Le Pr Martine Bagot (Saint-Louis, Paris) a rappelé que la DA est fréquente chez l'enfant (10 à 15 %) mais aussi chez l'adulte : 4,5 % des Français de plus de 15 ans (environ 2 millions), dont 6 % de formes sévères (90 000 à 100 000 patients).
Les patients atteints de DA modérée à sévère présentent environ 11 poussées par an, pour un total de 192 jours. Avec des conséquences importantes : 86 % présentent des démangeaisons quotidiennes, 55 % ont un sommeil perturbé ; des symptômes d'anxiété ou de dépression sont présents une fois sur deux (20 % d'idées suicidaires). Dans 42 % des cas, la maladie a des répercussions sur la vie professionnelle et, dans 27 %, un impact sur la vie affective. Sans parler des nombreuses comorbidités : 40 % d'asthme, 50 % de rhinite allergique, 24 % de conjonctivites…
Errance thérapeutique
Les patients se sentent prisonniers de cette maladie chronique, d'autant que les réponses thérapeutiques étaient jusque-là limitées, quand les traitements locaux anti-inflammatoires sont en échec. La ciclosporine était le seul traitement systémique validé par l'AMM, avec une efficacité rapide mais en profil de tolérance au long cours en limitant l'utilisation.
In fine, moins de 50 % des patients obtiennent une réponse complète avec un traitement systémique et seulement 44 % des médecins estiment que la réponse au traitement est satisfaisante.
L'arrivée de Dupixent
« Contrairement aux progrès enregistrés dans le psoriasis, la DA ne bénéficiait pas de l'apport des biothérapies », souligne le Dr Sébastien Barbarot (Nantes) ; l'arrivée du dupilumab représente donc une avancée importante, reconnue par la Food and Drug Adminstration (FDA) qui parle de « découverte capitale », par l'EMEA et, in fine, par la HAS (ASMR III pour les patients atteints de DA modérée à sévère, qui exigent un traitement systémique en cas d'échecs, d'intolérance ou de contre-indication à la ciclosporine).
Le dupilumab est un monoclonal humain qui inhibe la signalisation de deux cytokines (IL4 et IL13) qui sont au centre de la physiopathologie de la DA (production d'IgE, recrutement des éosinophiles, prolifération des lymphocytes Th2, inhibition des protéines de barrière et des peptides antimicrobiens et, bien sûr, inflammation).
Une évaluation rigoureuse
L'efficacité et la tolérance du dupilumab ont été évaluées à travers 5 études de phase III (Solo 1, 2, Continue, chronos et Café), à l'aide de différents critères et principalement du score EASI (10 à 72) regroupant les lésions, le prurit, les troubles du sommeil et la qualité de vie. Le dupilumab était administré seul, ou en association aux dermocorticoïdes.
À 16 semaines, le protocole comportant une dose initiale de 600 mg (2 injections sous-cutanées) suivie d'une injection sous-cutanée toutes les 2 semaines, améliore le score EASI initial d'au moins 75 %, chez un patient sur deux en monothérapie et chez 70 % en association aux dermocorticoïdes. Ces résultats significatifs à la 16e semaine, restent stables à un an.
Enfin, la tolérance a été acceptable, avec moins d'1 % d'événements indésirables sévères nécessitant l'arrêt du traitement. Les plus fréquents étaient des réactions au site d'injection, des conjonctivites et des céphalées. À noter, enfin, l'apparition d'anticorps anti-médicament dans 4,3 à 8 % des cas, mais sans que cela affecte l'efficacité du traitement chez la plupart des patients.
Un dernier recours très encadré
Les autorités ont souhaité que ce dernier recours pour les DA modérées à sévères soit très encadré : prescription initiale hospitalière annuelle par un dermatologue ou un interniste (avec renouvellement par un dermatologue de ville, en cours d'année).
Mais insiste le Dr Christian Deleuze (Directeur général de Sanofi Genzyme) ces conditions drastiques de prescription ne doivent pas priver les malades en errance thérapeutique de ce recours efficace. Pour cela, l'information des médecins généralistes et des officinaux est essentielle.
(1) Conférence de presse organisée par Sanofi-Genzyme
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