En effet, de nouvelles données s’accumulent depuis peu et vont exiger de conduire une authentique personnalisation des traitements et une autre organisation des soins. Récemment, trois éléments ont rebattu les cartes.
Objectifs glycémiques et traitements individualisés
Le premier est la publication du Statement ADA EASD qui a déjà franchi une étape, celle de l’individualisation des objectifs glycémiques (HbA1c) et des moyens de traitement du DT2. Pour ce faire, elle recommande de tenir compte de plusieurs variables et surtout des fragilités : espérance de vie, ancienneté de la maladie, comorbidités (cardiovasculaires et rénales), risque d’hypoglycémies (et la gravité redoutée de leurs conséquences), souhaits des patients et moyens de traitement disponibles. Tout ceci a été repris dans la recommandation de la HAS. Encore faut-il ne pas l’ignorer et prendre le temps d’analyser la situation de chaque patient lors d’un processus rationnel et pas seulement intuitif ! On entend fréquemment lors de FMC, « c’est bien ce que je faisais déjà ! ». Combien de temps prend réellement cette démarche de prise en compte de ces variables ? Puis la co-construction recommandée consistant à choisir avec le patient les objectifs et les traitements ? De plus, la pharmacopée s’est enrichie et les nouveaux antidiabétiques ont des effets différents selon l’ancienneté de la maladie, le poids, la réponse aux traitements antérieurs. Une fois encore, cela implique donc une formation continue obligatoire structurée et du temps en consultation.
Deux études à connaître
Le deuxième élément, plus récent encore, est l’arrivée des résultats remarquables de deux grandes études. L’essai EMPAREG-Outcome (utilisant un antidiabétique l’empaglifozine non encore sur le marché français) a mis en évidence une réduction de plus de 35 % de la mortalité cardiovasculaire (CV) et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque de patients DT2 en prévention CV secondaire. Une autre étude, LEADER (utilisant le liraglutide Victoza®) a aussi montré des effets CV très favorables différents chez des DT2 à très haut risque. Il s’agit dans les deux cas d’effets propres de chacune des molécules en plus des effets glycémiques. En revanche cela concerne des patients « très » ciblés. Une fois de plus, il est donc essentiel de connaître ces données et le périmètre exact de ces études pour poser de façon pertinente les indications, puis choisir l’une de ces molécules plutôt que d’autres.
Vers une médecine de précision
À cette donne déjà complexe, le troisième élément est le tournant majeur que la médecine, donc la diabétologie, devrait prendre dans les prochaines années : celui de la Médecine dite de Précision. Ce courant, comme beaucoup de nouveautés, nous vient des USA. En janvier 2015, le Président Obama dans un discours sur la santé, annonçait la « Precision Medicine Initiative », qui relève de plusieurs interprétations. En effet, cette médecine « sur mesure », dite customisée, concerne : la démarche médicale, les examens complémentaires à pratiquer, l’organisation des soins et les traitements. De nouveaux tests diagnostiques, comme les thérapeutiques, seront sélectionnés sur la base des signatures « omiques » (e.g. génomique, transcriptomique, méthylomique, protéomique) et, comme déjà évoqué, sur un profil spécifique de facteurs de risque. Dans ce cas, l’histoire médicale du sujet serait obtenue à partir de données mémorisées dans des bases « santé » informatiques. En mars 2015, le National Institutes of Health (NIH) a d’ailleurs lancé un groupe de travail pour créer et gérer les données d’un million de volontaires, créant ainsi la première cohorte de recherche dans le domaine de la médecine de précision. Cette Médecine de Précision inaugure l’ère d’une médecine centrée sur une approche hautement individualisée.
Dans le domaine du diabète, cela implique de s’appuyer sur les outils de la génomique pour développer les prédicteurs de risque de diabète (avec ses complications) ainsi que la pharmacogénomique, pour une approche sur mesure du traitement. En effet, la maladie est génétiquement très hétérogène et évolutive et ne répond donc pas, dans tous les cas, aux traitements de la même façon. Ainsi, la recherche d’une typologie moins « globalisante » que diabète de type 1 ou de type 2, qui reste très insuffisante, est nécessaire. Cette précision existe déjà dans d’autres domaines, comme par exemple en oncologie. La diabétologie est un peu à la traîne sur ce plan mais des formes particulières de diabètes (monogéniques ou de type 1 lent) sont déjà bien identifiées mais mal connues des praticiens de soins primaires.
Tout ceci devrait conduire à plus d’efficacité, moins de retard thérapeutique et moins de dépenses de santé. Mais pour cela il faut du temps et de la formation. Du temps, cela signifie que le MG cesse de travailler seul et puisse exercer au sein de pôles de santé. Il devra apprendre à déléguer les tâches, à partager la prise en charge avec des paramédicaux et à associer les diabétologues libéraux dans ces pôles, afin de bénéficier de leur longue formation spécialisée. De même, les services hospitaliers de cette spécialité devront aussi s’adapter à cette nouvelle donne, en finir avec leurs seuls rôles traditionnels, se convertir à l’ambulatoire avec des actions tournées vers les praticiens de terrain et s’impliquer davantage dans l’ensemble du parcours de soins. Il s’agit donc d’entreprendre de multiples chantiers sans lesquels la prise en charge restera un « prêt à porter », qui par définition ne convient durablement à personne.
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