en 2007 dans le traitement de la DMLA exsudative, c’est au tour des maculopathies œdémateuses diabétiques ou veineuses de connaître de telles avancées thérapeutiques. Nous verrons, à la lecture de résultats d’études prospectives randomisées récentes, quel visage devrait prendre dans un futur proche la pharmacothérapie des vasculopathies rétiniennes œdémateuses et évoquerons les molécules innovantes à l’essai.
Œdème maculaire diabétique.
Si la photocoagulation maculaire garde une place prépondérante dans le traitement de l’œdème focal, son efficacité reste décevante dans les formes diffuses non tractionnelles. Depuis 2001, les injections intravitréennes (IVT) de triamcinolone ont démontré une efficacité anatomique spectaculaire sur l’œdème maculaire (OM) diffus associée à un gain d’acuité visuelle sensible. Cependant, l’étude DRCRnet démontre qu’elle n’est que transitoire, puisqu’à 2 ans l’acuité visuelle des patients traités par laser devient supérieure à celle du groupe triamcinolone. D’autres stéroïdes intraoculaires – implant d’acétonide de fluocinolone (Iluvien) (figure 1), dont la commercialisation est en cours aux États-Unis, implant de dexamethasone et implant hélicoïdal d’acétonide de triamcinolone-I-vation – sont toujours en cours d’étude. Leur intérêt réside dans l’augmentation de la durée d’action et de l’efficacité des principes actifs tout en diminuant leurs effets secondaires.
Les anti-VEGF sont également largement étudiés dans cette indication. Outre leur meilleure tolérance oculaire, ils semblent également plus efficaces. Le pégaptanib 0,3 mg (Macugen DRSG Study Group) semble efficace puisque les gains d’acuité visuelle seraient de 6,1 lettres à deux ans contre +1,3 dans le groupe témoin, moyennant un minimum de 9 injections et un suivi très régulier. Le ranibizumab est comparé au placebo (RESOLVE, phase II), au laser seul ou en association (RESTORE phase III, READ II phase II). Qu’il soit utilisé en monothérapie ou en association, il paraît plus efficace que le laser à 12 et 24 mois au prix de 7 à 9 injections la première année et de 3 à 6 la seconde. Les gains d’acuité visuelle seraient de 6 à 7 lettres au terme des études actuelles. L’étude DCRnet 2010 confirme la supériorité du ranibizumab sur le laser ou la triamcinolone à 12 et 24 mois en particulier chez le sujet phaque. Le bévacizumab (étude BOLD) apparaît supérieur au laser puisqu’à un an et après 9 IVT, le gain d’acuité serait de 8 lettres contre -0,5 dans le groupe laser. Enfin, d’autres molécules anti-VEGF sont à l’étude (VEGF-trap, Cand 5, MP0112). L’augmentation de leur durée d’action et/ou de leur efficacité est recherchée, afin, notamment, de proposer un traitement aux patients ne répondant pas aux anti-VEGF actuels.
En résumé, le laser garde toute sa place dans environ 20 % des cas (œdème focal essentiellement). Le traitement de première intention dans les autres cas (œdème diffus) doit répondre aux exigences de suivi mensuel des anti-VEGF. Les corticoïdes intravitréens sont actuellement proposés en deuxième intention en cas d’œdème réfractaire, de pseudophakie ou de suivi mensuel non réalisable.
Œdèmes maculaires secondaires aux occlusions veineuses.
Jusqu’à présent, seulement le grid laser était efficace pour améliorer l’acuité des patients atteints d’OM par occlusion de branche veineuse (OBVCR). L’abstention était la règle pour les œdèmes associés à l’occlusion de la veine centrale (OVCR). Aucune des alternatives thérapeutiques chirurgicales jusque-là proposées ont été concluantes (neurotomie radiaire, sheatotomy, vitrectomie, pelage de limitante interne, création d’anastomoses choriorétiniennes chirurgicales ou par photocoagulation).
Les corticoïdes. L’utilisation intravitréenne de triamcinolone non conservée n’a pas montré d’efficacité supérieure au laser maculaire dans les OBVCR (SCORE OBVCR) mais paraît plus efficace que l’abstention dans les OVCR (SCORE OVCR) : à un an, après une moyenne de 2 injections, 26 % des patients traités ont une amélioration de plus de 3 lignes contre 7 % dans le groupe témoin. La dose de 1 mg/0,05 ml semble aussi efficace que 4 mg avec moins d’effets secondaires. La forme galénique de triamcinolone non conservée utilisée dans cette étude n’est malheureusement pas disponible en France. Osurdex vient d’obtenir une AMM en Europe dans cette indication. Cet implant intravitréen biodégradable de dexamethasone 700 µg permet une amélioration significative de l’acuité visuelle des patients traités (OVCR, OBVCR) pendant les trois premiers mois (étude GENEVA) par rapport au groupe témoin. Mais le bénéfice du traitement diminue dès le troisième mois pour s’effacer au sixième, signant une diminution progressive de la disponibilité intravitréenne du produit. La réinjection au sixième mois induit un regain d’acuité visuelle. Cet implant paraît mieux toléré que la triamcinolone en particulier sur le plan tensionnel. L’implant intravitréen non biodégradable de fluocinolone-Iluvien est également à l’étude (FAVOR), sa demi-vie, nettement plus longue, permettrait d’obtenir une efficacité clinique pendant 2 à 3 ans.
Les anti-VEGF. Le ranibizumab 0,5 mg, injecté mensuellement pendant 6 mois chez des patients atteints d’OM secondaire à une OBVCR (BRAVO) ou une OVCR(CRUISE) permet d’obtenir un gain de 3 lignes d’acuité dans respectivement 60 % et 48 % de cas contre 39 % et 17 % dans les groupes témoins. Il semble par ailleurs que l’amélioration d’acuité survienne très rapidement dès la première semaine et qu’elle se poursuive sur 12 mois au prix de 4 injections supplémentaires. La tolérance du ranibizumab semble peu différente de celle observée lors des études princeps MARINA et ANCHOR. Le VEGF-trap (GALILEO/COPERNICUS) est également à l’essai dans ces mêmes indications.
Le traitement pharmacologique des œdèmes maculaires vasogéniques est en plein essor. Sa diversification est impulsée par une industrie pharmaceutique multiple toujours innovante, agressive et anticipatrice. Stéroïdes et anti-VEGF représentent aujourd’hui les principales classes thérapeutiques étudiées. Elles ne devraient logiquement pas s’opposer mais plutôt s’inscrire dans une synergie thérapeutique, de par leur mode d’action propre. L’année 2011 verra l’AMM et la commercialisation d’un certain nombre de ces molécules. Le praticien devra sélectionner le traitement le plus adapté en fonction des caractéristiques cliniques du patient, des effets secondaires attendus et de la fréquence prévisible des retraitements afin d’enrayer au mieux l’évolution de ces maculopathies chroniques.
*Hôpital Foch, Suresnes, et centre Explore Vision, Paris.
**Centre hospitalier intercommunal de Créteil et centre Explore Vision, Paris.
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