En France, bien que la dermatite atopique (DA) soit fréquente, tant chez l’adulte que chez l’enfant, la dernière conférence de consensus portant sur cette maladie datait de 2004. Il y a bien eu des recommandations européennes, mais encore fallait-il les adapter à notre pays. Ce travail vient d’être réalisé par le Groupe de recherche sur l’eczéma atopique (Great) de la Société française de dermatologie et son centre de preuves, qui ont proposé un texte long, un algorithme, une boîte à outils avec des scores de sévérité, les adresses des centres proposant des ateliers d’éducation thérapeutique, etc. Ils seront prochainement disponibles en ligne (1). De même, la DA arrivera bientôt sur ChronoReco, l’application rapide pour le choix du traitement.
Méthodologie
C’est la méthode Adapte, préconisée par la HAS pour éditer de nouvelles recommandations à partir de recommandations déjà existantes et récentes, qui a été utilisée. « Nous avons tenu compte des dernières données de la littérature et ajouté quelques questions qui nous semblaient intéressantes sur le plan pratique, relate la Pr Doutre (Bordeaux). Le groupe de travail a comporté des dermatologues, allergologues, pédiatres et un pharmacien. Lorsque les réponses aux questions n’étaient pas trouvées dans la littérature, un groupe d’experts y a répondu. Les textes ont été revus par un groupe de relecteurs, composé de dermatologues, pédiatres et allergologues hospitaliers et libéraux, de médecins généralistes, un médecin du travail, un pharmacien, une patiente et la mère d’un enfant atteint d’une DA, une psychologue et deux infirmières. Leurs remarques ont été prises en compte pour aboutir à des recommandations très pratiques. »
Ce qu’il faut retenir
• Il est important de faire une prise en charge globale de tous les patients. Les soins d’hygiène (bain ou douche courte à l’eau tiède avec des produits lavants sans allergène) doivent être suivis de l’application quotidienne d’émollients (sur la peau hors eczéma). Chez le jeune enfant, la diversification alimentaire peut commencer à 4 mois, sans éviction préventive ni bilan allergologique alimentaire systématique, sauf suspicion d’allergie alimentaire en raison d’éléments cliniques. Tabac et vêtements irritants sont à proscrire. Le retentissement de la DA sur la qualité de vie doit être pris en compte (vie personnelle, familiale, professionnelle). Enfin, discuter de l’orientation professionnelle d’un adolescent, ou proposer un programme d’éducation thérapeutique en présentiel ou par e-learning peut être utile.
• Les complications infectieuses sont fréquentes, en particulier à staphylocoque doré, responsable d’une impétiginisation : « Il n’y a pas lieu de mettre des antiseptiques topiques, ni sur la peau, ni dans le bain, rappelle la Pr Marie-Sylvie Doutre (CHU de Bordeaux), présidente du groupe de travail. Si les lésions sont localisées, le traitement repose sur les antibiotiques topiques (mupirocine). Si elles sont étendues, une antibiothérapie systémique en cure courte est préconisée, selon les recommandations de la HAS 2019 pour la prise en charge des infections cutanées. Les experts considèrent que l’on peut poursuivre les dermocorticoïdes, sous réserve d’un traitement antibiotique adapté. »
En cas d’infection par un virus de l’herpès, tout dépend du problème : une infection bien localisée et typique ne nécessite pas toujours un prélèvement PCR, contrairement à une forme étendue (le traitement antiviral doit débuter sans attendre les résultats). Selon l’avis d’experts, les dermocorticoïdes doivent être arrêtés dans tous les cas pendant au moins 48 heures après le début du traitement anti-herpétique.
• Concernant les traitements locaux de la poussée, ils reposent, pour les nourrissons, les enfants et les adultes, sur les dermocorticoïdes de classe forte sur le corps, et modérée sur le visage, à appliquer une fois par jour jusqu’à disparition des lésions, et sans décroissance progressive. Les émollients sont à poursuivre. Chez les enfants de plus de 2 ans et les adultes, le tacrolimus est indiqué pour les zones à risque d’atrophie (visage, paupières, plis, région anogénitale). En cas de récidive fréquente, lorsqu’il n’y a plus d’eczéma, une application deux jours par semaine de dermocorticoïde ou de tacrolimus sur les sites régulièrement atteints est conseillée.
Quid des formes plus sévères ?
Trois critères interviennent dans la mise en place d’un traitement systémique : une DA non contrôlée malgré un traitement local bien conduit (la sévérité étant objectivée par un score de sévérité et/ou par un retentissement majeur sur la qualité de vie) ou bien l’impossibilité de suivre correctement un traitement local – en raison d’obligations professionnelles par exemple –, ou encore une consommation trop importante de corticoïdes locaux (plus de 4 tubes de 30 g par mois chez l’adulte).
Un traitement systémique peut alors être proposé : en France, la ciclosporine est actuellement le traitement de 1re ligne des plus de 16 ans (c’est une prescription hospitalière). Si elle est inefficace ou contre-indiquée, les traitements de 2e ligne sont soit une biothérapie (dupilumab dès l’âge de 6 mois, lébrikizumab et tralokinumab à partir de 12 ans, qui peuvent être prescrits par un spécialiste de ville), soit un inhibiteur de JAK (abrocitinib à partir de 12 ans, baricitinib dès 2 ans, mais remboursé seulement chez l’adulte à ce jour, ou upadacitinib à partir de 12 ans, sur prescription hospitalière). « Chez l’adulte, compte tenu du rapport bénéfices-risques de la ciclosporine et des biothérapies ou des inhibiteurs de JAK, le groupe de travail estime qu’un accès remboursé en première ligne de ces derniers serait souhaitable », insiste la Pr Doutre. Le méthotrexate est une alternative (hors AMM), tout comme la photothérapie UVB à spectre étroit.
« Chez la femme enceinte, il n’y a pas de contre-indication à la ciclosporine ou à la photothérapie, mais il y a peu de données sur la biothérapie : c’est donc à discuter au cas par cas. Chez l’adulte âgé de plus de 65 ans, les experts recommandent la prescription d’une biothérapie en 1re intention, du méthotrexate à dose minimale efficace en 2e intention ou d’un inhibiteur de JAK à demi-dose en 3e intention », indique la Pr Doutre.
Entretien avec la Pr Marie-Sylvie Doutre (dermatologie, CHU Bordeaux), présidente du groupe de travail
(1) centredepreuves.sfdermato.org ; reco.sfdermato.org ; chronoreco.sfdermato.org

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